Présidentielle en Côte d’Ivoire : 2025 déjà dans les esprits

Après la réconciliation, l’affrontement à nouveau dans les urnes ?

A plus d’une année de la présidentielle d’octobre 2025 en côte d’Ivoire, de grandes figures de la scène politique du pays ont déjà affiché leurs ambitions alors que d’autres ne se sont pas encore officiellement prononcées. Une précampagne qui bat déjà son plein pendant que les obsèques de Henri Konan Bédié, autre dinosaure politique disparu, s’achèvent ce 1er juin.

Déjà en mars passé, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), le parti de Laurent Gbagbo, avait annoncé la désignation de son champion pour être son candidat à la présidentielle de 2025. Deux mois plus tard, cette annonce a pris corps. L’ancien président a été officiellement investi le 10 mai dernier, par son parti comme candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2025.

« J’accepte d’être votre candidat », a-t-il déclaré devant ses partisans réunis à l’hôtel Ivoire d’Abidjan, pour l’occasion. Dans un discours de plus d’une heure, l’ancien prisonnier à la Haye s’est engagé à faire un seul mandat. Et celui qui rêve d’occuper à nouveau le palais présidentiel de Cocody a même déjà esquissé un début de programme politique, annonçant notamment des mesures pour mettre fin à la corruption, rendre la justice plus indépendante, désendetter le pays, créer un meilleur système de santé.

Le PPA-CI a investi son candidat, malgré son inéligibilité. C’est vrai que l’ancien président ivoirien a été finalement acquitté des accusations de crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la CPI en janvier 2019. Mais, il reste sous la condamnation de la justice ivoirienne à vingt ans de prison, pour le « braquage » de la BCEAO pendant la crise post-électorale de 2010-2011. De retour en en juin 2021, il est gracié l’année suivante par le Président Alassane Ouattara. Mais, la mesure n’a pas effacé la condamnation de son casier judiciaire et ne lui a donc pas permis de recouvrer ses droits civiques.

A l’heure actuelle, Laurent Gbagbo n’est ni éligible, ni électeur, puisqu’il a été gracié mais pas amnistié. Du côté du PPA-CI, on espère un geste politique de la part du Président Alassane Ouattara, pour permettre à son candidat de concourir à l’échéance électorale de 2025. Le parti rappelle que c’est Laurent Gbagbo qui avait autorisé Alassane Ouattara à participer à l’élection de 2010 alors qu’il était inéligible, pour nationalité douteuse. Un geste que le PPA-CI espère en retour de la part d’Alassane Ouattara.

Deux jours seulement après l’investiture de son mentor, c’est au tour de Charles Blé Goudé de déclarer devant ses partisans « que 2025 ne se fera pas sans nous ». L’intéressé n’a toutefois pas indiqué s’il sera candidat ou pas. Tout comme Laurent Gbagbo, le président du COJEP a été acquitté de la CPI mais aussi inéligible car, condamné pour des crimes liés aux violences post-électorales de 2010-2011. Lui aussi attend une solution politique de la part du pouvoir.
Comme si Laurent Gbagbo et ses anciens alliés avaient décidé d’officialiser leurs ambitions en ce mois de mai, c’est par une conférence de presse que son ancien premier ministre, Pascal Affi N’Guéssan, a annoncé en début de mois, sa candidature à la présidentielle de 2025. Après avoir noué un partenariat avec le pouvoir en 2023, le président du FPI, souhaite désormais incarner l’alternance.

Ils sont aussi à l’affût

Toujours dans le sillage de l’ex-galaxie Gbagbo, il faudra aussi compter avec son ex-épouse, Simone. Quelques temps après la création en 2022 de son parti, le Mouvement des générations capables (MGC), l’ancienne première dame avait déjà précisé qu’elle accepterait d’être candidate si son parti la désignait.
Elu président du PDCI en décembre 2023, à la suite de la mort de Henri Konan Bédié, Tidiane Thiam n’a jamais caché ses ambitions d’être candidat à la prochaine présidentielle et compte bien se présenter. Même si on peut s’interroger sur sa capacité à défendre les couleurs du plus vieux parti de Côte d’Ivoire.
Il y a aussi l’ex- chef de la rébellion, ancien premier ministre et ancien Président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro qui n’a jamais fait mystère de sa volonté de diriger la Côte d’Ivoire.

Après un exil européen, il résiderait dans un pays du Sahel. Une façon certainement de se rapprocher de la mère-patrie, à mesure que 2025 approche.
Du côté du camp présidentiel, le chef de l’Etat Alassane Ouattara ne s’est pas prononcé pour le moment. Mais l’agitation déjà constatée ces derniers temps dans son camp, fait penser qu’il pourrait se lancer dans le grand bain pour un quatrième mandat. Le 12 mai dernier, l’Union des femmes du RHDP, coalition présidentielle, a lancé en grande pompe, une campagne de mobilisation des militantes du parti pour 2025.

Au cours de cette rencontre, la présidente du Sénat, Kandia Camara, dont on connait la proximité avec l’actuel chef de l’Etat, a clairement indiqué que leur champion est bel et bien Alassane Ouattara. Autre fait marquant, l’Union des leaders pour la candidature d’ADO en 2025 a déjà entamé ses activités.
Celui que l’on désigne au niveau du RHDP comme candidat naturel du parti est vanté pour son leadership et son bilan économique. L’organisation réussie de la dernière coupe d’Afrique des nations que le pays a abritée, est venue renforcer son aura et lui donner une certaine avance par rapport aux autres candidats à la présidentielle.

Avec la disparition de Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo restent les figures marquantes de la scène politique ivoirienne. A respectivement 82 et 79 ans, ils semblent ne pas vouloir raccrocher. Assistera-t-on alors à un second duel fratricide comme à la présidentielle de 2010 ? Certains observateurs ne croient pas en cette perspective. Car même réhabilité, le PPA-CI n’a pas la même force politique que le RHDP. Pour retrouver sa force d’antan, Laurent Gbagbo a besoin de se réconcilier avec les anciens piliers de son camp : Simone Gbagbo, Affi N’Guéssan, Charles Blé Goudé…

Gabriel SAMA.