L’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) organise chaque année une foire aux semences de variétés améliorées de plantes. L’activité a eu lieu du 1er au 3 juin 2024.
La foire aux semences de variétés améliorées de plantes, une trouvaille de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA), est attendue et appréciée du public. 15e du genre, elle s’est tenue sous le thème, « Contribution des semences améliorées à l’atteinte des objectifs de l’offensive agropastorale et halieutique dans le contexte de crises sécuritaire et alimentaire». Plusieurs semences de céréales, de légumes et de plantes ont été présentées à l’exposition-vente. C’est le cas par exemple de la patate à chair orange, présentée sous forme de bouture. L’ingénieure de recherches et doctorante à l’INERA/Kamboinsin, spécialiste dans la sélection des variétés de patate douce à chair orange, Jeanne Nikiéma, la présente comme une plante qui peut sauver de la malnutrition. «C’est une plante moins exigeante en eau et très nutritif. Elle est enrichie en vitamine A qui protège contre la cécité des yeux», avance-t-elle.
Selon la chercheure, cette patate contient aussi de la vitamine C, K, le phosphore et le fer. Sa consommation est conseillée pour les femmes enceintes, allaitantes et les enfants de 0 à 5 ans. Et surtout pour les vieilles personnes, car elle a des vertus rajeunissantes. Mme Nikiéma s’est montré confiante sur son utilité dans l’atteinte de la sécurité alimentaire, si elle est produite en grande quantité. A écouter l’ingénieur, cette variété de semences améliorées de patate douce est obtenue à partir du croissement de la chair blanche et de la chair orange. Moins exigeante en eau, elle commence à donner des fruits à partir de trois mois.

Pour obtenir une bonne production, il est conseillé de bien fertiliser le sol : 20 tonnes/ha de fumure organique par exemple. « Ensuite faire des billons ou des buttes d’un mètre de large et de 25 à 30 cm de haut. On plante les boutures avec des espaces d’un mètre. Il est possible de la produire dans les petits jardins ou dans des pots», explique la doctorante. Pour sa collègue, Evelyne Sawadogo, la patate à chair orange a un goût sucré et est aimée des enfants. On peut en faire de la purée ou la consommer avec ou sans sauce. Ces variétés sont homologuées et figurent dans le catalogue national.
Une semence qui a attiré l’attention des visiteurs est la tomate hivernale. Pour le chercheur de l’INERA/Farako-Bâ, Cheikh Omar Traoré, elle se caractérise par un cycle de 70 jours avec un rendement potentiel de 32 tonnes à l’hectare. Rouge et ronde, elle n’est pas ferme car elle est produite pour être consommée directement et non pour la conservation.
La foire, c’est aussi l’exposition des plantes, surtout des arbres fruitiers. Le pépiniériste Augustin Wanewéogo a présenté deux variétés de bananes, plantain et douce (williams). Celles-ci ont la particularité de donner, au bout d’un mois, sept à huit rejets par pied et de produire rapidement des fruits au bout de six mois.
Avec lui, les visiteurs du jour ont bénéficié de quelques conseils sur l’entretien de certaines plantes ou sur leur restauration. Sur le karité, une espèce en voie de disparition par exemple, M. Wanewéogo indique que plusieurs variétés ont déjà été créées. Celles-ci peuvent donner des fruits au bout de trois ans, alors qu’avec un karité ordinaire, il faut attendre 10 à 15 ans.
L’INERA/Banfora a surtout exposé des manguiers et des mangues. Lippens, gouverneur, beverly, keitt, amélie, valencia, kent, etc. sont plusieurs variétés que le public a eu le privilège de voir. La responsable, Zara Nikiema, et ses collaborateurs ont prodigué des conseils quant à leur entretien, car la mangue fait partie de l’offensive agropastorale. Selon elle, la station de Banfora est arboricole.

Elle mène beaucoup de recherches sur les plantes fruitières (mangue, agrumes) et médicinales. A entendre Mme Nikiéma, les mangues que les transformateurs adulent sont, entre autres, le gouverneur, le lippens et Amélie. Elle confie en outre que la station accompagne pour la mise en place de vergers et pour tous besoins d’arbres fruitiers comme les manguiers, les goyaviers et les agrumes (orange, tangelo, citron, mandarine, clémentine, etc.).
Quant à Yacouba Zaré, chercheur au département de production animale, domaine de la génétique et de la sélection animale, il a présenté les résultats de la recherche sur la poule locale kondé en voie de disparition. Il explique : « c’est une poule dont la croissance est rapide comparativement aux autres poules locales.
Sa zone de prédilection est le Centre-Est. Elle est devenue rare et nous avons le devoir, en tant que chercheur, de travailler à ce qu’elle ne disparaisse pas. Ensuite, de la multiplier pour la mettre à la disposition des producteurs». Au stade actuel, les études ont montré qu’au bout de trois mois, cette poule pèse déjà un kilogramme. M. Zaré et son équipe s’attellent pour « l’exporter » dans les autres régions du pays.
Les structures accompagnantes
Adissa Nana, du service national des semences à la Direction générale des productions végétales (DGPV), a parlé de la rigueur dans le contrôle des semences. Son service est chargé du contrôle de la qualité des semences. Elle confie que les semences suivent un long processus de contrôle de qualité avant de bénéficier de cette appellation. Toute personne physique ou morale peut produire de la semence.
Il faut d’abord se faire former en production de semence et avoir une attestation. Adresser une demander pour se faire inscrire sur le registre des producteurs semenciers et avoir un numéro. Il faut se déclarer avant de produire. La DGPV inspecte les lieux, fait des prélèvements après les récoltes. Bref, c’est tout un processus pour obtenir la certification.

Le projet SAFEVEG était de la partie. Sa coordonnatrice-pays au Burkina Faso, Natacha Gouba, a fait part de la collaboration avec l’INERA de Bobo-Dioulasso et de Kamboinsin. Les recherches ont porté sur sept variétés dont la tomate saisonnière, le piment, l’aubergine africaine, l’amarante. A entendre la coordonnatrice, il s’agit au finish, de produire localement des légumes sains pour les consommateurs d’Afrique de l’Ouest.
« Nous visons également le soulagement des producteurs qui dépensent énormément pour acheter des semences maraichères à l’extérieur, souvent inadaptées à notre climat. Le projet est financé par l’Union européenne et les Pays Bas qui interviennent dans les recherches sur les cultures maraichères. Il concerne trois pays, notamment le Mali, le Benin et le Burkina Faso où il a démarré en 2021.
Un public intéressé
Cette 15e édition de la foire a drainé du monde. Parmi les visiteurs, il y avait l’ex-ministre Nestorine Sangaré. Elle confie être à sa première participation à la foire et est intéressée par plusieurs produits. Déjà agricultrice, son choix s’est porté sur les semences de piment, de la tomate saisonnière, du maïs, du haricot, des boutures de patate à chair orange…
François Naon, lui, est producteur à Poura, au bord du fleuve Mouhoun. «J’ai pris du haricot Wari et du sésame S42. A en croire les techniciens ces deux variétés s’adaptent au sol et à la pluviométrie du milieu. Le sésame a un cycle de 64 jours et 80 pour le haricot. On prie qu’il pleuve abondamment et que règne la paix au Faso», affirme-t-il.

Le Centre de formation professionnelle emploi et métier (CFPEM) était présent à travers ses étudiants. Selon l’étudiant Roger Bojona, lui et ses camarades de la filière élevage et agriculture sont venus voir en pratique ce qu’ils ont appris en théorie. Ils sortent enrichis des connaissances qui vont leur permettre de se situer par rapports à leurs projets. «On a vu beaucoup de semences améliorées comme locales, la mise en botte des foins pour les animaux; les plants qui s’adaptent aux différentes régions et les éléments nutritifs dont ils ont besoin», dit-il.
Pour le directeur des études du CFPM, Camille Kouamé, le déplacement de ce jour a pour but de permettre à ces étudiants de connaitre les variétés, leurs noms scientifiques et techniques, les opportunités qui peuvent s’offrir à eux. Foi de M. Kouamé, ils ont fait des achats de semences qu’ils vont expérimenter dans les champs de l’école.
Quant à Boureima Bazongo, il dit être venu pour s’imprégner de certains résultats. « Ma préoccupation a porté sur la question de savoir si en dehors de la culture du bananier dans le sol, il y a une possibilité de faire autrement. J’ai découvert qu’il est possible de le faire pousser en hors sol», révèle-t-il.
Habibata WARA
