L’Offensive agropastorale et halieutique poursuit son petit bonhomme de chemin. Dans la région des Hauts-Bassins, le blé est presque à maturité. Les producteurs sont partagés entre succès et échecs.
Issa Sanou est le président de la Coopérative kokodama basée à Samendéni. A la faveur de l’offensive agropastorale et halieutique, il expérimente, avec l’appui de l’entreprise semencière Saala monde rural (SMR), la production du blé. Il a semé, le 15 décembre 2023. A notre passage dans son champ, le jeudi 14 mars 2024, le développement des plants n’est pas homogène.
Certains sont élevés tandis que d’autres sont toujours tapis au sol. « Si cette phase expérimentale marche, nous allons augmenter la superficie de notre champ », affirme-t-il. A côté de cette exploitation, un autre champ de blé appartenant au Directeur général (DG) de SMR, Honoré Tankoano, s’étale. La physionomie des plants est similaire à celle de M. Sanou. Pourtant, Honoré Tankoano dit avoir misé beaucoup d’argent dans ce champ qu’il qualifie de pilote. Au départ, le blé a commencé à pousser correctement. Mais au bout de deux semaines, se désole-t-il, les plants ont connu un ralentissement dans leur développement avant de s’arrêter. Pire, certains mouraient. Néanmoins, le producteur a continué le suivi comme si de rien n’était.
« Nous avons bien préparé le terrain, utilisé deux tonnes de compost à l’hectare et neuf sacs d’engrais, composés de six sacs de NPK et trois d’urée. Les choses ont été faites avec minutie mais les résultats nous ont déçu », déplore M. Tankoano. A son avis, l’objectif était de surprendre les Burkinabè avec d’excellents résultats mais la déception s’est invitée au bout du compte.
Honoré Tankoano a débuté l’expérimentation de la production de blé au Burkina en 2020 et dispose de champs pilotes dans cinq régions. En fin 2023, il a créé, avec d’autres producteurs, l’Association nationale des producteurs de blé du Burkina. L’Objectif est de mieux s’organiser pour être une force de propositions à même d’accompagner les initiatives de l’Etat. Au regard de son expérience en la matière, il estime avoir beaucoup appris et continue d’apprendre. Produire de manière rentable le blé au Burkina est donc possible de son point de vue. « Le chemin que l’on a pu faire jusqu’ici nous a convaincu que produire le blé est bien possible au Burkina, pourvu que les conditions soient réunies », dit-il.
Trouver des variétés adaptées au Burkina

A Diarradougou dans les encablures de Bobo-Dioulasso, le blé se dévoile dans la ferme de Sylvie Kassongo. Dans son champ d’un hectare, le blé est presque à maturité. Cette productrice dit épouser la vision des autorités de la Transition. En matière de production de blé, Mme Kassongo n’est pas novice. Elle a auparavant suivi la formation sur les techniques de culture à Matourkou (Bobo-Dioulasso). Elle a aussi eu une autre formation au Canada qui lui a permis de renforcer ses capacités. Ce qui constitue un atout pour elle dans l’entretien de son champ de blé.
« Je suis venu en retard mais j’ai tenu coûte que coûte à emblaver le blé dans ma parcelle », lâche-t-elle. Sylvie Kassongo a déjà une idée de ce qu’elle va faire de sa production. « Je compte installer une boulangerie. Le blé que je produis sera transformé pour la fabrication du pain », avance-t-elle. Elle exhorte les chercheurs à trouver de nouvelles variétés adaptées aux deux saisons à savoir une pour la saison pluvieuse et l’autre pour la saison sèche.
« Mon souhait est que nous puissions produire le blé deux fois l’année », implore-t-elle. A en croire le directeur provincial en charge de l’agriculture du Houet, Antoine Zorma, deux variétés de blé sont actuellement utilisées à l’Ouest du Burkina. Il s’agit des variétés Kanz et Achtar. Mme Kassongo demande, en outre, aux autorités de mettre à la disposition des producteurs des terres cultivables dans les périmètres irrigués. Honoré Tankoano estime que le blé produit au Burkina peut être livré dans les magasins à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso à moins de 200 F CFA le kilogramme.
Reste à savoir si à ce prix, les uns et les autres seront motivés à se lancer dans cette activité. « Vendre le blé à ce prix, ça n’incitera pas un producteur à s’engager dans la production, sauf s’il y a un appui politique derrière », révèle Honoré Tankoano. Il insiste en disant que sans cela, la production de blé n’aura pas d’avenir au Burkina Faso. Lors d’une visite commentée dans un champ de blé à Magafesso, dans commune de Karangasso-Sambla, les participants ont été émerveillés par les résultats.
M. Tankoano veut encore mieux faire, car pour lui, le rendement peut être amélioré. Jusqu’à présent, il digère mal son échec à Samendéni. Il se pose des questions sur ce qui n’a pas véritablement marché. « On a utilisé un herbicide que l’on ne connaissait pas. Par manque d’alligator sur le marché, le commerçant nous a recommandé son équivalent, Pendistar. C’est la même matière active, le même dosage, la même concentration. Nous nous sommes dit que c’est l’herbicide qui est à l’origine de ce mal », indique-t-il.
Encourager les producteurs à persévérer

Et de poursuivre : « mais un chercheur m’a dit que mon champ doit souffrir d’un problème de toxicité ferreuse. Il dit que jusqu’à Bama, ce problème existe. Nous continuons les investigations pour savoir où se trouve le problème », martèle M. Tankoano. Pour gagner ce combat, pense-t-il, il faut engager la recherche pour investiguer afin de rassembler un paquet technologique à mettre à la disposition des producteurs. A entendre le DG de l’entreprise SMR, le Burkina ne pourra pas atteindre son autosuffisance en blé à l’horizon 2025. Et pour cause, on n’est que dans la phase de production de la semence alors que 2025 est déjà arrivé.
« On a importé les semences du Mali qui est en avance sur nous. Il faut investiguer pour voir si elles sont adaptées au Burkina ou non », affirme-t-il. Et d’ajouter : « il n’y a pas de doute que le blé ne marche pas au Burkina. S’il y a des problèmes, on les pose et on cherche des solutions ». Le Directeur provincial (DP) en charge de l’agriculture du Houet, Antoine Zorma, encourage les producteurs à persévérer, convaincu que le blé peut être produit à grande échelle au Burkina.
Grâce à l’appui des encadreurs agricoles, les producteurs de blé s’en sortent tant bien que mal. Mme Salimata Zongo, chef d’Unité d’appui technique (UAT) à Samendéni, est chargée d’encadrer les producteurs dans ce périmètre irrigué. A propos de la production du blé, elle constate que cette culture réussit bien sur les sols légers. De plus, remarque-t-elle, le compost favorise un bon développement des plants.
« La partie du champ où le producteur a appliqué le compost présente une bonne physionomie par rapport à la partie non couverte par ce fertilisant biologique », indique Mme Zongo. Antoine Zorma ajoute qu’en plus des variétés, il faut tenir compte des types de sol. « Quand le sol est riche en fer, il ne permet pas une meilleure production du blé », dit-il. Mme Zongo exhorte en outre les producteurs à semer pendant la période froide, gage de réussite de cette culture. Elle plaide également pour la formation des acteurs. « Je n’ai reçu aucune formation sur la production du blé.
On télécharge les fiches techniques sur internet. Grâce au soutien de M. Tankoano qui maîtrise mieux la production du blé, on arrive à guider les producteurs », relève Salimata Zongo. En tous les cas, Honoré Tankoano persiste que si la cadence se maintient, le Burkina peut devenir un pays exportateur de blé. Les producteurs étant engagés, tout dépend, selon lui, de la volonté politique.
Ouamtinga Michel ILBOUDO
omichel20@gmail.com
