Accessibilité des zones pastorales du Zoundwéogo: la croix et la bannière en temps de pluie

Des ramasseurs de sable en pleine activité au bord du cours d’eau, à la lisière de la zone pastorale de Niassa.

Visiter les zones pastorales de Sondré-Est et de Niassa (province du Zoundwéogo), en saison humide, relève d’un parcours du combattant. L’absence de voies aménagées ne facilite pas l’accès à ces sites, pourtant réputés pour les activités d’élevage. Excursion dans deux des quatre zones pastorales de la région du Centre-Sud, en hivernage.

La semaine d’avant la mission pour les zones pastorales de Sondré-Est, dans la commune de Bindé et de Niassa, dans la commune de Gogo (province du Zoundwéogo), les appréhensions ne manquaient pas. La saison des pluies bat son plein. Il tombe des hallebardes au pays des Hommes intègres, causant parfois des inondations par-ci, des dégâts par-là. Les dégradations de voies, avec à la clé des effondrements d’ouvrages de franchissement sont légion.

Les habitants de la zone pastorale de Niassa demandent l’érection d’un ouvrage de franchissement sur ce cours d’eau.

Des renseignements pris avant notre départ sur l’accessibilité des deux zones d’élevage, il ressort que c’est la croix et la bannière pour y parvenir, surtout en hivernage. Malgré tout, nous tentons de braver l’adversité. Aller à la rencontre des éleveurs et recueillir leurs préoccupations reste un défi. Sondré-Est est d’abord dans le viseur. Nous sommes dans la première décade du mois de septembre 2024. Bakary Alexandre Percoma, chef de ladite zone pastorale, est mis à contribution pour fournir les informations nécessaires sur le trajet. « Pour l’instant, ça va.

Mais s’il pleut, c’est mieux de reporter votre arrivée, parce que vous n’allez pas pouvoir traverser », prévenait-il la veille du voyage. Depuis quelques jours, dame nature n’a pas ouvert ses vannes sur la zone, laissant installer une « petite » poche de sécheresse. En témoignent les feuilles des cultures qui ont commencé à se faner, ainsi que les ravins et le sol qui présentent un visage asséché.

Les voies menant aux zones pastorales sont fortement dégradées en saison des pluies.

De Guiba à Kaïbo, la route est bien carrossable. Mais il faut bifurquer à partir du dernier village cité. Le calvaire commence, nonobstant l’absence de pluie. Une quinzaine de kilomètres (km) nous séparent de la zone pastorale de Sondré-Est, un site qui est en voie de modernisation, dans le cadre de l’offensive agropastorale et halieutique 2023-2025.C’est une piste qui y mène. Il faut slalomer entre vallons et autres flaques d’eau. Le véhicule avance à pas de tortue.

Un dalot hors d’usage à Sondré-Est

A environ 10 km de notre destination, un carrefour nous oblige à nous renseigner auprès d’un jeune homme. Celui-ci rétorque qu’un ouvrage de franchissement a cédé à la lisière de la zone d’élevage.

Hamidou Diallo, éleveur à Sondré-Est : « parfois, nos femmes accouchent à la maison par manque de voies pour accéder au centre de santé ».

« Aucun véhicule à quatre roues ne peut y passer », martèle-t-il. Coup de tonnerre ! Pourtant, c’est le seul chemin que nous connaissons pour accéder au site. M. Percoma n’avait pas non plus signalé un quelconque incident. Ce dernier, joint au téléphone, évoque un oubli lors des précédents échanges. « Il ne fallait pas emprunter l’axe de Sinikiéré (un hameau de culture), mais plutôt celui de Kaïbo-nord V2 », s’empresse-t-il de rectifier.

Trop tard ! Sinikiéré est déjà derrière nous. Il faut donc repartir sur ses pas, jusqu’à Kaïbo-centre. Mais avant, nous visitons le fameux dalot endommagé. L’ouvrage n’est plus que l’ombre de lui-même. Aux alentours, de jeunes volontaires volent au secours des usagers des deux roues pour les aider à franchir. Pour les camions, inutile d’essayer. Il faut impérativement changer de route. C’est l’option que nous avons prise.

Le chef de la zone pastorale de Sondré-Est, Bakary Alexandre Percoma, souhaite l’aménagement des routes pour faciliter l’écoulement des produits.

Après de longues minutes de détour, nous voici enfin dans la zone pastorale de Sondré-Est. Les visages se décrispent enfin, mais la hantise d’une pluie surprenante demeure. En cas d’averse, aux dires de nos interlocuteurs, il nous sera impossible de rebrousser chemin le même jour. Les cours d’eau seront inondés et la chaussée très glissante.

Les embourbements seront aussi au rendez-vous. M. Percoma témoigne que plusieurs missionnaires ont déjà payé le prix lorsque leurs véhicules se sont embourbés dans la zone. Mais par coup de chance, la nature a été clémente ce jour. Dans certains villages traversés, les populations se sont mobilisées à travers des travaux communautaires pour renforcer des ponts qui menacent de céder.

A l’aide de sacs remplis de sable, elles tentent de sauver l’essentiel. « On a un souci en saison des pluies pour accéder à la zone », reconnait M. Percoma, avant de relever que le problème ne se limite pas à là. A l’écouter, il est quasi impossible de se mouvoir d’un point

Boukaré Dicko, SG du COGES de la zone pastorale de Niassa : « des projets veulent nous aider mais, ils sont limités par l’absence de voies d’accès ».

à l’autre dans la zone en hivernage, tellement les voies sont dégradées et parfois entrecoupées par des eaux. Hamidou Diallo, l’un des éleveurs de Sondré-Est, parle d’un problème très sérieux. « Quand il pleut, les déplacements sont limités. Parfois, tu appelles le vétérinaire pour soigner ton animal et il ne peut pas venir, à cause de l’état de la voie », déplore M. Diallo.

Des accouchements à domicile

Cette situation, à l’entendre, a déjà contraint des femmes en travail à accoucher, soit en cours de route, soit à domicile. C’est également le cri du cœur du chef de la zone pastorale, lorsqu’il indique que l’accès aux centres de santé demeure cauchemardesque. « Alors qu’en hivernage, le paludisme sévit et on enregistre beaucoup de malades », mentionne Bakary Alexandre Percoma. Vu les potentialités de sa zone d’élevage, il plaide pour l’aménagement des voies d’accès afin de faciliter l’écoulement des produits tels que le lait, la viande et le bétail sur pied.

Après Sondré-Est, le cap est mis sur la zone pastorale de Niassa, dans la commune de Gogo. Le même scénario est mis en place avant le départ. Les coups de fil se succèdent. A ce niveau, le chef de la zone pastorale, Raymond Minoungou, est catégorique : « notre site est difficile d’accès, quelle que soit la saison ». Le pire, c’est en hivernage, selon ses dires. Il faut donc prévoir plusieurs plans. En tous les cas, le calvaire s’annonce inévitable.

Dans la matinée du mercredi 11 septembre, la ville de Manga s’est réveillée sous un ciel dégagé. Mais très vite, des nuages commencent à s’amonceler aux environs de 8h. Faut-il maintenir malgré tout ce déplacement de la zone d’élevage de Niassa ? Le doute s’installe. La décision est prise néanmoins de ne pas abdiquer. Quelques minutes après, la pluie annonce ses couleurs à travers d’épais nuages à l’horizon.

Raymond Minoungou nous instruit au téléphone de faire machine arrière mais nous sommes déjà en rase campagne. Dans la foulée, il se ravise et ordonne de continuer jusqu’à Gogo, le chef-lieu de la commune qui abrite la zone pastorale. C’est sous une pluie battante que nous foulons le sol de ce village, situé à une quinzaine de kilomètres à l’Est de Manga. L’intempérie n’aura duré que quelques minutes. Ce qui nous donne le courage de poursuivre notre chemin. Mais il faut abandonner le bitume.

Selon le chef de la zone pastorale de Niassa, Raymond Minoungou, le cours d’eau est devenu davantage profond à cause du ramassage du sable dans son lit.

Le site est à environ 15 km de Gogo. La boue, les crevasses, les cassis remplis d’eau, les sillons tracés par les gros camions des ramasseurs de sable, etc., ne facilitent pas la progression de notre automobile qui roule à l’allure de caméléon. Mais elle sera stoppée à l’entrée de la zone pastorale par un cours d’eau, d’une profondeur remarquable. Le chemin se termine là. « C’est en saison sèche que les camions peuvent le franchir, sinon en hivernage, il n’y a aucune solution », confie M. Minoungou. La progression se fera maintenant à pied. Pour le moment, l’eau qui coule dans le bas-fond couvre à peine la cheville. La traversée se passe sans encombre.

Besoin urgent de pont dans la zone de Niassa

Toutefois, le technicien supérieur d’élevage prévient que si une pluie tombe avant notre retour, nous en aurons pour au moins douze heures d’attente afin que le niveau de l’eau baisse. Et pas seulement cela. M. Minoungou ajoute qu’il suffit d’une forte pluie ailleurs et le cours d’eau devient infranchissable. Pour lui, la situation a empiré avec les ramasseurs de sable qui contribuent à rendre davantage profonde la rivière.

Des ramasseurs de sable en pleine activité au bord du cours d’eau,
à la lisière de la zone pastorale de Niassa.

Ses propos sont confirmés par les éleveurs de la zone. « Si une pluie vous surprend ici, vous serez des nôtres, car vous n’allez pas pouvoir repartir », plaisante Abdoulaye Dicko. Pourtant, c’est la triste réalité que vivent les habitants de la zone une fois la pluie tombée. « Nous souffrons comme ça tout le temps de l’hivernage. Le centre de santé se trouve de l’autre côté du bas-fond. Si une femme est en travail juste après une pluie, elle sera obligée d’accoucher à la maison. Idem pour les malades.

C’est pourquoi, nous sollicitons la construction d’un ouvrage de franchissement sur le cours d’eau », plaide le pasteur. Raymond Minoungou, lui, déplore cet enclavement de sa zone pastorale. Il raconte que l’an passé, des missionnaires ont vu leur véhicule s’embourber en voulant contourner le bas-fond pour accéder à la zone.

« Beaucoup de projets veulent nous aider mais il n’y a pas de route pour venir », regrette le Secrétaire général (SG) du Comité de gestion (COGES) de la zone pastorale, Boukaré Dicko.
Du côté de la direction provinciale en charge des ressources animales du Zoundwéogo, on rassure que les préoccupations des deux zones pastorales sont prises en compte. Et le Directeur provincial (DP), Tasséré Kaboré, de préciser que les autorités du ministère s’activent à trouver des solutions. En outre, ajoute-t-il, les collectivités territoriales et les partenaires techniques et financiers ont aussi promis d’apporter leurs contributions. «

Sondré-Est est retenu dans le cadre de l’offensive agropastorale pour en faire une zone moderne d’élevage avec les aménagements nécessaires. Pour cela, il faut des voies d’accès pour faciliter l’écoulement des produits », confie M. Kaboré. En attendant, les populations des deux zones sont invitées à prendre leur mal en patience.

Mady KABRE
dykabre@yahoo.fr