Bobo-Dioulasso et Orodara, deux villes situées dans la région des Hauts-Bassins, sont peupléesd’arbres.Ces végétaux sont le fruit de plusieurs années de reboisement entrepris par des particuliers et les collectivités. Planter un arbre dans ces localités est devenu une tradition pour leurs habitants.Conséquence, ces arbres forment une végétation abondante qui contribue, entre autres, à lutter contre le réchauffement climatique.
Des vergers de manguiers et d’anacardiers quadrillent Orodara, chef-lieu de la province du Kénédougou, dans la région des Hauts-Bassins. La plupart s’étirent jusqu’aux portes de la ville où des maisons, nichées aux pieds des arbres, complètent ce décor. A certains endroits, on se croirait dans un verger, tellement la végétation est abondante. Les arbresont envahi les services, les domiciles et bordent les artères. L’espèce dominante est le manguier. On le retrouve un peu partout. Difficile de faire un pas sans rencontrer un ou plusieurs pieds. Les arbres constituent par endroits un tapis végétal.
Cette muraille verte, les rayons solaires ne parviennent pas à la franchir aisément. Sous ces arbres se dégagent un air frais. Leur ombre aiguise les appétits de plusieurs personnes.

André Traoré, arboriculteur et pépiniériste au secteur 1 de Orodara,est très enchanté d’avoir des arbres dans sa cour. Planter n’a rien d’extraordinaire à ses yeux. Ça fait même partie de son quotidien. Comme un effet de mode, chaque ménage a ses arbres. Rares sont les cours qui n’en possèdent pas. Le manguier ravit la vedette aux autres espèces végétales. Arbre fruitier par excellence,la bonne maîtrise de sa production par les populations joue en sa faveur.
De plus, ces fruits sont prisés par le consommateur, ce qui est également un avantage en termes de choix des espèces à planter. A entendre M. Traoré, la ruée des populations vers cette espèce n’est pas un fait de hasard. « Aucun ménage ne souhaite quémander des mangues pour consommer. C’est la raison pour laquelle chaque famille s’active à planter quelques pieds de manguiers dans sa cour », explique-t-il. Planter un arbre, c’est vivre utile, dit l’adage. Ce comportement éco-citoyen, le planteurTraoré dit l’avoir hérité de ses parents. Une valeur qu’il tente à son tour d’inculquer à ses enfants.
« Mes enfants n’ont pas besoin que je leur demande de planter avant de s’exécuter », se réjouit-il. Le reverdissement des villes burkinabè à travers des campagnes de reboisement

est l’une des recommandations de la Nuit de l’arbre, célébrée le 22 juin 2024, à Bobo-Dioulasso, en marge de la sixième édition de la Journée nationale de l’arbre (JNA). Orodara peut donc se targuer d’être dans l’esprit de cette politique gouvernementale et n’entend pas dormir sur ses lauriers.
C’est du moins la conviction de la Directrice provinciale (DP) en charge de l’environnement du Kénédougou, Lucie Zongo/ Kando. Pour elle, la commune est déjà sur la bonne voie. « Nous allons continuer de planter et surtout planter utile. Il ne faudrait pas aller jeter des plants dans la nature sans songer à bien les entretenir », note-t-elle. Le Kénédougou, surnommé le « verger du Burkina », semble vénérer l’arbre. Cela fait partie de la culture de ses habitants, confirme Mme Kando. Tous les arbres ne sont pas issus de reboisement.
Certains ont poussé de façon naturelle sur la base de la Régénération naturelle assistée (RNA). Cela est dû, selon André Traoré, à la fertilité des sols, accompagnée d’une bonne pluviométrie. « Si vous mangez une mangue et vous jetez l’exocarpe par terre, il va pousser de lui-même », relève-t-il.Lassina Barro, résident au secteur 4 de la ville, s’affiche tout sourire lorsqu’on lui demande pourquoi il plante des arbres dans sa cour ou devant sa porte.

« Les vertus de l’arbre sont multiples. Planter est devenu une tradition chez nous », réplique-t-il. Mieux, il affirme que l’arbre, c’est la vie. Planter un arbre, de son avis, c’est préserver l’environnement et surtout rendre service à la société. « Les arbres nous donnentdes fruits,de l’ombre et soignent nos maladies », martèle-t-il. Les habitants n’attendent pas forcément la saison pluvieuse pour commencer à planter des arbres. L’entretien des plantes ne semble pas poserde problème à leur niveau,car l’eau est à portée de main. « Nous plantons les arbres tout au long de l’année. C’est pour vous dire que chez nous, il n’y a pas de périodeprécise pendant laquelle il faut planter », dévoile Mahamadou Traoré, arboriculteur.
Bobo, ville verte
Orodara n’est pas un cas isolé en matière de reverdissement des villes par le reboisement au Burkina Faso. Bobo-Dioulasso, la capitale économique, est aussi un cas d’école dans ce domaine avec une forte présence d’arbres à l’intérieur de la ville. Au centre-ville par exemple, des manguiers ou des caïlcédrats toisent les immeubles, contribuant du même coup à embellir les avenues.

Des commerçants toujours enquête d’un endroit confortable pour exercer leurs activités n’hésitent pas à s’installer sous ces arbres. Kôkô est l’un des quartiers les plus boisés de la ville. Les artères sont bordées d’arbres géants dont les cimes surplombent parfois les toits des bâtiments. Des jeunes, assis par petits groupes,devisent sous des manguiers. Sont de ceux-là, Abdoul Karim Sanou et ses amis. Ils sont en train de prendre de l’air sous un manguier.
Le jeune Sanou confie avoir déjà planté des arbres et conseille à ses amis de lui emboîter le pas, seul moyen, selon lui,de freiner l’avancée du désert. Sy André Bienvenu Ouattara habite le même quartier. Devant sa cour, trône un grand manguier. A l’intérieur, les arbres se comptent par dizaine. Il révèle que la plupart ont été plantés par ses géniteurs. Malgré tout, cela ne l’a pas empêché d’apporter d’autres arbres. Planter un arbre, à son avis, est devenu une tradition qui se perpétue de père en fils à Bobo-Dioulasso.

M. Ouattara indique qu’avant d’implanter une nouvelle cour, la place des arbres est prévue. Différents types d’arbres sont mis en terre. Les arbres fruitiers sont toujours en première ligne, suivis des plantes médicinales. M. Ouattara est ravi de montrer plusieurs de ces espèces à ses visiteurs. « Ces plantes soignent toutes sortes de maladies », signale-t-il. Le seul moyen d’assurer la pérennité de ces espèces aux vertus multiples consiste à les planter, estime M. Ouattara. Les arbres produisent également des fruits destinés à la consommation ou à la vente. « Les mangues contribuent à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans notre province. A la période de la cueillette, vous ne verrez personne se plaindre de la faim », souligne André Traoré de Orodara.
La canicule moins ressentie à Orodara
Reverdir les villes par la plantation d’arbres est une démarche salutaire qui rencontre l’assentiment de M. Traoré et ses camarades. Mieux, estime Lassina Barro, les vertus de ces espèces végétales pour les populations sont nombreuses. « Grâce aux arbres, nous n’avons pas beaucoup senti les effets de la chaleur qu’a connue le Burkina Faso au cours de l’année 2024 », souligne-t-il. Même son de cloche chez la DP en charge de l’environnement du Kénédougou qui déclare : « la canicule a été moins ressentie à Orodara que dans d’autres villes du Burkina, parce que nous avons beaucoup d’arbres».

Sy Ouattara profite de la fraîcheur que dégagent ses arbres lorsqu’il fait chaud. Ce bonheur, il n’a pas voulu le vivre seul. Il a préféré le partager avec son entourage. « Pendant la période de la chaleur, mes voisins viennent négocier pour se reposer à l’ombre de mes arbres», avance-t-il. Avoir des arbres en ville est une bonne chose au regard de leur impact positif sur la vie des populations. En plus de fournir des aliments aux hommes et aux animaux, ils participent à la régulation du climat. A en croire la DP Lucie Kando, les arbres concourent à lutter contre la pollution atmosphérique.
Selon elle, le cas de Orodaran’a fait l’objet d’aucune étude. Cependant, elle dévoile que d’autres études réalisées en la matière ont montré que les arbres font baisser les températures dans les villes. De plus, ajoute-t-elle, ils participent à la purification de l’air. « L’arbre joue un rôle de capteur des gaz nocifs dégagés par les engins en ville », informe-t-elle.

Au niveau des autorités communales et des services déconcentrés du ministère en charge de l’environnement, la plantation d’arbres revêt une importance particulière.Bobo-Dioulasso et Orodara, deux villes de la région des Hauts-Bassins, sont déjà dans la dynamique. En ce mois d’août, les autorités municipales de Bobo-Dioulasso ont entamé le reverdissement de plusieurs avenues de la ville. Après leboulevard Chalon en champagne,c’est au tour de celui de l’Indépendance d’être reverdi à travers une opération de reboisement initiée par les autorités communales.
La mise en terre de 800 plants sur le terre-plein central va bientôt changer le visage de cette avenue. Laurent Kontogom, Président de la délégation spéciale (PDS) de Bobo-Dioulasso, explique qu’il est possible de reverdir nos villes ens’inspirant de l’exemple de certaines grandes villes d’Afrique. Il parie que toutes les dispositions seront prises pour assurer la survie des arbres.
« A Bobo-Dioulasso, il n’est pas rare de voir des gens s’asseoir à l’ombre des arbres dressés devant leurs cours, autour d’un thé. C’est la preuve que l’une des fonctions de
l’arbre, c’est son ombrage », atteste Koffi Emmanuel Dabiré, chef de service régional des forêts et de la faune à la direction régionale en charge de l’environnement des Hauts-Bassins. A Orodara notamment, poursuit-il, même si vous arrachez un plant de manguier que vous jetez par terre, il va repousser. Ce qui est loin d’être le cas, dit-il, dans d’autres localités du Burkina.
« Si vous amenez un plant de manguier à Ouagadougou, tant que vous ne creusez pas la

terre en profondeur, en y apportant en plus des éléments nutritifs, soyez-en sûr qu’il va mourir », se convainc M. Dabiré. Rendre la ville de Bobo-Dioulasso plus verte que ce qu’elle est aujourd’hui n’est pas la mer à boire, selon lui. En termes de verdure, Orodara est nantie, affirme de son côté,Lucie Kando.
La DP en charge de l’environnement du Kénédougou soutient que la ville est actuellement en chantier à cause du bitumage des voies Orodara-Koloko-frontière du Mali et Moami-Orodara. « Les aspects liés au reverdissement de ces artères se feront après le bitumage », promet Mme Kando. Sa direction envisage également de réaliser des plantations d’alignement sur des artères qui en sont dépourvues jusqu’à présent.
« C’est pour montrer aux populations que nous devrions avoir des arbres tout au long des voies que nous empruntons », indique-t-elle. La DP explique en outre que la plantation d’alignement embellit non seulement la ville mais contribue aussià diminuer la chaleur. Par-dessus tout, renseigne-t-elle, les arbres apportent une bonne pluviométrie. Conscients que le reverdissement des villes est un combat de longue haleine, les acteurs comptent redoubler d’efforts en vue d’atteindre rapidement les objectifs fixés.
Pour ce faire, la DP en charge de l’environnement du Kénédougou prône une approche basée sur l’intensification des campagnes de sensibilisation. Car pour elle, le combat ne fait que commencer. Soucieuse de la préservation de la biodiversité, Lucie Kandolance un appel aux populations de ne pas se focaliser uniquement sur les arbres fruitiers mais de penser aussi aux espèces locales en voie de disparition.
Ouamtinga Michel ILBOUDO
