Editorial : Nos barrages en danger

Il est une vérité incontestable que l’eau est une denrée précieuse, parce qu’elle est rare pour l’homme et pour les animaux, rare pour les activités économiques, rare pour l’agriculture, la pêche, … En somme, l’eau c’est la vie. Dans un pays comme le Burkina Faso où la saison humide ne dure que 3 à 4 mois par an, le besoin d’eau est encore plus prégnant. Surtout que l’agriculture et l’élevage occupent plus de 80% des populations vivant en grande partie en milieu rural.

Du coup, la mobilisation des ressources en eau de surface et souterraine constitue une priorité majeure pour le gouvernement burkinabè et ses partenaires en vue de satisfaire les besoins, au regard de la place que ces acteurs jouent dans le développement de l’économie nationale. Les gouvernants successifs déploient ainsi et depuis des décennies, des politiques et initiatives, pour ce faire, avec aussi en ligne de mire, l’autosuffisance alimentaire. De la construction de barrages et de boulis à la réalisation de puits à grand diamètre en passant par la promotion de l’irrigation, les actions ne manquent pas avec des résultats plus ou moins satisfaisants.

A titre d’exemples, les ouvrages hydrauliques comme les barrages de Kompienga, Bagré, Ziga, Samendéni et Soum contribuent à l’atteinte de ces objectifs à travers l’irrigation de milliers de périmètres aménagés. Accueillant une multitude d’acteurs (maraichers, éleveurs, agriculteurs, agrobusiness-men, ONEA, SONABEL …) qui en tirent leurs revenus, ces infrastructures dont l’importance n’est plus à démontrer, sont malheureusement menacées par la forte pression sur leurs berges, les exposant donc à l’ensablement, l’envasement et la pollution des plans d’eau. Pourtant, chaque aménagement a bien défini une bande de servitude généralement d’une centaine de mètres du barrage et matérialisée par des bornes, où toute activité est interdite, pour permettre une mise en valeur efficace et durable de la retenue d’eau.

En plus de « violer » ces bandes de servitude, certains poussent l’illégalité jusqu’à l’occupation de la zone tampon, située entre la diguette filtrante et la cuvette. Pour ne rien arranger, l’utilisation des engrais chimiques et des pesticides est une autre pratique nuisible non seulement à l’ouvrage mais aussi aux êtres humains, aux animaux et à la biodiversité à travers la pollution de l’eau.

La problématique de la gestion durable des ressources naturelles et en particulier des ressources en eau se pose donc avec acuité parce qu’aucun barrage n’échappe à cette malheureuse réalité, les activités humaines constituant aujourd’hui pour elles, une menace sérieuse à leur pérennité. Les descentes répétées des services de la Police de l’eau, les sensibilisations, les sanctions par endroits n’y ont encore rien pu. Il importe donc d’associer l’ensemble des acteurs à la recherche de solutions.

Il s’agit d’abord des propriétaires terriens pour la plupart dédommagés comme personnes affectées par le projet et/ou attributaires de parcelles dans les périmètres aménagés, mais qui prennent un malin plaisir à revendre des lopins de terre à des producteurs dans la bande de servitude des barrages. A ceux-là s’ajoutent les producteurs eux-mêmes qui doivent comprendre que la viabilité de leur activité dépend de celle de la ressource (eau) qu’ils exploitent. Autrement dit, sans barrage, pas de maraicher-culture. Quant aux services publics, la solution pourrait venir de l’aménagement de boulis alimentés par le barrage, au-delà des bandes de servitude, pour être mis à la disposition des producteurs.

A défaut, l’Etat pourra travailler à les accompagner dans l’acquisition d’outils de production (motopompes, tubes PVC …) afin de leur permettre de travailler « à distance ». Mais déjà, certains acteurs estiment que la phase de sensibilisation a trop duré et qu’il faut passer à la répression, non seulement des maraicher-culteurs installés sur les bandes de servitude, mais aussi des propriétaires terriens. En tous les cas, le danger est là et il faut y faire face.

Jean Marie TOE
jmt16j@gmail.com