Les effets de la canicule ne se sont pas fait sentir uniquement chez les humains et les végétaux. Les animaux, notamment ceux d’élevage, ont aussi subi le coup. Constat dans les zones pastorales de Sondré-Est et de Niassa, dans la province du Zounwéogo, région du Centre-Sud, où des bêtes, en particulier des petits ruminants, ont été décimées par la forte chaleur.
Entre mars et juin 2024, une vague de chaleur torride a frappé le Burkina Faso. Les conséquences ont été désastreuses. Des morts d’hommes et de végétaux ont été enregistrées par-ci, par-là dans le pays. Et pas seulement eux. Les animaux non plus n’ont pas été épargnés. Dans la zone pastorale de Sondré-Est, dans la commune de Bindé, la canicule a fait beaucoup de victimes. Quelque trois mois après, les éleveurs gardent toujours fraichement en mémoire cette douloureuse période pendant laquelle le bétail, particulièrement les petits ruminants, a été décimé.

« Une quarantaine de mes chevreaux et agneaux est morts au moment de la chaleur. Les veaux, eux, sont au nombre de sept, plus quelques vaches qui n’ont pas survécu après avoir mis bas », se souvient avec amertume, Boureima Diallo, éleveur au secteur 2 de Sondré-Est. A l’écouter, ses animaux ont beaucoup souffert de la canicule. Malgré leur forme, explique-t-il, certains bœufs avaient du mal à se relever lorsqu’ils se couchent. « Il faut être à côté pour les aider à se remettre sur pied, sinon ils meurent », note M. Diallo.
Sayoubou Diallo est le président du Comité de gestion (COGES) de ladite zone pastorale. Le visage déconfit, il raconte que pendant la forte chaleur, ses bêtes avaient un manque d’appétit et refusaient de quitter l’ombre des arbres pour aller paître. Cela a provoqué un dépérissement et un affaiblissement des animaux et parfois la mort. De cette situation, Sayoubou dit avoir perdu quatre bœufs et une dizaine de petits ruminants, notamment des nouveau-nés. Selon lui, l’impact de la canicule s’est beaucoup ressenti sur les petits ruminants, en l’occurrence les moutons et les chèvres. Le pire, précise-t-il, c’est au niveau des femelles gestantes et des nouveau-nés, parce qu’ils sont plus vulnérables.
Des pertes énormes
Bédaré Bahadio, lui, habite le secteur 4 de Sondré-Est. La soixantaine révolue, il soutient que c’est la première fois qu’il vit une telle canicule. Vingt de ses animaux en sont morts, à savoir dix veaux et dix chevreaux. Du côté des adultes, il n’a pas enregistré de pertes mais a tout de même constaté un phénomène étrange. « La nuit, mes bêtes ne voyaient pas bien et passaient le temps à crier. Mais après la canicule, le problème de vue est passé. C’est pourquoi, j’ai su que c’était les effets de la chaleur », raconte M. Bahadio.
Le président du Conseil villageois de développement (CVD) de Sondré-Est, Soumaïla Diallo, n’a pas non plus eu la chance. La canicule a ravagé 18 de ses petits ruminants et amaigri ses bœufs. Chez ses voisins, fait-il savoir, les pertes ont été davantage énormes. Selon le chef de la zone pastorale de Sondré-Est, Bakary Alexandre Percoma, il est difficile d’évaluer de façon exhaustive les mortalités d’animaux liées à la canicule, parce que tous les éleveurs n’ont pas signalé leurs pertes.

Sayoubou Diallo, président du COGES de la zone pastorale de Sondé-Est, souhaite bénéficier de formations sur la gestion du bétail en temps de canicule.
« Avec la chaleur, on a constaté une consommation abondante d’eau chez les animaux, alors que les ressources hydriques avaient tari. C’est ce qui a accentué la soif et aggravé les petites pathologies bactériennes. Il y a eu aussi leur amaigrissement et des avortements au niveau des femelles gestantes », relate M. Percoma.
Pour lui, le type d’élevage pratiqué à Sondré-Est étant le pastoralisme, les animaux sont obligés de se déplacer sur de grandes distances pour trouver à manger et à boire. A cet effet, ils sont contraints de braver au quotidien les intempéries, au péril de leur vie. Du côté des pasteurs, on signale que c’est l’insuffisance des points d’eau et du fourrage qui engendre ces mouvements.
« Nous n’avons qu’un seul barrage dans la zone pastorale. Après février, l’eau devient boueuse et les animaux ne peuvent pas boire à leur soif. Le dernier recours, ce sont les forages qui demeurent aussi insuffisants et pour les animaux et pour les humains », se lamente Boureima Diallo.
Raréfaction de fourrage, d’eau, d’ombre …
Alors que, mentionne Hamidou Diallo, les bêtes réclament beaucoup d’eau en temps de chaleur. Pour lui également, la canicule passée a été exceptionnelle. « D’habitude, les animaux boivent une ou deux fois par jour, mais cette fois-ci, ils sont allés jusqu’à quatre ou cinq fois », relève-t-il, l’air stupéfait. Afin de limiter les dégâts, souligne Boureima, nombre d’éleveurs ont érigé des hangars sous lesquels les animaux s’abritaient. Les laisser errer, pour lui, était trop risquant. C’est ce que les agents vétérinaires ont d’ailleurs recommandé aux pasteurs, dans le sens de minimiser les pertes.

« la canicule a engendré des mortalités, aussi bien du côté des petits ruminants que des bovins ».
Aux dires du chef de la zone pastorale, étant donné que c’est la première fois qu’une telle canicule arrive, l’accent a été mis sur des initiatives endogènes pour contrer les effets du phénomène. Garder le bétail à l’ombre, mobiliser le fourrage et les sous-produits agroindustriels, offrir régulièrement de l’eau aux animaux et limiter au maximum les déplacements, sont, entre autres, astuces enseignées aux pasteurs à travers des séances de sensibilisation. « Quand le fourrage est sur place, les animaux fournissent moins d’efforts pour aller chercher à manger et ils arrivent à supporter mieux la chaleur », indique Bakary Alexandre Percoma.
Malheureusement, les éleveurs évoquent la rareté du fourrage en saison sèche, de même que la cherté des sous-produits agricoles dont le sac de 100 kg se négocie à 17 500 F CFA. En vue de faire face à ces difficultés, des cultures fourragères sont initiées dans la zone mais elles ne sont pas encore pratiquées à grande échelle.
Une autre préoccupation relevée par les éleveurs est la raréfaction de l’ombre des arbres après l’hivernage, privant ainsi le cheptel d’abris contre les rayons solaires. A les écouter, la plupart des espèces ligneuses qui peuplent la zone pastorale de Sondré-Est perdent leurs feuilles en saison sèche. C’est ce qui explique, à leurs yeux, le fait que les animaux ont beaucoup souffert pendant la canicule. Pour cela, Boureima Diallo recommande des espèces d’arbres ombragés lors des reboisements.
C’est aussi l’avis du président du CVD, Soumaïla Diallo, qui souhaite, en outre, l’augmentation du nombre des points d’eau dans la zone et des formations sur le changement climatique au bénéfice des éleveurs. Pour M. Percoma, cette canicule est venue rappeler la nécessité de lutter contre la coupe abusive du bois et de planter utile. « C’est pourquoi, dans la zone pastorale, nous avons mené des activités de reboisement pour atténuer les effets du changement climatique. L’accent a été mis sur le Balanites aegyptiaca ou dattier du désert, car c’est une espèce qui est aussi bien appétée par les animaux », informe l’agent vétérinaire.
Le Nakanbé, une aubaine dans la zone de Niassa

dans la zone pastorale de Niassa : « la canicule a tué au moins 60 de mes chèvres et moutons ».
Si à Sondré-Est, la canicule a eu plus d’impact sur le cheptel, avec beaucoup de morts, cela n’a pas été le cas dans la zone pastorale de Niassa, dans la commune de Gogo. Là-bas, les éleveurs doivent leur salut à un facteur naturel, en l’occurrence le fleuve Nakanbé qui est contigu à leur zone. Une aubaine qui a contribué à atténuer les effets de l’intempérie. « Notre zone est divisée en deux blocs. Le bloc 2 n’a pas de problème d’eau, car il fait frontière avec le fleuve Nakanbé, contrairement au bloc 1 qui n’a que trois boulis, dont deux tarissent vite en saison sèche », fait savoir le chef de ladite zone pastorale, Raymond Minoungou.
Pour lui, la présence du fleuve fait qu’à tout moment, les animaux pouvaient s’hydrater et résister à la chaleur. Concernant les pertes de bétail, le technicien supérieur d’élevage rétorque : « les éleveurs ne m’ont pas parlé de mortalité liée à la canicule ». Pourtant, Yacouba Bahadio, éleveur de 68 ans vivant dans la zone, dit avoir enregistré une soixantaine de petits ruminants (moutons et chèvres) tués par la chaleur. Quant aux bovins, il indique qu’ils ont survécu mais perdu du poids. « Les éleveurs peuvent aussi éviter d’en parler, parce qu’en période de chaleur, ils refusent de suivre le calendrier vaccinal.

Alors que nous sommes dans une zone infestée par les parasites », souligne M. Minoungou, avant d’admettre que même s’il y a eu des mortalités, ce n’est pas à grande échelle. Oumarou Bahadio, un autre éleveur de 67 ans, informe que les effets de la canicule ont été accentués par la raréfaction du pâturage en saison sèche. Pour lui, comme les animaux n’avaient pas à manger sur place, ils étaient obligés de se déplacer sous le soleil ardent pour en chercher. « C’est pourquoi, certains ont dépéri et d’autres en sont morts », regrette le sexagénaire. En tous les cas, la canicule a fait perdre au cheptel sa valeur marchande.
Et Abdoulaye Dicko, également éleveur de la zone de Niassa, de préciser que pendant la forte chaleur, un bœuf dont la valeur atteignait 250 000 F CFA n’excédait plus 100 000 F CFA, parce qu’efflanqué.
Le Directeur provincial (DP) de l’Agriculture, des ressources animales et halieutiques du Zoundwéogo, Tasséré Kaboré, qui estime le nombre des bovins à plus de 500 mille têtes et des petits ruminants à près de 600 mille dans sa province, indique qu’un diagnostic n’a pas pu être fait pour connaitre les pertes de ces animaux liées à la canicule.
Toutefois, il admet que la forte chaleur a impacté le cheptel dans le Zoundwéogo. « Il y a aussi des pathologies qui ont décimé les animaux et la chaleur a pu être un facteur aggravant », ajoute-t-il. En cas d’éventuelle canicule, M. Kaboré conseille d’éviter de faire paître les animaux dans la nature ou à défaut de privilégier la nuit, tout en les gardant à l’ombre pendant la journée.
Mady KABRE
dykabre@yahoo.fr
