Drissa Traoré, arboriculteur et chef du village de Kourinion : « Aujourd’hui, la filière mangue est à la croisée des chemins »

Drissa Traoré : « la mouche des fruits a impacté négativement la qualité de notre mangue ».

Il fait partie des pionniers de la production fruitière dans la province du Kénédougou, surnommée le « verger du Burkina ». Sa ferme agropastorale s’étend sur une superficie de 37 ha où se côtoient manguiers, anacardiers, agrumes ainsi que bovins, ovins et volaille. Lui, c’est Drissa Traoré, membre de l’Union nationale des producteurs de mangues du Burkina (UNPM-B) et chef du village de Kourinion, à quelques encablures de Orodara. Dans cet entretien accordé à Carrefour africain, le 8 juillet 2024, cet arboriculteur hors pair fait la photographie actuelle de la filière mangue au Burkina Faso, de la production à la commercialisation, en passant par la transformation. 

 

Carrefour africain (C.A.) : Comment se porte la filière mangue de nos jours au Burkina Faso ?

Drissa Traoré (D.T.) : Pour ce qui concerne la filière mangue aujourd’hui, il faut dire qu’elle est à la croisée des chemins. Parce que la mangue qui est considérée comme une des filières porteuses au Burkina mérite une attention particulière pour pouvoir se hisser à un haut niveau. Cela veut dire qu’il faut travailler à augmenter sa productivité. Ces cinq dernières années, le manguier a connu une sous production. Cette année, la situation a été pire avec la canicule que le Burkina a connue. En outre, avec les effets du changement climatique, il y a beaucoup de choses à faire pour pouvoir s’adapter. De la manière dont l’homme a des difficultés pour s’adapter, le manguier aussi éprouve ces mêmes problèmes.

C.A. : Parlant justement des effets du changement climatique, il y a eu cette année 2024 une canicule étrange qui a frappé le Burkina Faso. Comment vous les arboriculteurs l’avez vécue ?

D.T. : Cette année, la canicule a été particulière. Depuis ma naissance, je n’ai jamais vécu un tel phénomène. Même les personnes âgées se sont inquiétées. Si les humains ont ressenti la forte chaleur, il va de soi que les arbres aussi l’aient ressentie. C’était pire au niveau des plantes, puisque les humains avaient la possibilité de se désaltérer, alors que les arbres ne sont pas irrigués. Les arbres ont un système d’autorégulation. Au départ, quand ils portent un certain nombre de fruits et que la canicule persiste, ils les laissent tomber au fur et à mesure, en fonction de la quantité de sève qu’ils détiennent. Donc au départ, vous verrez qu’un arbre a bien fleuri, mais à l’arrivée, soit il n’y a rien sur lui, soit il porte quelques fruits. Nous avons senti cette année, un sérieux problème au niveau de la productivité des plantes d’une manière générale.

Les dernières pluies qui sont tombées au mois de novembre ont retardé la floraison des arbres, celle des manguiers en particulier. Quand ils ont commencé à fleurir, cela a coïncidé avec la période chaude et il y a eu le dessèchement de beaucoup de fleurs. Les quelques arbres qui ont pu porter des fruits, la canicule s’est invitée et s’est prolongée jusqu’en juin pratiquement et nous en avons perdu beaucoup. Le manguier n’est pas trop exigeant en eau mais le minimum est nécessaire. Si la déshydratation est exagérée, il meurt. C’est ce qui a fait que cette année, nous avons constaté le dessèchement dans beaucoup de vergers. Des arbres ont porté des fruits et sont morts par la suite. Tous ceux qui ont planté des manguiers l’an passé, beaucoup les ont perdus. Il y en a qui sont allés à 40, voire 60% des arbres qui ont séché.

C.A. : Avez-vous subi le dessèchement dans votre verger ?

D.T. : De par la position de mon verger qui est situé aux abords d’un cours d’eau permanent, du nom de Guiempi, un affluent de la rivière Guénako, je n’ai pas été victime de dessèchement. Mais beaucoup de mes jeunes manguiers que j’ai plantés l’an passé ont séché. Ces pertes sont évaluées à entre 30 et 35%. J’ai planté 1 200 plants l’année dernière, parce que je suis dans une dynamique de renouvellement de mon verger. 

L’arboriculteur Drissa Traoré souhaite que le ministère en charge de l’agriculture se penche sur les difficultés de la filière mangue.

Toutefois, les conséquences de la canicule sur ma production ont été énormes. L’an passé, j’ai eu deux chargements et demi de 10 tonnes de mangues mais cette année je n’ai même pas eu un chargement. Mes recettes, c’est environ un tiers de ce que j’ai eu l’an passé. Mais on ne désespère pas. Nous allons tirer des leçons et voir quelles dispositions prendre pour contrer d’éventuelles canicules les années à venir. Parce qu’il ne faudrait plus que l’on se fie aux eaux pluviales pour produire. Pour être dans une dynamique de la révolution agricole, il faut d’abord se donner les moyens de maitriser l’eau. Dans le Kénédougou, nous sommes à plus de 1 000 mm d’eau tombée dans l’année, mais nous n’avons aucun barrage. Toutes les eaux qui tombent s’écoulent vers d’autres zones. Nous avons quatre mois d’intenses activités agricoles et huit mois de repos. La réalisation des forages à hauts débits sera l’alternative pour les arboriculteurs.

C.A. : A combien peut-on estimer les superficies des vergers de manguiers au Burkina ?

D.T. : Nous sommes à environ 33 700 ha de vergers de manguiers au Burkina. Nous avons fait un recensement, je crois en 2018, qui nous a permis de connaitre les superficies des vergers. Par rapport aux quantités de mangues produites, ce sont des milliers de tonnes par an. En 2023 par exemple, on était à environ 240 000 tonnes de mangues fraiches. 

C.A. : Quelles sont les variétés de mangues que l’on y retrouve ?

D.T. : Il y a une multitude de variétés de mangues qui sont produites au Burkina. Je peux citer, entre autres, Kent, Lippens, keitt, Amélie couramment appelée greffe, Gouverneur, Brooks, Mademoiselle, Valencia, Irwin, Springfield, etc. Ces variétés sont issues des différents croisements. Avec les différents greffages, nous avons la chance d’avoir beaucoup de croisements au fil des années. Et comme nous ne sommes pas isolés en matière de production, nous collaborons avec le Mali qui est aussi dans la dynamique. Depuis un certain nombre d’années également, la recherche scientifique est en train de s’activer pour accompagner la filière. C’est ce qui fait qu’il y a beaucoup de variétés qui sont en promotion actuellement.

C.A. : Mais de plus en plus, on constate une baisse de rendements dans la production de la mangue. Le changement climatique est-il le seul facteur qui entraine ces contreperformances ? 

D.T. : Le changement climatique n’est pas le seul facteur qui milite aujourd’hui en défaveur de la filière. Il y a aussi la question des attaques parasitaires. En plus de l’effet de la mouche des fruits, il y a celui de la cochenille farineuse qui se manifeste comme si on avait versé de l’huile sur les feuilles qui sont recouvertes de taches blanches. Tout cela contribue à réduire la productivité du manguier. Alors que la mangue burkinabè a été la pionnière des mangues au niveau du marché international. Mais ces dix dernières années, les attaques parasitaires se sont invitées. Cela est dû à nos comportements, puisque la mouche des fruits n’a pas commencé au Burkina. Il y a des mouches qu’on a importées de l’Afrique du Sud ou de l’Asie.

En outre, il y a l’action de l’homme, c’est-à-dire l’utilisation abusive des pesticides dans l’entretien des vergers. On fait sécher les herbes en se disant que c’est une opportunité, parce qu’on ne va plus se courber pour travailler. Alors que c’est un problème. Toutes ces actions font que le sol est devenu pauvre. Et dans les années à venir, si on n’apporte pas de fertilisants naturels, ce n’est pas évident que l’on puisse produire quelque chose. 

 

C.A. : Est-ce que vous avez l’espoir qu’un jour la mouche des fruits sera éradiquée ?

D.T. : L’espoir y est, mais il faut que cela soit basé sur des actions conjuguées. D’abord nous, en tant que producteurs, il faut que nous arrivions à viabiliser nos vergers et à respecter les normes en matière de lutte contre la mouche des fruits. Car, pour que la lutte soit efficace, il faut éviter qu’une mangue ne traine sous les manguiers. A chaque fois que les fruits vont tomber, il faut prévoir une fosse fumière pour les y jeter. En outre, il faut pouvoir mettre en place des pièges chaque année, à travers des attractifs qui vont réduire la multiplication de la mouche. Beaucoup d’attractifs arrivent à tuer les mâles et les femelles ne seront plus fécondes. 

Dans mon verger actuellement, bon nombre de manguiers ne sont pas attaqués. Parce que ces deux dernières années, nous avons posé plusieurs pièges à l’intérieur desquels beaucoup de mouches mâles sont mortes. Ce système coupe leur chaine de reproduction. Au-delà de ces actions, il faut aussi l’implication réelle du ministère en charge de l’agriculture dans la lutte à travers des traitements de masse. Nous l’avons vu dans le temps avec la mouche tsé-tsé où des hélicoptères ont survolé des espaces pour pulvériser. Ce sont des méthodes qui peuvent être utilisées dans la lutte contre la mouche des fruits.

C.A. : Au regard des effets du changement climatique, n’y a-t-il pas lieu d’aller vers l’irrigation des vergers ?

D.T. : Il le faut forcément. Si le Burkina veut être au diapason des pays producteurs de mangues, il faut améliorer même les conditions de production. Parce que si vous voulez avoir un mécanisme agroindustriel, il faut nécessairement se donner les moyens. Et cela passe par la maîtrise de l’eau. S’il n’y a pas d’eau, le manguier ne peut pas donner. Par exemple au Burkina Faso, c’est à l’Ouest que le manguier produit le plus, parce qu’il pleut assez. Ce qui n’est pas le cas dans la zone de Dori, dans le Sahel.

C.A. : Dans le cadre de l’offensive agropastorale et halieutique 2023-2025, il est prévu de renouveler les vergers de manguiers au Burkina. Où en est-on avec ce projet à votre niveau ?

D.T. : Nous avons accueilli avec joie et détermination la politique de l’offensive

Drissa Traoré excelle également dans la production du tangelo.

agropastorale et halieutique. Parce qu’on s’est dit que c’est enfin la réponse à la problématique du monde agricole. Mais à l’étape actuelle, nous sommes d’abord à la réflexion pour ce qui concerne la filière mangue, puisqu’il n’y a rien pour le moment. Il y a trois ans de cela, j’avais fait la proposition du rajeunissement des manguiers à travers le repiquage dans les vergers. Parce qu’on s’est rendu compte que les tailles d’entretien des manguiers jouaient positivement sur la qualité des fruits mais c’est pour deux ou trois ans. Après cela, la qualité baisse encore. Alors qu’aujourd’hui, pour que la mangue burkinabè se vende très bien au niveau international, il faut qu’elle soit de qualité. Et c’est avec les jeunes plantes qu’on peut avoir les fruits de qualité. L’arbre, il faut le comparer à l’homme. Quand celui-ci vieillit, il ne peut plus être comme un jeune de 25 ou 30 ans. 

Donc, pour que la filière mangue soit promue, il faut aller dans la dynamique du rajeunissement des vergers. D’aucuns pensent que la taille d’entretien est la solution. Mais si nous voulons nous inscrire dans la durabilité, il faut forcément de jeunes plants. Il faut aussi que l’on cherche les variétés qui se portent mieux sur le marché international, parce que nous sommes dans une production économique. Il faut produire ce que le client veut. 

C.A. : Vous êtes déjà dans la dynamique du rajeunissement de votre verger. Est-ce que d’autres arboriculteurs vous ont emboîté le pas ?

D.T. : Oui. J’ai un ami, professeur d’université, qui a visité ma ferme et s’est inspiré de ma technique. Mais c’est de façon timide d’abord. Ce n’est pas encore devenu une réalité ni au niveau du gouvernement, ni au niveau de l’Union nationale des producteurs de mangues du Burkina. Pour certains producteurs, le rajeunissement des manguiers est perçu comme un gâchis. Parce que jusqu’à présent, beaucoup sont convaincus que c’est en taillant le manguier que ses fruits peuvent être améliorés. Et comme les gens sont hostiles au changement, ils sont campés sur leur position.

C.A. : On en trouve pas mal d’unités de transformation de la mangue à Orodara. Arrivent-elles à absorber toutes vos productions ?

D.T. : Pas forcément. Nous ne souhaitons même pas que ces unités arrivent à tout transformer. Parce que la mangue fait partie des filières porteuses et au-delà de son aspect commercial, elle contribue énormément à la sécurité alimentaire. Cela veut dire qu’on va transformer une partie mais l’autre doit être consommée à l’état brut. A ce niveau, le problème ne se pose pas. De nos jours, il y a beaucoup d’unités implantées dans le pays qui arrivent tant bien que mal à s’en sortir. Parce que, c’est une question de marché. Dans les unités de séchage surtout, on produit sur commande pour éviter les pertes. Sinon je pense que ce qui est déjà fait est énorme mais on peut encore améliorer. Comme nous sommes en train d’améliorer le système de production, il faut que les transformateurs aussi se mettent dans la même dynamique. 

C.A. : Elles sont au nombre de combien ces unités de séchage implantées à Orodara ?

D.T. : Il y en a une vingtaine. Mais cette année, beaucoup d’unités n’ont pas pu ouvrir pour diverses raisons. Ces différentes unités fonctionnent avec le gaz. Alors qu’entre temps, le gouvernement, à travers le ministère en charge du commerce, avait soulevé un problème, parce que le gaz est subventionné pour la consommation domestique. Et on avait demandé à tous ceux qui sont dans la transformation de ne pas utiliser le gaz subventionné pour faire fonctionner leurs unités. C’est pourquoi beaucoup étaient obligées de fermer parce que si elles devaient payer le gaz à coût réel, elles ne pouvaient pas transformer et rentabiliser. Après des concertations, je pense que la mesure a été levée mais on était déjà avancé dans la campagne. C’est pourquoi, beaucoup ont préféré attendre l’année prochaine pour rouvrir. Sinon il y a suffisamment d’unités à Orodara pour la transformation et d’ailleurs les gens continuent d’en ouvrir.

C.A. : Il y a aussi l’usine Dafani qui est installée ici à Orodara. Est-ce qu’elle arrive à absorber également une partie de la production des mangues ?

D.T. : Dafani arrive à absorber même une grande partie. Elle a permis à beaucoup de producteurs de s’en sortir. Parce que non seulement, elle a contribué à révolutionner les prix d’achat des mangues à bord champ mais également, elle a permis d’avoir des débouchés réels en termes d’écoulement de la mangue. Parce qu’aujourd’hui, la mangue est la matière première de base de Dafani. Et cela nous réconforte.

C.A. : Les producteurs arrivent-ils à écouler convenablement leurs mangues sur le marché ?

D.T. : A ce niveau, je pense que l’on doit se féliciter. Déjà en 2003, j’ai participé au forum de la société civile sur la lutte contre la pauvreté, organisé par le comité national de lutte

Le vœu de Drissa Traoré est que la mangue soit vendue au kilogramme.

contre la pauvreté. J’avais dit en son temps que le comité ne pouvait pas survivre, en ce sens que ce qui avait été adopté n’était pas la bonne formule. On nous a fait comprendre que 83% des Burkinabè vivaient du monde agricole. Cela veut dire que si 83% de la population restaient pauvres, le pays ne pouvait qu’être pauvre. Je disais à l’époque que je venais d’une province à 100% agricole, parce qu’une semaine avant mon voyage pour Ouagadougou, je suis allé à Koloko, à la frontière du Mali, où la tine de maïs se vendait à 500 F CFA. Donc le sac de six tines coûtait 3000 F CFA.

Quelqu’un qui a exploité cinq hectares où il a utilisé 3 ou 4 sacs d’engrais à l’hectare, à raison de 12 500 F CFA le sac, c’est sûr qu’il ne peut pas rentabiliser. En son temps, la mangue à bord champ était deux à 5 F CFA. Mais aujourd’hui, nous arrivons à vendre la mangue au kilogramme à 40 ou 50 F CFA. Pour moi, il y a eu un grand pas. Néanmoins, on peut toujours améliorer. Et cette amélioration n’aura son salut que si nous arrivons à mettre l’accent sur la transformation. Sinon, si on reste dans la vente du produit brut, on ne pourra pas s’en sortir. C’est le lieu pour moi de saluer la composante transformation de la faitière et ceux qui sont dans l’exportation pour leur contribution à la promotion de la filière. Nous avons trois composantes, à savoir les producteurs, les transformateurs et les exportateurs.

Chacun au niveau de la chaine mène un travail impeccable. Mais comme nous les producteurs, nous sommes à la base, tout dépend de nous. Car, il faut que nous donnions un fruit de qualité, pour qu’il y ait une bonne transformation et que finalement les exportateurs puissent expédier un bon produit. Je pense qu’à ce niveau, des efforts sont consentis. Mais j’allais demander à la direction de la promotion de l’économie rurale d’être regardante et de s’inscrire dans la dynamique de l’utilisation des unités de mesures conventionnelles. Parce que nous sommes toujours dans le comptage manuel des mangues lors de la vente. Tous les pays qui nous entourent sont à la vente au kilogramme tandis que nous sommes toujours aux méthodes traditionnelles, parfois avec des paniers comme unité de mesure. Ce n’est pas bon. Il faut qu’on évolue.

C.A. : Récemment, vos mangues ont quitté l’aéroport de Bobo-Dioulasso à destination de l’Europe. Comment avez-vous accueilli cette initiative ? 

D.T. : Nous avons tous salué cette initiative. L’aéroport de Bobo-Dioulasso devait être pour nous un aéroport stratégique en matière de transport de produits. Parce que l’Ouest est le berceau de la production agricole. Et s’il faut forcément que tous les produits à exporter se retrouvent à Ouagadougou ou au niveau des ports, ce n’est pas évident. Je pense que le Burkina Faso gagnerait à faire de cet aéroport, un aéroport agricole pour l’export. Si on arrivait à en faire un aéroport international comme nous l’avions souhaité, car sa position sied par rapport à celui de Ouagadougou, cela allait permettre aux gros porteurs de venir transporter nos produits. 

Il faut aussi noter que ce n’est pas la première fois que nos mangues sont convoyées par avion à partir de Bobo-Dioulasso. Au temps de la révolution en 1984, il y avait la compagnie Naganagani qui venait même au niveau local, à Orodara, pour prendre les mangues et les amener à Dori. Et de Dori, elle nous ramenait le bétail. Donc, c’est un aéroport que nous pouvons exploiter et qui peut être rentable et pour le producteur et pour l’Etat burkinabè. 

C.A. : Est-ce que ces exportations se poursuivent ? 

D.T. : Je me suis dit que c’était un essai. Mais comme je ne suis pas dans la composante exportation, je ne maitrise pas ce volet. Mais nous, en tant que membres de la filière, nous avons salué l’initiative et je souhaite que ça se poursuive.

C.A. : Peut-on affirmer que la mangue burkinabè est compétitive sur le marché international ?

D.T. : Je dirais que la mangue burkinabè est très compétitive. Ce sont plutôt les mangues des autres pays qui doivent se méfier des nôtres. La mangue, c’est d’abord la saveur. Au-delà de cela, il y a la qualité physique. Actuellement, notre sérieux problème, c’est la qualité physique. Aujourd’hui, le défi, c’est de travailler à rendre la mangue burkinabè jolie à voir. Sinon la saveur, nous l’avons déjà. Et c’est ce qui fait qu’il a été difficile de détrôner la mangue burkinabè au niveau international.

Mais maintenant, c’est la mouche des fruits qui est venue impacter négativement la qualité de notre mangue. C’est ce qui fait que des pays nous concurrencent au niveau international. Nous en tant que producteurs, nous sommes la cheville ouvrière de la compétitivité de la mangue burkinabè au niveau international. Si nous arrivons à rendre disponible des mangues de qualité, vous verrez que les transformateurs et les exportateurs n’auront pas de soucis. Et cela va diminuer significativement les rejets.

C.A. : Est-ce qu’il y a une symbiose entre les producteurs et les autres maillons, notamment les transformateurs et les exportateurs ?

D.T. : Oui. Il y a la faitière de la mangue, l’Association professionnelle de la mangue du Burkina (APROMAB) qui chapeaute l’ensemble des trois sous composantes, à savoir les producteurs, les transformateurs et les exportateurs. Ce sont ces trois groupes qui ont mis en place la faitière de la mangue.

C.A. : Vous êtes dans l’arboriculture depuis longtemps. Est-ce qu’on peut dire que l’activité nourrit son homme ?

D.T. : L’activité nourrit son homme lorsqu’on s’y met et on y croit. Parce qu’une activité, il ne faut pas la mener pour la forme. C’est quand on pense qu’elle peut nous apporter quelque chose qu’on la mène. Si on l’exerce parce que les gens y sont, les résultats vont tarder à venir. Cela demande un engagement. Nous n’avons pas grand-chose à offrir aux gens mais nous nous débrouillons bien.

C.A. : Quels conseils avez-vous à donner à un novice qui veut se lancer dans la production de la mangue ?

D.T. : Celui qui veut se lancer dans la production de la mangue doit savoir que le manguier est un arbre qui a besoin d’entretien. C’est vrai qu’il n’en demande pas trop mais il a besoin d’un minimum d’accompagnement. Pour créer un verger actuellement, il faut avoir la maitrise de l’eau, notamment un forage sur le site pour pouvoir irriguer. Car, avec les effets du changement climatique, il y aura beaucoup de problèmes. En outre, pour que le manguier réussisse, il faut disposer d’un sol propice, parce que tous les sols ne sont pas adaptés à la production de la mangue.

Quand on prend par exemple la province du Kénédougou, sur les treize départements, il y a six qui sont propices à la production de la mangue. Ce sont les départements de Kourinion, de Samogoyiri, de Orodara, de Koloko, de Kangala et de Djigouèra. Au-delà, on peut voir quelques vergers mais qui ne sont pas denses. Parce que là-bas, la zone ressemble à des plaines et cela ne permet pas une arboriculture industrielle. On peut avoir quelques pieds de manguiers pour la consommation familiale mais on ne peut pas en faire une activité d’envergure.

C.A. : Quelles recommandations faites-vous au gouvernement pour dynamiser davantage la filière mangue ?

D.T. : Le gouvernement à travers le ministère en charge de l’agriculture doit être beaucoup regardant sur la filière. Il faut que nous arrivions à écrire la politique de la filière mangue. Et cette politique doit pouvoir prendre en compte le rajeunissement des vergers, la lutte contre la mouche des fruits, l’utilisation des unités conventionnelles de mesures et la question de la gestion des marchés à travers la construction de comptoirs. Il faut que la filière soit organisée et qu’il y ait une courroie de transmission entre ses différentes composantes. Cela va permettre à chaque acteur de la chaine de pouvoir vivre décemment de son activité.

Interview réalisée par Mady KABRE

dykabre@yahoo.fr