Transformation du souchet en jus: des unités artisanales se jettent à l’eau

Les tubercules de souchet sont vendus sur le marché local.

Le souchet est un amuse-gueule qu’on retrouve sur les étals de certains vendeurs de fruits rares dans la sous-région ouest-africaine. Il s’impose de plus en plus et commence à attirer l’attention des paysans, chercheurs, transformateurs et autorités, car nombre de ses vertus en font un trésor nutritionnel. Le souchet est transformé en jus, communément appelé “Ochata” ou « horchata » au Burkina Faso, une boisson rafraîchissante et très nutritive bien prisée du consommateur. Ce lait végétal est, selon les spécialistes, une alternative au lait de vache et au lait de soja.

En quête d’une licence en génie biologique, option agroalimentaire, Djénéba Tamboura a effectué du 16 au 20 septembre 2013 à Bobo- Dioulasso, des collectes d’informations sur la fabrication de lait de souchet. Elle est accueillie dans une unité artisanale de production située au secteur 5 de la ville. L’étudiante découvrait avec beaucoup d’enthousiasme, le processus de fabrication de ce lait, communément appelé « Ochata » ou « Horchata », un nectar bien prisé des consommateurs au Burkina Faso.

Le travail se fait essentiellement dans un atelier modeste installé à domicile, à l’exception du broyage qui est réalisé dans un moulin. La matière première est là, le matériel de transformation prêt. Place donc à la phase de prétraitement des tubercules de souchet. Cette opération consiste, selon l’étudiante Tamboura, à piler légèrement les tubercules de sorte à les débarrasser des petits cailloux et autres impuretés. Après quoi, ils sont essorés puis séchés sur un sachet étalé à même le sol.

Un champ de souchet à Nafona dans les encablures de Banfora.

Les tubercules prétraités sont pesés et lavés avec de l’eau et du savon. Ils sont ensuite acheminés au moulin pour être broyés en y ajoutant de l’eau au fur et à mesure. Une pâte plus fine est obtenue à la fin du broyage. De retour à l’atelier, on procède immédiatement à l’extraction du lait de souchet avec de l’eau glacée. La quantité d’eau à utiliser est mesurée et versée dans la pâte. Le jus est recueilli par filtrage à travers un tissu blanc en coton attaché autour d’un fût en plastique. Les débris retenus dans le tissu blanc sont pressés pour recueillir le maximum de lait de souchet possible.

On prélève une certaine quantité  dans  un  seau  en plastique et on mixe avec du sel et du sucre. On obtient alors une solution sucrée et un peu salée. Celle-ci est filtrée puis reversée au reste du jus qui se trouve dans le fût en plastique. Cette dernière étape consiste à bien mélanger le contenu à l’aide d’une spatule en bois. Le lait de souchet ainsi obtenu est prêt à être consommé. Il est conditionné dans des bidons recyclés et conservés au congélateur. Ce lait est rafraîchissant et très nutritif.

Dans la plupart du temps, les tubercules de souchet sont vendus sous forme de « noix » séchées. Pour les transformer en jus, elles doivent être préalablement trempées dans de l’eau tiède pour être réhydratées pendant une durée de 24 à 48 heures en changeant l’eau plusieurs fois pour empêcher leur fermentation. Après le trempage, il faut ajouter un peu d’eau aux tubercules, les broyer et filtrer.

Pour recueillir un maximum de jus, le broyat peut être passé à la centrifugeuse. Mixer la pâte avec de l’eau et du sucre pour obtenir une boisson prête pour la consommation. Par ailleurs, les tubercules frais peuvent être utilisés pour fabriquer du jus de souchet. Une fois en possession de ces précieux tubercules, il conviendra de les laver avec soin, pour évacuer les débris terreux. Une fois trempés dans l’eau pendant 48 heures, les tubercules commencent à se dilater.

En ce moment, il faut les frotter entre eux et les rincer pour faire partir les résidus de terre et les remettre dans l’eau froide pendant 12 à 14 heures. Les tubercules gonflent un peu. Après un dernier rinçage jusqu’à ce que l’eau soit limpide, on passe les tubercules au mixage ou au robot avec l’eau et le sucre. On laisse reposer deux heures au frais. Puis, on filtre la boisson au travers d’une mousseline, d’une gaze ou d’un tissu à mailles fines posé sur un fût et recueillir le filtrat qui a un aspect laiteux.

Une herbe sauvage devenue de l’or

Le lait de souchet, communément appelé « ochata » ou « horchata », est très rafraîchissant et nutritif.

Des confrères de la BBC ont aussi réalisé un reportage sur le manque d’une véritable industrie de transformation du souchet en Afrique. Produit dans beaucoup de pays d’Europe, du Moyen Orient et d’Afrique de l’Ouest (Burkina, Nigeria, Niger, Ghana, Côte d’Ivoire, Mali), le souchet a été longtemps négligé et considéré même comme une herbe sauvage, parfois cultivé juste pour la consommation locale.

Ces tubercules se présentent comme de petits fruits plus ou moins ronds, un peu durs, de couleur brune ou jaune. Ils viennent d’une plante vivace qui est aussi appelée « pois sucré », « noix tigrée » ou encore dans  les  langues  africaines « tchogon » en Dioula. On les consomme cru, cuit ou même grilleì comme une friandise surtout. Certains les trempent dans l’eau avant de les consommer. Ils ont un goût légèrement sucré, laiteux avec une saveur de noisette.

A en croire nos confrères de la BBC, ces noix renferment du calcium et sont très riches en nutriments énergétiques ainsi qu’en protéines, en phosphore, en potassium, en magnésium, en fibres,  en  vitamine  C.  Le magnésium permet au calcium de se fixer sur les os et est nécessaire pour le fonctionnement des reins.

Le potassium est utile pour une bonne tension artérielle tout en jouant un rôle favorable sur l’activité cardiaque. Dr Ousmane Ouédraogo, nutritionniste et président de la société de nutrition du Burkina Faso ajoute que « la teneur en nutriments de 100 g de souchet déterminé sur la base des analyses de laboratoires est de 452 kilocalories, 4 g de protides, 25 g de lipides, 57 g de glucides, 48 mg de calcium, 6 mg de vitamine C, 3 mg de fer et des traces de vitamines du groupe B. En plus de cela, le souchet contient des fibres qui aident à la bonne digestion ».

Sans gluten, il convient parfaitement aux besoins des personnes allergiques à cette protéine et de celles qui suivent un régime non sucré. Dr Ousmane Ouédraogo explique que le souchet est transformé en jus ou lait communément appelé « horchata », en huile pour la consommation et la cosmétique ainsi qu’en farine utilisée pour faire des tourteaux, des gâteaux et biscuits. Certains estiment que le lait de souchet prévient le cancer du côlon, en raison de sa teneur élevée en fibres, de son nutriment en vitamine E, de son magnésium et de ses propriétés saturantes qui aident également la peau à briller.

De la nécessité de valoriser le souchet


Katagdi Héma, une productrice de souchet dans le village de Siniéna.

L’huile de souchet est très appréciée car  ses  qualités  nutritives  et thérapeutiques sont dites comparables à l’huile d’olive notamment. De couleur marron doré, elle possède des propriétés nutritives uniques pour une utilisation dans l’alimentation (fritures, assaisonnements) et la cosmétique. Les tubercules du souchet servent aussi à fabriquer de la farine de souchet, utilisée dans la pâtisserie. Producteurs, transformateurs, négociants, bailleurs de fonds et chercheurs tentent de mieux valoriser sa culture et le rendre ainsi compétitif sur le marché international.

On constate par exemple qu’au Niger, le souchet est devenu un produit de substitution face au recul d’une culture de rente comme l’arachide. Le pays a produit 52 044 tonnes de souchet durant la campagne 2021 selon le ministère nigérien de l’Agriculture qui signale une progression moyenne de 14% durant les cinq dernières années. Les paysans en ont toujours produit dans des champs de case mais cette culture avait pris de l’ampleur dans la zone après le déclin de l’arachide pour deux principales raisons: le souchet est prisé au Nigeria voisin et les terres allouées à la culture de l’arachide y sont bien adaptées. Bori Haoua, docteur agronome spécialisé qui a publié une étude sur les atouts et les contraintes de la culture de souchet au Niger estime que la composition nutritionnelle de ces tubercules peut favoriser leur incorporation dans l’alimentation de la population nigérienne.

Au moment où ce produit est de plus en plus apprécié, il insiste sur le fait que le souchet doit être pris en charge par la recherche scientifique. Au niveau international, certains considèrent de plus en plus le souchet comme un « super aliment ». C’est du moins la conviction de Ousmane Ouédraogo lorsqu’il déclare : « au regard de sa composition nutritionnelle, le souchet peut être considéré comme un aliment apportant naturellement plusieurs nutriments à des quantités raisonnables, donc il peut être considéré comme un super aliment ». En dépit de cela, poursuit-il, un aliment à lui seul ne permet pas aux consommateurs de combler tous leurs besoins nutritionnels.

La farine de souchet est riche en fibres végétales et surtout en fibres insolubles.

« C’est pour cela que nous devons consommer plusieurs groupes d’aliments par jour. Par exemple, chez les femmes il faut cinq groupes d’aliments par jour et au moins quatre chez les enfants », justifie M. Ouédraogo. Jusqu’à présent, le souchet n’est pas vraiment suivi de manière distincte dans les données statistiques officielles de la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Des efforts sont faits pour fournir aux producteurs, des variétés adaptées aux différents types de sols afin de booster la production.

Toutefois, il est surtout vu comme une culture ayant un fort potentiel d’exportation et la transformation industrielle est presque inexistante. En revanche, dans un pays comme l’Espagne (région de Valence), la production du souchet se fait à grande échelle et est suivie d’une transformation par l’industrie alimentaire en raison essentiellement de la demande croissante des consommateurs pour le « horchata de chufa », une boisson espagnole produite à partir de ces tubercules.

Des vertus multiples

Les vertus du souchet ne sont donc plus à démontrer. Ce tubercule a été signalé comme étant à teneur élevée en fibres alimentaires qui pourraient être efficaces dans le traitement et la prévention de nombreuses maladies, y compris le cancer du côlon, les maladies de sole coronaires, l’obésité, les troubles intestinaux, diabétiques et gastro intestinales. La farine de souchet issue de la transformation est riche en huile de qualité et contient une quantité modérée de protéines.

Elle est également une excellente source de certains minéraux utiles, tels que le fer et le calcium qui sont essentiels à la croissance du corps et le développement. Les tubercules du souchet sont également supposés avoir des effets aphrodisiaques, diurétiques, emménagogues, stimulants et toniques. Le Souchet est aussi utilisé dans le traitement de la flatulence, l’indigestion, la diarrhée, la dysenterie et la soif excessive. Il contient en outre des acides aminés essentiels plus élevés que ceux proposés par la FAO  /  OMS  (1985)  pour satisfaire les besoins des adultes. Quant au lait de souchet, il aide à réduire le cholestérol et les triglycérides.

Il réduit le mauvais cholestérol LDL dans l’organisme et fait augmenter le HDL, le bon cholestérol, grâce à son apport d’acide oelique (il rapporte une quantité similaire à l’huile d’olive). Selon les spécialistes, il y a un seul type de cholestérol. Lorsque le cholestérol intervient dans le bon fonctionnement de l’organisme, il est qualifié de bon cholestérol. Par contre, lorsque ce dernier agit dans le sens de boucher les artères, il est qualifié de mauvais cholestérol. Le souchet contient de la vitamine E contribuant ainsi à diminuer le taux de cholestérol, car il produit un effet antioxydant sur les graisses.

Salia Sirima est président d’une coopérative de producteurs de souchet dans les Cascades.

Il est idéal pour faire face aux problèmes cardio-vasculaires. Le lait ou orgeat de souchet sans sucre peut être consommé par les diabétiques, grâce à son contenu d’hydrates de carbone à la base de saccharose et amidon (sans glucose) et par son important contenu d’archine qui libère l’hormone qui produit l’insuline. C’est une boisson idéale pour les personnes qui ne tolèrent pas le gluten (cœliaques) et pour ceux qui ne tolèrent pas ou qui sont allergiques au lait de vache et ses dérivés. Il est conseillé pour les personnes qui souffrent des digestions lourdes, des gaz intestinaux et des diarrhées, car il rapporte beaucoup d’enzymes digestifs tels que la catalase, lipase et amylase.

Ouamtinga Michel ILBOUDO


Comment obtenir du lait à base de farine de souchet ?

Réhydrater la farine ou chapelure de souchet en la versant dans une casserole contenant de l’eau. Laisser au repos une à deux heures maximum. Mettre la casserole sur le feu et porter à ébullition. Cuire environ 15 minutes. Laisser au repos pendant 30 minutes. Mixer au mix-soupe plongeur ou au robot. Filtrer dans une passoire garnie d’un tissu à mailles
très fines et mettre au frais immédiatement. On obtient du lait végétal qui n’a ni la blancheur de l’horchata ni son goût d’amande.

Sa teinte est beige et sa saveur est assez neutre et pourra donc se marier avec toutes les préparations. Ce lait peut éventuellement être parfumé avec de la vanille ou de l’extrait d’amandes et être additionné d’un peu de sucre s’il est destiné à être bu nature. Dans tous les cas, il doit être consommé très rapidement car il se périme vite. La conservation au réfrigérateur est possible.

Les débris de souchets retenus dans la passoire lors du filtrage peuvent servir à confectionner un gâteau ou un pain. Ces résidus ressemblent par leur couleur et leur texture à de la poudre de noisettes. La farine de souchet réhydratée dans de l’eau, puis mixée et filtrée sans cuisson donne aussi un lait végétal mais un peu moins concentré et avec une texture un peu farineuse, mais dans ce cas, le lait obtenu est cru.

O.M.I

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