Lancés en 2018 pour un délai d’exécution de sept mois, hors saison pluvieuse, les travaux d’aménagement de 180 ha à Séguéré, dans la commune de Bama, province du Houet, avancent à pas de tortue. Le site est toujours intact, donnant l’impression qu’aucune entreprise n’y est passée. La reprise en main des travaux par une nouvelle entreprise après la résiliation du premier contrat rebat les cartes. Le hic, est que l’entreprise réclame un nouveau délai de sept mois au lieu de trois pour achever les travaux. Constat en ce mois de mars 2024.
Rien d’extraordinaire à Séguéré, ce jeudi 14 mars 2024. Les habitants, reclus à l’ombre des arbres du fait de la canicule, attendent impatiemment le soir pour rompre leur jeûne. Les plus courageux qui bravent le soleil ardent pour des courses filent vers Bama, circonscription administrative dont relève le village. Dès l’entrée du site à aménager, une piste ouverte sur la rive droite de la route en terre battue semble s’évanouir dans les méandres de la broussaille.
Juste à côté, s’étire un long canal. L’ouvrage de drainage des eaux a perdu de sa superbe à cause de l’érosion. Il ressemble plutôt à un simple ravin. Aucun signe d’aménagement n’est perceptible dans les parages. Le chantier est méconnaissable et passe inaperçu aux yeux du visiteur. Des hommes vêtus de gilets de couleur vert clair s’empressent de descendre de leur véhicule. L’équipe est constituée d’ingénieurs et de techniciens, chargés d’effectuer des levés topographiques. L’espace réservé aux aménagements est conquis par diverses espèces végétales.
La piste aménagée qui donne accès au périmètre irrigué mème directement au garage de l’entreprise YIDIA. Le matériel de l’entreprise continue d’arriver au compte-goutte. Sont stationnés sur place, quelques engins constitués d’un bulldozer, une dameuse, un Caterpillar, une citerne et une benne. Derrière ces engins, sont couchés à même le sol, des ouvriers. Les effets du jeûne commencent sans doute à se faire sentir. Le sourire a quitté les visages. Les mines déconfites, ils sont silencieux. Les travaux ont démarré ici en 2018 pour un délai de sept mois, hors saison pluvieuse.
Un retour à la case de départ

En dehors du levé topographique toujours en cours, les gros œuvres n’ont pas encore commencé. Il s’agit principalement de la construction des digues de protection, du réseau d’irrigation constitué des canaux primaires, secondaires et tertiaires. A cela, s’ajoutent la réalisation des prises, des déversoirs, des pistes, des ouvrages de franchissement. Si surprise il y a, c’en est donc une. De 2018 à 2024, le projet d’aménagement des 180 ha de périmètre irrigué à Séguéré reste un mirage. Les travaux n’ont pas bougé d’un iota. Un retour donc à la case de départ.
« Nous sommes en phase d’installation », souligne Tégawendé Bertrand Néya, directeur des travaux de l’entreprise YIDIA. Le chef de brigade topographique de l’entreprise, Alassane Ilboudo, évoque une promesse non tenue du maître d’ouvrage. « Il nous avait promis une base vie, mais jusqu’à présent on ne voit rien », signale-t-il. Le bureau de contrôle est sans répit. Eric Kaboré, chef de mission d’une équipe de contrôle du bureau d’étude ACI Bani, est venu constater l’avancement des travaux. Il affirme que l’entreprise n’est pas en retard puisqu’elle avait jusqu’au 11 mars pour s’implanter.
Le directeur provincial en charge de l’agriculture du Houet, Antoine Zorma, indique que cette entreprise a trois mois pour livrer le chantier. Le directeur des travaux de l’entreprise YIDIA, Bertrand Néya, lui, fait savoir que ce délai ne sera pas respecté. Pour lui, cette échéance ne concerne qu’une partie du chantier. Selon ses dires, l’aménagement devrait permettre aux producteurs d’exploiter cette partie du périmètre en campagne humide sans compromettre la poursuite des travaux. Est-ce ce qui avait été convenu dans le contrat ? « Vraiment, je ne saurai vous répondre », rétorque Bertrand Néya.
A son avis, il est techniquement impossible de livrer tout le chantier dans un délai de trois mois. Mieux, il donne rendez-vous aux autorités dans sept mois. Le directeur en charge de l’agriculture du Houet, Antoine Zorma, dit ne pas être au courant de cette échéance. « Comment ça ? Nous ne sommes pas au courant de ce report », s’étonne-t-il. M. Zorma s’engage à rendre compte, à son retour au bureau, à sa hiérarchie.
5 ans de présence « inutile »

Après cinq ans de travaux, le périmètre irrigué de Séguéré n’est toujours pas exploitable. Les populations voguent dans l’oisiveté totale en attendant la concrétisation de ce projet qui va bien les occuper. Le directeur des travaux précise que l’entreprise est consciente des enjeux. Raison pour laquelle, dit-il, elle s’active à remettre le chantier dans les meilleurs délais. Le directeur des travaux de l’entreprise YIDIA se veut rassurant. « Ne vous inquiétez pas, vous serez bien servis », lance-t-il.
Et de poursuivre : « nous sommes conscients qu’il faut aller vite et bien ». Alassane Ilboudo, chef de brigade topographique de l’entreprise YIDIA, relève que les travaux avancent bien. Bertrand Néya est optimiste. Et pour cause ? « Le Président-directeur général (P-DG) de l’entreprise YIDIA est déterminé à terminer les travaux avant l’échéance », dévoile-t-il. Séguéré n’est pas un cas isolé. D’autres chantiers sont en souffrance à Bossora dans la commune de Satiri et Niéguéma dans la commune de Bama. Aucun aménagement digne de ce nom n’existe encore sur ces sites. Après cinq ans de présence dans ces chantiers, les entreprises peinent à remplir leur part de contrat. D’un site à l’autre, c’est toujours le statu quo.
Carrefour africain avait déjà sonné l’alerte à travers un reportage réalisé en décembre 2022. Il était question d’attirer l’attention des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de ce projet ambitieux à accélérer le pas de sa concrétisation. Il faut rappeler que l’aménagement de 1 500 ha à Samendeni s’inscrit dans la composante « aménagement de 21 000 ha de terres du Programme de développement intégré de la vallée de Samendéni (PDIS) ». Les travaux sont répartis sur trois sites à savoir Séguéré (180 ha), Bossora dans la commune de Satiri (720 ha) et Niéguéla dans la commune de Bama (600 ha).
Les coûts de réalisation de ces aménagements ont été évalués respectivement à 7,5 milliards F CFA, 13,5 milliards F CFA et 11 milliards F CFA. Le coût total du projet est de 32 milliards F CFA. Dans l’ensemble, la réception des aménagements devrait avoir lieu au cours de l’année 2021. A Bossora, les travaux sont exécutés par le Groupement d’entreprise la Société générale des travaux modernes (SGTM/SFT) pour un délai de 20 mois. Pour ce qui est du site de Niéguéma, les travaux lancés en novembre 2018 devraient en principe s’achever au plus tard fin décembre 2021.
Ils sont exécutés par la Société nouvelle des conduites d’eau Afrique (SNCE). Cependant, force est de constater que tous ces chantiers sont toujours d’actualité. La mise en valeur de ces terres devrait permettre de dégager en tout 972 parcelles, réparties en 546 parcelles de 0,5 ha chacune, 295 parcelles de 1 ha chacune et de 101 parcelles de 9 ha chacune. Toutes les démarches entreprises pour donner la parole aux responsables du PDIS et de la direction régionale en charge de l’agriculture sont restées vaines. Espérons que la dynamique engagée dans le cadre de la mise en œuvre de l’Offensive agropastorale et halieutique donnera un coup d’accélérateur à ce projet d’aménagement qui tient à cœur les populations.
Ouamtinga Michel ILBOUDO
omichel20@gmail.com
