Quartier Marcoussis de Ouagadougou : Le calvaire des habitants en saison des pluies

A chaque pluie, les eaux prennent en otage les rues du quartier Marcoussis.

Au Burkina Faso, l’un des problèmes majeurs en période d’hivernage demeure la canalisation des eaux de ruissellement. Au quartier Marcoussis, secteur 37, dans l’arrondissement 9 de Ouagadougou, les populations ne savent pas où mettre la tête lorsqu’elles aperçoivent le moindre nuage, en saison de pluies. En effet, après une averse, toutes les voies sont submergées d’eaux obligeant ainsi les habitants à attendre parfois des heures durant pour que l’eau passe avant de rejoindre leurs domiciles.

Le jeudi 26 août 2021 aux environs de 18 heures temps universel, à quelques mètres de la route nationale n°2, en face du marché de Bissighin, à la périphérie nord de la capitale Ouagadougou, un attroupement de personnes se fait remarquer. Plusieurs de ces personnes sont stationnées aux abords de la route. Qui dans des véhicules, qui sur des motocyclettes et d’autres à pied. La cause de cet attroupement, la route menant à leurs domiciles respectifs est obstruée par les eaux de pluie.

Après que dame nature a ouvert ses vannes sur la capitale, l’endroit, loin de ressembler à une route, présente des allures d’une marre d’eau ou d’un fleuve. Une bien triste situation qui oblige les riverains à attendre parfois des heures durant pour que la pression de l’eau diminue avant de rallier leurs domiciles. Olivier Kabré, la cinquantaine, de teint noir, est commerçant au marché de Laarlé. Il habite le quartier Marcoussis.

A 18h38, M. Kabré, dans son véhicule avec un enfant à bord, est stationné au bord de la route ce 26 août 2021. Manipulant son téléphone portable, il attend à son corps défendant, le passage des eaux de ruissellement pour rejoindre son domicile. Un domicile pourtant situé à seulement cinq cents mètres de son lieu de stationnement. Sa patience risque de durer des heures. Visiblement en colère, pas contre dame pluie mais contre l’autorité qui semble ne point se soucier de leur calvaire ou fait la sourde oreille face à leurs multiples interpellations. Il confie être déçu de cette non réaction des autorités municipales.

« Tu arrives devant ta porte et tu ne peux y accéder qu’après plusieurs heures. Cette rue hante nos nuits car l’eau que vous voyez peut transporter un être humain », s’offusque-t-il. Vivement remonté contre le maire de l’arrondissement 9, Albert Bamogo, il dit regretter de lui avoir accordé sa voix lors des élections municipales de 2016. « Je ne sais pas s’il travaille pour les autres quartiers mais depuis qu’il est maire, je ne vois aucun acte concret et sérieux qu’il a posé en faveur des populations de Marcoussis », s’indigne-t-il.

Albert Bamogo dit avoir transmis les doléances au maire central.

Olivier Kabré ajoute que les populations riveraines se cotisent régulièrement pour se procurer du gravier et de la latérite pour boucher les trous mais cela n’est pas suffisant. M. Kabré n’est pas le seul à attendre le passage des eaux pour rallier son domicile. Fadila Sankara, étudiante, la vingtaine, juchée sur sa mobylette multiplie les appels. En stage d’architecture à la Zone Une de Ouagadougou, elle parcourt près de trente kilomètres chaque jour en aller-retour entre son domicile et son lieu de stage.

Ce 26 août, après une telle gymnastique, elle n’est pas au bout de ses supplices. Stationnée au bord du goudron, le regard impuissant, elle n’ose prendre le risque de traverser. Son domicile est à environ un kilomètre de là. « Quand la pluie me trouve en ville, je suis vraiment triste car en plus d’avoir la phobie de l’eau, je ne sais comment pouvoir rejoindre mon domicile aisément », raconte-t-elle.

Mademoiselle Sankara confie avoir appelé ses frères aînés à sa rescousse afin que ceux-ci viennent l’aider avec sa motocyclette. « Dès qu’ils seront là, je vais leur remettre mon engin pour qu’ils se débrouillent et moi je vais poursuivre le reste de mon chemin à pied », confie –t-elle. La jeune fille poursuit que le problème que vivent les populations du quartier Marcoussis pendant l’hivernage a fait l’objet de plusieurs mouvements d’humeur, de multiples interpellations par voie de presse ou via les réseaux sociaux, mais l’autorité semble ne pas s’en soucier. Ibrahim Dianda, quant à lui, est gérant d’une poissonnerie aux abords de la voie et également habitant du quartier.

Il est témoin du calvaire des populations en saison des pluies. « Lorsqu’il pleut, on peut enregistrer près d’une dizaine de véhicules en panne. Quant aux motocyclettes, on n’en parle pas. Souvent, l’eau atteint la hanche. Et en pareille circonstance, une seule personne ne peut prendre le risque de traverser. Car si tu sors indemne, ce ne sera pas le cas pour ton engin ». Dépassé par les faits, M. Dianda ironise qu’il est plus facile de rallier Ouaga-Yako que de parcourir un seul kilomètre dans le quartier Marcoussis en temps de pluie.

Joseph Sawadogo soutient que parfois les eaux débordent jusqu’aux abords du goudron. Il invite donc le maire de la localité à agir

200 F CFA pour se faire aider à traverser

Boukaré Ouédraogo, excédé par la situation, supplie le maire Albert Bamogo à faire un tour

Le 2e adjoint au maire de l’arrondissement 9, Amadé Sawadogo reconnait que le problème est réel.

pour constater de visu les souffrances des habitants de Marcoussis. « Une fois de retour du boulot, tu arrives et tu ne peux rentrer chez toi. Et si c’est tard la nuit, tu feras comment ? A moins d’appeler à l’aide ou repartir en ville négocier pour passer la nuit chez un ami», explique-t-il.

Et d’indiquer que tout ce monde ici présent attend le passage des eaux pour rentrer chez eux. M. Ouédraogo précise que l’heure à laquelle ils vont pouvoir bouger de ces lieux est très incertaine. « Certains attendent que le niveau des eaux baisse pour se faire aider par des jeunes mobilisés pour la circonstance afin qu’ils puissent traverser», dit-il. En effet, dès que la pluie s’annonce, des jeunes du quartier s’organisent pour faire le guet dans les endroits bondés d’eau.

Par groupe, ils se donnent pour mission d’aider les populations à traverser dans ces endroits. Ils récupèrent la motocyclette, protègent le tuyau d’échappement à l’aide de sachets et à trois ou quatre ils font sortir l’engin pendant que l’intéressé se débrouille à pied pour gagner l’autre bord. Cette activité se fait moyennant une somme d’argent. Et le minimum, c’est 100 F CFA par motocyclette. Un véritable business pour ces jeunes qui se frottent les mains à la moindre goutte de pluie.

Alidou Ouédraogo ne dira pas le contraire. Si une pluie coïncide avec les heures de pointe ou de descente, surtout les jours ouvrables, le minimum dont ce jeune de vingt ans puisse empocher, c’est la somme de 2000 F CFA. « A quelque chose, malheur est bon », paraphrase-t-il.

La solution, le maire central

La difficile situation que vivent les populations de Marcoussis est connue par les autorités municipales. Ainsi le deuxième adjoint au maire, Amadé Sawadogo, lui-même habitant de Marcoussis, reconnait qu’il n’y a véritablement pas de voie d’accès surtout en hivernage.

Et ce manque de voirie ne permet pas à la population de vaquer sereinement à ses

Olivier Kabré stationné au bord de la RN2 attendant le passage de l’eau.

occupations. « De la route nationale N°2 jusqu’à Yagma, il n’y a aucune voie praticable. Tous les quatre secteurs de l’arrondissement ont besoin de voies », reconnait-il. De ses dires, le maire Albert Bamogo travaille inlassablement à y trouver des solutions. Il a, pour ce faire, trouvé des partenaires qui ont apporté un appui pour la réalisation de quelques voiries mais cela n’est pas suffisant. Il faut impérativement des caniveaux et des canaux d’évacuation des eaux.

Albert Bamago, alors parrain de la journée culturelle « Koudoumné » organisée par la coalition des associations des femmes de Marcoussis, le 11 juillet 2021, est revenu sur le sujet. Egrenant la problématique, M. Bamogo confie que le quartier Marcoussis se situe dans un basfond. « En 2002-2003 quand on procédait au lotissement de Marcoussis, j’étais le premier adjoint au maire. Tous savaient que c’était un basfond mais le lotissement a été tout de même fait.

Aujourd’hui la réalité est, certes, là mais qu’à cela ne tienne, l’administration étant une continuité, nous avons le devoir de trouver une solution », promet-il. Il poursuit qu’après le lotissement, les populations se sont aussi précipitées pour bâtir leurs habitations sans attendre la délimitation des voies et des canalisations. Pour M. Bamogo, le problème ne se limite pas seulement au quartier Marcoussis. Selon lui, tous les quartiers de l’arrondissement vivent la même situation. Ce qui constitue un gros chantier pour sa municipalité.

« Il nous faut canaliser l’eau à travers les caniveaux avant d’arranger les voies. Donc c’est un grand chantier », soutient le maire. Mais, précise-t-il, son arrondissement est sous la tutelle du maire central, Armand Béouindé. Toute chose qui limite ses moyens d’actions. Toutefois, il dit avoir transmis les doléances et les besoins au bourgmestre de Ouagadougou et qu’il a bon espoir que les choses vont évoluer positivement au grand bonheur des populations de son arrondissement.

Rabiatou SIMPORE

rabysimpore@yahoo.fr