Organisation judiciaire : une nouvelle loi pour une justice plus crédible et accessible

L’Assemblée législative de Transition (ALT) a adopté à l’unanimité le projet de loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso, le lundi 9 juin 2025.

Conformément à ses missions issues de la Charte de la Transition du 14 octobre 2022 et de son modificatif du 25 mai 2024, le gouvernement a engagé des réformes juridiques et institutionnelles dans l’optique d’avoir une justice crédible, accessible et répondant aux aspirations profondes du peuple burkinabè. Au nombre d’elles, figure la relecture de la loi du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire au Burkina Faso. Le projet de loi consacrant la relecture a été soumis à l’Assemblée législative de Transition pour validation, le lundi 9 juin 2025, au cours d’une séance plénière.

Au nombre des raisons avancées par le ministre de la Justice et des Droits humains, chargé des Relations avec les Institutions, Garde des Sceaux, Edasso Rodrigue Bayala devant les députés pour justifier cette relecture, il y a entre autres le fait que le jugement des dossiers criminels connait une certaine lenteur marquée par l’absence de régularité et un coût financier élevé pour leur jugement. Pour corriger cette situation, il sied, selon lui, de prévoir un jugement en premier ressort des dossiers de crime par des chambres criminelles à instituer au sein des Tribunaux de grande instance (TGI) dont le fonctionnement sera analogue aux chambres correctionnelles desdits tribunaux. Une telle réforme sera en adéquation, de l’avis du ministre, avec l’exigence du délai raisonnable de jugement mais aussi en phase avec les évolutions des règles de procédure des TGI qui connaissent déjà des faits criminels constitués des infractions économiques et financières, des infractions terroristes et des actes de grand banditisme.

Après le débat général, la loi a été adoptée à l’unanimité des 71 votants du jour.

En outre, il a relevé que l’accès à la justice constitue toujours une préoccupation majeure. A la date d’aujourd’hui, il a noté que le Burkina Faso compte seulement quatre tribunaux de travail fonctionnels à savoir ceux de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou et Fada N’Gourma. Face aux députés, le ministre Byala a noté que cette situation conduit le justiciable à parcourir une longue distance afin de voir son différend en matière sociale être jugé. Il est donc nécessaire, a-t-il expliqué, de créer un tribunal de travail dans le ressort des 27 TGI existants afin de rapprocher la justice du justiciable.

Par ailleurs, en matière de l’enfance, la limitation de la compétence matérielle du juge des enfants qui ne peut connaître que des contraventions et des délits passibles d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas deux ans commis par les mineurs, constituait une préoccupation majeure, selon les explications du Garde des sceaux. Cette situation, a-t-il déploré, ne permettait pas de juger avec célérité les dossiers impliquant les mineurs. Aussi, a poursuivi le ministre, les assesseurs de ces juridictions connaissent des difficultés pratiques liées à leur prestation de serment, résultant du fait que la loi portant organisation judiciaire les oblige à prêter serment devant la cour d’appel dont relève la juridiction auprès de laquelle ils ont été affectés.

Un “oui” à l’unanimité

Un élargissement de la compétence du juge des enfants et un changement de la juridiction habilitée à recevoir le serment des assesseurs, s’avéraient donc nécessaires, à l’entendre, dans l’optique de lever les difficultés de fonctionnement ci-dessus mentionnées, relatives aux juridictions pour mineurs.
En outre, a-t-il souligné, l’harmonisation de la nouvelle période des vacances judiciaires avec la loi organique portant modification de la loi organique portant statut de la magistrature était nécessaire, en raison du changement de la période des vacances judiciaires qui vont dorénavant du 1er août au 30 septembre, au lieu du 1er juillet au 30 septembre.

« La concentration du contentieux de l’exécution entre les mains d’un seul juge a créé un engorgement incompatible avec le traitement diligent des affaires, voulue en amont pour le rendu des décisions dans le délai raisonnable. Il a été donc jugé utile d’éclater la compétence du juge de l’exécution pour accélérer le traitement du contentieux de l’exécution », a aussi avancé le ministre pour justifier la relecture de la loi.
En plus de toutes ces raisons, Edasso Rodrigue Bayala a fait cas d’incohérences et incomplétudes dans l’écriture de la loi portant organisation judiciaire auxquelles il fallait remédier. Il s’agit notamment, a-t-il dit, de l’absence du doyen des juges d’instruction et des assesseurs dans la composition du Tribunal de grande instance et de la Cour d’appel.
La nouvelle loi offre ainsi plusieurs innovations majeures au nombre desquelles on peut retenir l’institution de la possibilité pour les juridictions de tenir des audiences dans une des langues nationales et l’intégration des assesseurs dans la composition de la cour d’appel. A cela, s’ajoute l’octroi de la compétence au président du TGI de délivrer des certificats d’individualité et la création d’un tribunal de travail dans le ressort de chaque tribunal de grande instance.

La loi relue intègre, par ailleurs, le doyen des juges d’instruction et les assesseurs dans la composition des TGIs tout en élargissant les compétences du juge des enfants qui connait dorénavant de tout délit et contravention commis par les mineurs.
L’innovation qui a suscité des interrogations auprès des députés a été l’institution de la possibilité pour les cours d’appel de statuer, à juge unique dans des matières déterminées. Ils ont été vite rassurés par le ministre qui a fait comprendre que cette décision présente l’avantage de la responsabilité en ce sens que le juge chargé de la décision doit l’assumer seul. « Il n’a donc aucun intérêt à mal rendre sa décision, car il en sera le seul responsable », a-t-il estimé. Par ailleurs, il a fait savoir que depuis que cette décision est utilisée dans certaines juridictions, aucune plainte n’a jamais été reçue. En tous les cas, a-t-il noté, les parties ont la possibilité de renvoyer le dossier devant une formation collégiale. Ses explications ont convaincu les députés qui ont tous, à l’unanimité des 71 votants, donné leur quitus à la loi.

Nadège YAMEOGO & Abibata KARA
(Stagiaire)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.