Réinsertion sociale des détenus de la prison de Léo : métiers de survie ou de la dernière chance

Un troupeau de bœufs dans la ferme de Souleymane Zizien.

Des détenus apprentis-couturiers, apprentis-charcutiers, apprentis-soudeurs… En même temps qu’ils purgent leurs peines, de nombreux pensionnaires de la Maison d’arrêt et de correction de Léo (MACL) profitent de leur séjour en détention pour apprendre des métiers. La plupart arrivent sans coup férir et grâce à ces formations professionnelles, à se réinsérer dans la société à leur sortie. Immersion dans ce milieu carcéral où une sanction bien gérée peut se transformer en opportunités.

Une route poussiéreuse et peu fréquentée nous mène à la Maison d’arrêt et de correction de Léo (MACL), chef-lieu de la province de la Sissili. Autour de la prison, rares sont les âmes qui s’y aventurent. De quoi les riverains ont-ils peur ? Malin qui saura y répondre. Une chose est sure et le directeur de cette maison d’arrêt, Mory Sabo le reconnait ouvertement : « Les gens ont peur de venir ici ». La grâce matinée, les éléments de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) ne l’auront pas ce jeudi 14 novembre 2024.

Dès potron-minet, ils sont déjà sur pied. De leurs cellules, les détenus trépignent d’impatience de sortir. Les portes claquent. Les geôles s’ouvrent. Seuls les « candidats » à l’apprentissage des métiers sont autorisés à pointer le nez dehors. Les autres restent cloîtrés dans leurs cellules. Les ateliers et les sites de production sont pris d’assaut. Un pensionnaire arbore fièrement sur les épaules, un mètre ruban. Assis sur une chaise triangulaire, il enchaine les coups de pédale sur une machine à coudre.

Il s’appelle O.S, tailleur professionnel nouvellement déféré à la MACL et officiant comme formateur au métier de la couture au sein de la prison. Son atelier squatte l’espace réservé aux visiteurs et cohabite avec une blanchisserie. S. N, un autre pensionnaire de la prison, est son apprenti. Celui-ci a décidé de jeter son dévolu sur la couture. Est-ce vraiment une prise de conscience réelle de sa part ou un subterfuge pour respirer l’air frais du dehors ?

En tout cas, apprendre quelque chose de ses dix doigts est déjà un pas de géant qu’il vient de franchir. Aux côtés de O.S, ce récidiviste se familiarise avec les rudiments de la couture. « J’ai bien assimilé les cours. En quelques mois d’apprentissage, j’arrive à effectuer des réparations et à coudre des pantalons sans l’aide du patron », indique l’apprenti-couturier.

Engouement des détenus

Ces portes ont été soudées par le détenu apprenti-soudeur R.S.

Le soleil darde ses rayons sur la maison d’arrêt. La fraîcheur matinale se dissipe peu à peu. Les détenus-apprentis, eux, sont concentrés sur leurs activités. Juste derrière l’atelier de couture se planque un homme de taille élancée. Il se prénomme R. O, apprenti-blanchisseur devenu aujourd’hui blanchisseur plein. Sur sa longue table rectangulaire recouverte d’un drap, les habits passent l’un après l’autre. Peu loquace, ce détenu a choisi ce métier avec une vision claire : devenir blanchisseur à sa sortie.

Il projette donc d’ouvrir son atelier dans ce sens. Offrir des opportunités aux détenus de se former dans divers métiers de leur choix est la doctrine en vogue à la MACL, tout comme les autres prisons du Burkina Faso. Cette approche est censée apporter les connaissances aux détenus afin de stimuler en leur sein, l’auto-emploi à leur sortie de prison. A la question de savoir s’ils sont intéressés par ces formations professionnelles, le contrôleur GSP Pascal Zongo, chef de service production de la MACL, répond sans sourciller : « Ils sont même engagés au regard de l’engouement autour des ateliers et des sites de production ».

Mieux, il estime que les éléments sont souvent débordés par la foule et empêchés de constituer les différentes équipes. « Les travaux étant répétitifs, cette organisation du travail leur permet d’assimiler l’essentiel des cours, quitte à consolider les acquis après leur détention », suggère-t-il. A l’entrée de la prison se dresse une maisonnette. Elle abrite un moulin à grains à l’intérieur. A. B, l’apprenti-meunier, s’active à écraser du maïs. Deux clientes patientent à la devanture de la bicoque. « J’ai l’habitude de moudre mon maïs dans ce moulin », affirme Rasmata Diallo, l’une d’elles.

De ce qu’il ressort, la satisfaction est au rendez-vous après chaque prestation. Même son de cloche chez Jacqueline Kabré, l’autre cliente et berçant dans ses bras un nourrisson. « Le travail est parfait. Je n’ai pas de souci à fréquenter la prison », assure-t-elle. A. Z est séduit par le travail de meunier. Gérer un moulin, c’est son souhait le plus absolu quand il quittera la prison.

Ce champ de 24 ha de la MACL n’est pas encore sécurisé.

Condamné à 36 mois de prison pour vol de portable et d’une somme de 40 000 F CFA, cet apprenti-meunier aura sans doute appris la leçon. « Je vous jure que si je sors, je ne recommencerai plus. Le vol et moi, c’est fini. S’il y a des conseils à donner à d’autres personnes, je leur dirai tout simplement d’abandonner le vol », avoue-t-il. Apprendre un métier est, à son avis, une alternative crédible. « Ma prière est que Dieu m’accorde les moyens nécessaires à la sortie pour que je puisse m’installer à mon compte », soutient-il.

La joie d’apprendre un métier

D’un site à un autre, les apprenants sont visiblement dévoués à percer les codes de leurs métiers. C’est le cas chez R. S à l’atelier de soudure qui jouxte le moulin à grains. Il se montre à la fois heureux et fier d’avoir appris ce métier, quoiqu’elle ait lieu dans une prison. Seul dans son atelier, il ne semble pas pourtant s’ennuyer. C’est également une affaire de vol qui l’a conduit en prison. Condamné à cinq ans d’emprisonnement, il a bénéficié d’un aménagement de sa peine.

Ce qui lui a valu son admission à l’apprentissage de la soudure. D’ores et déjà, il nourrit de grandes ambitions à savoir, ouvrir son propre atelier à la sortie. Il s’engage par la même occasion à réviser sa mauvaise conduite, condition sine qua non pour ne pas retomber dans les mêmes travers. Son désir à l’heure actuelle est de batailler dur afin de vivre dignement. En seulement un an d’apprentissage, il n’a pas à envier un professionnel.

« Depuis le départ du formateur à la fin de son contrat, cet apprenti-soudeur vole de ses propres ailes grâce à sa bonne maîtrise du métier », atteste le directeur de la MACL, Mory Sabo. R. S dit être reconnaissant aux autorités qui, grâce à leur clairvoyance, ont introduit des métiers dans la prison. « Je remercie l’administration pénitentiaire de m’avoir donné la chance d’apprendre un métier », relève-t-il. Et de poursuivre : « Avec les connaissances que j’ai reçues durant ma formation, je vous parie que l’avenir sera prometteur ».

Une veste cousue à l’atelier de couture de la prison .

Le directeur de la prison nous fait découvrir d’autres merveilles, fruits du travail acharné des pensionnaires de la MACL. Dans une salle transformée en magasin pour la circonstance, des fauteuils confectionnés par des apprentis-tapissiers de la maison d’arrêt attendent preneurs. La qualité de ces mobiliers n’est pas à discuter, clame l’inspecteur pénitentiaire Sabo. Le hic, se désole-t-il, est le manque de débouchés pour les écouler convenablement.

Manque d’accompagnement et de suivi

La production agricole fait également son petit bonhomme de chemin au sein de la prison de Léo. C’est le secteur d’activité qui accueille le plus gros effectif d’apprenants en matière de formation professionnelle. Inciter les détenus à se spécialiser dans la production de certaines spéculations, telle est l’idée qui a effleuré l’esprit des responsables de la prison. Dans cette optique, ils se sont attachés les services d’un professionnel du métier, Anas Yago.

Producteur modèle à Léo, sa mission consiste à former les détenus à la culture de la Patate douce à chair orange (PDCO). De ce qui lui revient comme informations, ses « anciens élèves » qui sont rentrés chez eux après avoir purgé leurs peines sont devenus d’excellents producteurs de ce tubercule très prisé du consommateur. Une raison de plus pour ce bénévole de la MACL de se donner davantage à la formation, convaincu que ses sacrifices ne sont pas dévoyés. Anas Yago envisage de leur rendre visite dans leurs fermes respectives, question de les encourager et s’assurer que les techniques apprises en prison sont bel et bien appliquées.

Un jardin potager transformé en site d’apprentissage
de production de chou

A en croire le chef de service production de la MACL, le suivi post-carcéral des apprenants fait défaut et constitue, pour ainsi dire, le maillon faible de la chaîne. Des propos corroborés par l’inspecteur de sécurité pénitentiaire Mory Sabo qui informe que la réinsertion des détenus devient plus difficile si ces préalables ne sont pas respectés. En effet, Pascal Zongo, se référant aux textes en la matière, révèle qu’ils prévoient un accompagnement en kit d’installation au profit de chaque détenu formé ainsi qu’un suivi post-carcéral.

Malheureusement, déplore-t-il, leur application pose toujours problème. « Nos moyens sont tellement limités que jusqu’à présent, nous n’avons pas encore doté un détenu formé d’un kit d’installation », regrette M. Zongo. Qu’à cela ne tienne, cela ne saurait entamer le moral des apprenants. A. N, lui, veut s’adonner au maraîchage dont les techniques de production lui ont été enseignées en prison. Avant son emprisonnement, il ne savait que produire la tomate. Aujourd’hui pétri de connaissances dans la production maraîchère, il a désormais plusieurs cordes à son arc pour diversifier ses sources de revenus.

« Je sais maintenant comment produire l’oignon, le chou, le poivron, le concombre et la salade », s’enthousiasme-t-il. Il n’attend que la fin de sa peine pour entamer son projet. « Dans mon village, personne ne pratique le maraîchage actuellement. C’est une aubaine pour moi de me lancer, pourvu que l’eau ne manque pas », assure-t-il. La prison, répètent en chœur nos interlocuteurs, ne doit pas être perçue uniquement sous l’angle de la sanction. Elle est en quelque sorte, selon eux, un lieu de rééducation.

A.N en est bien persuadé. « J’avoue que j’ai reçu tout ce qu’il faut pour réussir dans la vie après ma détention », martèle-t-il. Un autre habitué de la MACL s’évertue à purger une peine de cinq ans. Il s’agit de A. Y qui y séjourne pour la troisième fois. Cette fois-ci, il a décidé de ne pas ressortir la tête vide en apprenant un métier de son choix. Il opte ainsi

Un troupeau de moutons toujours retenu dans leur enclos dans la ferme de Souleymane Zizien à Métio.

pour le maraîchage, un métier qu’il souhaite vivement exercer dès qu’il purgera sa peine. A la société qu’il a heurtée par ses écarts de conduite, il implore son indulgence. « Il ne faudrait pas que les gens nous regardent comme des déchets. Les métiers que nous apprenons en prison nous aideront à nous réinsérer dans la société », avance A. Y.

Une politique gouvernementale

La production en milieu carcéral est au cœur de la politique gouvernementale. L’administration pénitentiaire, à travers son service production, en est la cheville ouvrière. Le mot d’ordre est clair : permettre aux détenus non seulement de se nourrir par leur travail mais aussi de contribuer à l’autosuffisance alimentaire au Burkina Faso. Dans cette dynamique, la MACL dispose d’un champ de 24 hectares (ha). Il est situé dans le village de Mouna à quelques encablures de la ville de Léo. Pour la présente campagne humide 2024-2025, les pensionnaires de la MACL ont emblavé 4,5 ha de sorgho.

Le directeur de la prison n’est pas totalement satisfait de cette performance. Son vœu le plus cher était que le champ soit totalement exploité. Le défi est donc lancé pour les prochaines campagnes. « Nous manquons d’eau sur le site. D’où la nécessité de réaliser des forages en vue de nous permettre de délocaliser la production », suggère-t-il. L’autre préoccupation et pas des moindres, le site n’est pas sécurisé.

Le processus a été entamé depuis des années. Mais jusqu’à présent, l’arrêté de mise à disposition tarde à voir le jour. Ce qui inquiète le plus le directeur est que le dossier a disparu du circuit. « Nous ne savons pas où il se trouve présentement. Pourtant, d’un service étatique à un service étatique, ce problème ne devrait pas arriver », dénonce-t-il.

Le directeur de la MACL, Mory Sabo, estime que l’introduction des métiers en prison empêche
la récidive de prospérer.

Outre les métiers divers appris dans l’enceinte de la maison d’arrêt, les détenus sont initiés aux activités génératrices de revenus. S. D est chargé de la gestion du kiosque de la MACL. Les boissons fraîche et chaude qu’il propose à ses clients ne suffisent pas. Aussi, ces derniers prennent également du plaisir à accompagner la bière de la viande. Le proc au four, dressé tout près du kiosque, est une spécialité unique offerte par un jeune apprenti-charcutier.

« Solo », un exemple de réinsertion réussie

En couplant sanction et métier, l’administration pénitentiaire semble se soucier de la vie post-carcérale des détenus. « Certains témoignent que leur passage en prison leur a été utile car ils ont eu les yeux ouverts. Grâce à cette épreuve, ils savent ce qu’est la valeur du travail », rapporte Pascal Zongo. Souleymane Zizien, affectueusement appelé « solo » par ses proches vient de loin. A l’écouter, il était l’illustration parfaite d’un misérable qui est assis sur de l’or.

A ce qu’il dit, il souffrait beaucoup plus de son ignorance que de la pauvreté. Ses vastes terrains fertiles et inexploités, il leur accordait peu d’importance. Même ses propres talents d’agriculteur et d’éleveur, il les méprisait tous. Comme il fallait s’y attendre, la misère s’installa dans sa maison. Avoir un repas par jour était devenu un luxe chez les Zizien. Puis, la prison est venue par la suite changer son histoire. « C’est étant en détention que j’ai découvert qu’avec les terres que je possédais, je pouvais m’enrichir facilement », confie-t-il.

De retour dans son village Métio après son incarcération, il balise le terrain de sa réussite. Une importante défriche dans son domaine, l’aménagement d’un espace dédié à l’élevage et plusieurs variétés de semences destinées à diversifier les cultures. Pour visiter sa ferme, il faut être endurant. Elle s’étend sur près de 100 ha. Il y a emblavé plusieurs spéculations. Le sésame occupe à lui seul une superficie de 20 ha. La récolte a déjà commencé. 13 sacs de 100 kg issus de la récolte de deux hectares sont adossés à un arbre.

Le chef de service production de la MACL, Pascal Zongo, déplore le manque d’accompagnement des détenus formés et de suivi post-carcéral.

Le producteur a également misé sur les céréales comme le sorgho et le maïs. Le niébé et le soja ne sont pas également en reste. L’arboriculture occupe aussi une place de choix dans sa ferme. Il dispose, en effet, d’un verger de 40 ha d’anacardiers. L’élevage prospère également entre ses mains. D’un seul taureau à sa sortie de prison, son troupeau compte en ce moment une quarantaine de têtes. De plus, les caprins, les ovins et la volaille pullulent dans sa ferme. Pour anticiper sur le manque d’espace pastoral, il a aménagé au milieu de sa ferme, cinq ha de forêts destinés à faire paître ses animaux.

Son succès constitue donc un bel exemple de réinsertion sociale qui devait inspirer les autres pensionnaires de la prison civile de Léo. « Je n’ai pas de repos. J’ai l’impression d’être dans une plantation en Côte d’Ivoire. Tout au long de l’année, il y a toujours quelque chose à faire dans mon champ », argumente-t-il. Il est épaulé dans ses multiples travaux par des employés constitués majoritairement de personnes déplacées internes. Amadou Dicko, déplacé interne, est l’unique berger qu’il a recruté pour s’occuper de ses animaux. Celui-ci apprécie leur collaboration qui dure maintenant quatre ans.

L’entourage est admiratif de son travail. Son petit frère Boukari Zizien dit constater dans son comportement, un grand changement. « Il était de nature bagarreur. Maintenant, même si vous le piétinez, il ne réagit pas. Nous nous demandions souvent si c’est réellement la même personne », témoigne-t-il, ébahi. « La prison m’a enseigné beaucoup de choses », réplique Souleymane Zizien. D’autres prisonniers qui ont déjà purgé la moitié de leurs peines et bénéficiant du régime de semi-liberté sont placés en ville chez un garant (employeur) qui les emploie.

C’est le cas chez F. K, un ancien membre d’un groupe d’autodéfense koglwéogo qui croupissait en prison pour une affaire de meurtre. Condamné à sept ans d’emprisonnement, il a purgé la moitié de sa peine et travaille présentement chez un garant comme gestionnaire dans une société de location de matériel. Il est rétribué à 37 000 FCFA par mois. « C’est sans compter les petits jetons que mon patron me tend par moments s’il est content de mon travail », se réjouit-il.

Le juge d’instruction, Sié Youl affirme que la loi permet aux mis en examen de bénéficier des placements dans les sites.

La même peine a été infligée à son ancien collègue, A.W.Y. Pendant sa détention, celui-ci a profité pour renforcer ses capacités dans le maraîchage et l’élevage (volaille et lapins). De nos jours, il bénéficie d’une semi-liberté pour avoir purgé la moitié de sa peine. Parallèlement à l’agriculture et l’élevage qui sont ses principales sources de revenus, il a ouvert un vidéoclub qui diffuse chaque soir les matchs des championnats de football européens. « Je gagne bien ma vie à travers ces activités », souligne-t-il.

Une solution à la récidive

Ces formations professionnelles visent plusieurs objectifs dont le principal est de faciliter la réinsertion sociale des détenus à leur sortie de prison. Cette approche contribue, d’une manière ou d’une autre, à désengorger les prisons. Même si aucune étude n’a été réalisée à ce sujet pour évaluer son impact sur la réduction de la récidive, les témoignages convergent dans ce sens. Le chef de service production de la MACL signale qu’il ne connait pas à ce jour, un récidiviste formé dans un atelier, sortir et revenir en prison.

« Pour le moment, je n’en connais pas», insiste-t-il. Embouchant la même trompette, l’inspecteur pénitentiaire Mory Sabo pense que l’introduction des métiers en prison empêche la récidive de prospérer. « C’est évident que celui qui était en prison pour des larcins ne reviendra pas pour les mêmes faits, s’il sort avec un métier », avance-t-il. Noufou Kindo, substitut du procureur au Tribunal de grande instance (TGI) de Léo, fait remarquer, de son côté, que nombre de détenus commettent des impairs à cause du désœuvrement dont ils font montre.

Le juge d’application des peines du même tribunal, Lazare Malgoubri, explique par ailleurs, que sortir travailler ou suivre une formation n’est pas une exécution de peine. « C’est volontaire et c’est à la demande du détenu qu’on le place dans les sites », éclaire-t-il. Pourvu que, prévient-il, cela ne soit pas un moyen détourné pour s’évader ou prendre de l’air dehors. Pour minimiser voire étouffer les projets d’évasion, la commission d’application des peines, présidée par le juge d’application des peines, Lazare Malgouvri, s’attelle à traiter avec rigueur, les différentes demandes de placement.

Selon le juge d’application des peines, Lazare Malgoubri, les détenus placés dans des ateliers ne doivent pas profiter de leur semi-liberté pour s’évader.

A entendre Noufou Kindo, le rôle du parquet au sein de cette commission est de lui donner un avis éclairé qui puisse la guider dans sa prise de décision. « Ce que le parquet veille au niveau de cette commission, c’est la conformité de l’aménagement de la peine par rapport aux circonstances même des faits qui se sont déroulés et du comportement ultérieur de l’intéressé », relate-t-il. Le directeur de la prison se félicite du fait que depuis son arrivée, la MACL n’a pas encore enregistré des évasions.

Le principal critère d’éligibilité au placement dans un site, selon l’inspecteur pénitentiaire Sabo, est d’avoir purgé la moitié de la peine. De plus, poursuit-il, le détenu doit faire preuve d’un comportement exemplaire en prison. « La discipline compte. S’il n’y pas de griefs contre vous, on vous place dans les différents sites », tranche-t-il. Dans le principe, renchérit le juge d’instruction, Sié Youl, il n’y a que les condamnés qui sont astreints au travail pénitentiaire. Mais seulement, tous ne sont pas concernés.

Selon lui, il n’y a que les condamnés bénéficiant d’un aménagement de leurs peines qui peuvent sortir travailler. Cependant, a-t-on coutume de dire, il n’y a pas de règle sans exception. Des explications du juge d’instruction, la loi a ouvert, à cet effet, une brèche pour prendre en compte les mis en examen, c’est-à-dire les détenus dont les dossiers n’ont pas encore été jugés. Elle leur permet, détaille-t-il, de travailler au sein de la prison, à condition qu’ils formulent au préalable une demande au juge d’instruction.

« Dans ce cas de figure, le détenu ne doit pas travailler au-delà de huit heures par jour », fait observer le juge Youl. O.S est dans cette situation. Son dossier est toujours en cours d’instruction. Mais grâce à cette dérogation, il travaille comme formateur en couture au sein de la prison. Sié Youl dit s’opposer rarement à ces genres de demandes de placement pour éviter les souffrances inutiles des détenus. Et pour cause ?

Boukary Zizien à propos de son grand frère Souleymane Zizien : « Il était de nature bagarreur mais il a subitement changé de comportement ».

« L’instruction de leurs dossiers prend souvent du temps », se justifie-t-il. Sié Youl dit remarquer une explosion spontanée des demandes de placement durant ces deux dernières années. « S’inspirent-ils des exemples qui existent déjà ? Je n’en sais rien», se défend-il. L’introduction des métiers dans les prisons du Burkina Faso en général et à Léo en particulier participe, à n’en point douter, à la rééducation et à la réinsertion sociale des détenus à leur sortie de prison. Toutefois, il serait plus intéressant d’adapter les infrastructures pénitentiaires et les équipements aux offres de formation.

Créer en outre les conditions optimales d’apprentissage en recrutant, par exemple, des professionnels de métiers avec des contrats bien ficelés.
Enfin, l’Etat gagnerait à impliquer les maisons d’arrêt dans la commande publique. Toute chose qui pourrait d’une part, résoudre le problème de mévente des produits issus de leurs efforts et d’autre part, profiter d’une main d’œuvre qualifiée et moins chère dans l’exécution de certains marchés publics. C’est à ce prix que la production en milieu carcéral connaîtra son véritable envol au Burkina Faso.

 

Ouamtinga Michel ILBOUDO
omichel20@gmail.com


Qui bénéficie des fruits du travail du détenu ?

Les travaux effectués par les détenus génèrent des revenus. Ces fonds ne leur appartiennent pas en propre. Un comité de gestion mis en place et présidé par le directeur de la prison assure la répartition de ces fonds. Selon les textes régissant la production pénitentiaire, 75% des recettes sont versés dans un compte trésor. Les 25% restants sont répartis entre les détenus et le personnel de la prison. En matière de contrôle de gestion, plusieurs acteurs interviennent pour voir si les fonds ont été gérés dans les règles de l’art. Il s’agit du percepteur de la province, de l’inspection des services judiciaires et du juge d’application des peines. Un arrêté ministériel instaure des rencontres-bilan qui ont lieu chaque mois.

O.M.I