La culture maraîchère constitue une filière lucrative dans la province du Yatenga. Les différentes spéculations offrent aux producteurs d’importantes entrées d’argent et participent à résorber l’impact des déficits céréaliers du Burkina Faso. Constat sur les berges du barrage de Goinré et Kanazoé.
Il est 10h30 mn, lorsque nous arrivons aux abords du barrage de Goinré, à Ouahigouya, dans le Yatenga. Des maraîchers à l’aide de motopompe ou à mains nues, s’affairent cà et là. Au cours de la campagne sèche 2017-2018, ils ont produit dans toute la province près de 80 157 tonnes de spéculations diverses, soit 18 025 tonnes de pomme de terre, 59 587 tonnes de légumes, 468 tonnes de haricot vert ou encore 1695 tonnes de fruits, selon les statistiques officielles. Ils doivent ces résultats à l’amour qu’ils portent à leur travail mais aussi au soutien de l’Etat et des recherches scientifiques autour des productions phares.
ArounaTirouda est l’un des producteurs. Ce brave homme a réalisé un puits qui lui permet d’arroser à la main ses spéculations. Cette année, il a cultivé de la pomme de terre, du chou, de la carotte et de la salade. A la question de savoir pourquoi, il n’utilise pas la motopompe comme certains de ses confrères, il répond : «je n’ai pas les moyens pour en acheter». Mais, dit-il, cela n’entache en rien sa détermination et son ardeur au travail. «L’essentiel est de mettre de l’amour dans ce que tu fais, et les moyens viendront après», est-il convaincu. M. Tirouda est optimiste et se réjoui déjà pour la campagne sèche en cours, au regard de la physionomie des différentes spéculations cultivées aux alentours du périmètre maraicher de Goinré et de Kanazoé. «Nous espérons ne pas être déçus au moment de la récolte», tempère-t-il.
A quelque centaines de mètres, Faysal Ouédraogo est en train de planter de la salade dans son périmètre situé au bord du barrage Kanazoé. A la différence d’ArounaTirouda, celui-ci arrose ses légumes à l’aide d’une motopompe. Selon M. Ouédraogo, la plupart des producteurs longeant les berges, cultivent à peu près les mêmes spéculations et s’en tirent à bon compte. Les techniciens en charge de l’agriculture au Yatenga certifient que l’activité maraichère demeure rentable, en dépit des difficultés rencontrées par les acteurs.
Le soutien de l’Etat, des ONG et de la science
Dans son élan d’accompagnement le gouvernement a fortement subventionné le sac d’engrais à 12 000 frs CFA au lieu d’environ 27000 frs CFA sur le marché. Des sessions de formation sont initiées à leurs endroits. Et certains reçoivent gratuitement des intrants et du matériel. Sommaïla Badini, le directeur provincial de l’agriculture souligne justement la contribution significative de l’Etat et de ses partenaires, qui soulage un tant soit peu les producteurs maraichers. «Il y a la question de la transformation des produits en vue d’une meilleure commercialisation, d’où prochainement la mise en place des comptoirs d’achats par l’Etat. Ces stratégies permettront au fil du temps de trouver des solutions adéquates à ces questions.
En plus de l’accompagnement de l’Etat burkinabè, plusieurs partenaires provinciaux, régionaux, nationaux et internationaux soutiennent les maraichers à travers des organismes, associations, ONG, projets et programmes etc.
Trois difficultés majeures : intrants, conservation et écoulement
En ce qui concerne les contraintes liées à la cherté de la semence de la pomme de terre, le directeur Badini explique la situation par le fait que le Burkina ne produit pas cette semence. «Mais, il y’a de l’espoir qu’une solution soit trouvée car, au niveau de l’INERA, des réflexions sont menées afin de produire la semence de la pomme de terre au Burkina Faso», rassure-t-il. «Chaque année, nous nous acharnons au travail, afin de jouer pleinement ce rôle dans la culture de contre-saison», précise-t-il.
La chaine de production maraichère est également confrontée à de nombreuses autres difficultés. Quant à Lassané Gorgo, assis l’air soucieux dans son périmètre, il confie que leurs difficultés résident, depuis la production jusqu’à l’écoulement des produits maraichers. «Les difficultés majeures portent sur la cherté des intrants, la problématique de la conservation, la commercialisation», relève-t-il.
En effet, pour pallier au problème d’écoulement, depuis quelques années des journées promotionnelles ont été initiées dans la région du Nord. A Ouahigouya particulièrement, il s’agit de la journée du maraîcher. Mais tout porte à croire que le problème demeure toujours, selon les explications de la direction provinciale de l’agriculture et des aménagements hydrauliques du Yatenga. Au cours de la campagne maraichère 2017-2018, au total environ 3244 hectares de périmètre maraicher ont été emblavés. Les statistiques disponibles indiquaient que la production de l’oignon est à environ 33%, la pomme de terre, 24 %, la tomate 15 %, le haricot vert 14 % les autres spéculations 14 %. Pour la campagne en cours les données ne sont pas disponibles pour l’instant. Selon les estimations des techniciens les superficies seront sensiblement les mêmes. Par contre les rendements seront supérieurs à ceux de la campagne maraichère 2018 – 2019, au vu de la bonne pluviométrie enregistrée au cours de la campagne agricole. Selon le directeur provincial de l’agriculture et des aménagements hydrauliques (DPAAH) du Yatenga, Sommaïla Badini, la surproduction de la pomme de terre et de l’oignon est liée au fait que les producteurs cultivent ces spéculations pratiquement au même moment. M. Badini évoque également d’autres contraintes qui entravent l’épanouissement financier des maraichers. «Nous notons une faiblesse des capacités organisationnelles des producteurs, la non maitrise des itinéraires techniques de production et de conservation qui impacte la qualité des produits ainsi que leur durée de conservation, la méconnaissance des produits chimiques et leurs mauvaises utilisations qui limitent l’accès au marché international », explique-t-il. A cela, il ajoute le manque d’information sur le marché, la mévente du fait que les produits se retrouvent au même moment sur le marché, le faible accompagnement des acteurs par des projets et programmes et le faible accès aux structures de financement. Pour M. Badini, tous ces facteurs seraient la cause des pourrissements des produits et de la fixation arbitraire des prix par les acheteurs. C’est pourquoi le DPAAH-Yatenga lance un appel aux productrices et les producteurs à mieux s’organiser afin conquérir le marché national, voire international.
Des associations et groupements de producteurs donnent l’exemple
Cependant, le directeur provincial se réjouit que certains groupements et associations de producteurs se démarquent du lot en construisant des locaux adaptés, qui répondent aux normes de conservation et permettent de garantir une longue durée de conservation. «Il s’agit des cases RUDU (cases conservations traditionnelles) et plus récemment de la case type ATPOY , conçu par l’Association Tikwendé des producteurs d’oignon du Yatenga. D’autres associations et groupements sont aussi dans cette lancée», informe-t-il. Néanmoins, le responsable provincial en charge de l’agriculture reconnait que ces locaux sont couteux et ne sont pas à la portée des petits producteurs. Qu’a cela ne tienne, Sommaïla Badini souligne la contribution non négligeable de l’Etat et de ses partenaires afin de soulager un tant soi peu les producteurs maraichers. « Il y a la question de la transformation des produits en vue d’une meilleure commercialisation, d’où prochainement la mise en place des comptoirs d’achats par l’Etat. Ces stratégies permettront au fil du temps de trouver des solutions adéquates à ces questions.
Une chose est sûre, la culture maraîchère nourrit son homme. Les techniciens rappellent à juste titre que la pomme à un rendement important, entre 20 et 25 tonnes à l’hectare pour 250 francs à 400 francs le kilogramme sur le marché. C’est pourquoi ils proposent au profit des producteurs des formations en gestion de compte pour les aider à mieux profiter de leurs efforts.
Quant aux producteurs, ils pensent que la presse peut les aider à mieux communiquer avec les gouvernants. «Nous espérerons que votre passage va nous permettre d’exprimer nos difficultés afin que l’Etat nous aide à trouver des solutions», affirme l’un d’eux. En entendant, ils sont unanimes que la culture maraîchère, pratiquée par une bonne partie de la population à Ouahigouya, contribue en partie à la sécurité alimentaire ainsi qu’à dynamiser l’économie de la province.
Ibrahim Zampaligré
