Abandons de bébés à Ouagadougou : Les méthodes contraceptives, la solution

L’utilisation des pilules permettra aux jeunes filles d’éviter les grossesses non désirées et les abandons de bébés.

Le nombre de nouveau-nés abandonnés ne fait que s’accroître d’année en année au Burkina Faso. En 2018, selon l’annuaire statistique du ministère en charge de la famille, près de 127 enfants ont été «jetés», soit dans des W.C, ou dans des maisons inachevées. Et la ville de Ouagadougou bat le record avec 28 cas. Qu’est-ce qui explique cet état de fait? L’utilisation des méthodes contraceptives n’est-elle pas une solution pour lutter contre ce «mal» ? Reportage !

Emmailloté dans un habit de froid avec un chapeau qui laisse à peine voir son visage, Natacha, le nom qui lui a été donnée par sa nounou, Rachel Somé, à son arrivée au Centre d’accueil pour enfants en détresse (C.A.D.), dénommé « Hôtel maternel », est aujourd’hui orpheline. Agée d’à peine trois semaines seulement, elle était loin d’imaginer vivre loin de ses parents. Toute petite, l’air innocent et inoffensif, elle pèse environ trois kilogrammes. Difficile de la tenir dans les bras, de peur de lui causer une entorse.

Couchée dans son berceau, elle attend qu’un jour, qu’une famille vienne l’adopter. Conçue peut être par ignorance par ses géniteurs, Natacha a été abandonnée, dès sa naissance dans une maison inachevée au centre-ville de Ouagadougou. Alertée par ses cris, la population informe les sapeurs- pompiers de la présence d’un nouveau-né en ces lieux. Et depuis le 5 septembre 2019, elle a élu domicile au centre d’accueil des enfants en détresse. «C’est dans un carton enveloppé de pagnes et de son placenta que le bout-de-chou a été retrouvé.

Pour la directrice de «Home kisito», Rosalie Tapsoba, l’orphelinat manque de place pour accueillir ces bébés «jetés».

Il a été, immédiatement, pris en charge par les services de l’infirmerie du centre aux soins de la nounou Somé et 19 autres», explique le directeur du centre, Salifou Younga. Une semaine après son arrivée, Natacha reçoit de la compagnie. Rose Aminata, âgée de deux semaines, a été elle aussi abandonnée par sa mère dès sa venue au monde. Tout comme la précédente, ce sont les soldats du feu qui l’ont envoyée au centre. Autre lieu, même constat. A l’orphelinat « Home Kisito », Marie, un autre bébé, âgé actuellement de trois semaines, y a parachuté un beau jour.

«Elle a été retrouvée dans un WC dans le quartier Kouritenga et grâce à l’intervention des sapeurs-pompiers, elle a été sauvée et ramener à l’orphelinat», précise la directrice de la structure, Rosalie Tapsoba. Fort heureusement, Marie, contrairement aux autres, pourra rejoindre sa famille très bientôt, selon Mme Tapsoba. Après son forfait, la mère, prise de remords, est revenue sur ses pas pour reprendre l’enfant.

Malheureusement, l’enquête était déjà en cours, et elle fut arrêtée par la police et séjourne présentement à la Maison d’arrêt et correction de Ouagadougou (MACO) en attendant son procès. «Mais en entendant, la tante de cette dernière passe de temps en temps rendre visite à la petite et prendre de ces nouvelles», rassure la responsable de «Home Kisito».

Des centres d’accueil débordés

Le constat est que ce phénomène d’abandons de bébés est devenu une pratique courante et le nombre ne fait que s’accroître d’année en année. Pour le directeur de «l’hôtel maternel», de janvier à septembre 2019, c’est plus d’une dizaine de nourrissons qu’ils ont reçus en plus de ceux qu’ils découvrent devant les locaux du centre. «Rien que dans le mois de septembre, nous avons reçu deux bébés», ajoute-t-il. Et Mme Tapsoba de poursuivre que c’est plus de 30 nouveau-nés que sa structure a reçu en neuf mois.

«Certains nous parviennent le jour même de l’accouchement avec leurs placentas et d’autres arrivent soit 2 à 3 jours après la naissance », ajoute-t-elle. Au regard de ce nombre croissant, il manque parfois de place pour les accueillir. «Notre structure a une capacité d’accueil de 45 places et actuellement nous avons 45 nourrissons dont 40 enfants abandonnés et 5 orphelins», indique la directrice. Selon M. Younga, la situation est de plus en plus inquiétante. Sa structure ne peut recevoir que 50 bébés, mais présentement, elle héberge environ 70 bambins.

Selon l’agent communautaire de l’ABBEF, Simon Yaméogo, les produits contraceptifs sont vendues à un prix social, donc accessibles.

Les mères de ces abandonnés sont pour la plupart des scolaires, âgées de 11 à 26 ans. «Chassée ou bannie par sa famille, la jeune fille décide de se débarrasser de son rejeton une fois né», souligne le chargé de suivi et d’évaluation du Réseau africain jeunesse santé et développement (RAJS), Paul Sama. Mieux, certaines viennent remettre en main propre leurs enfants dans les orphelinats pour adoption, témoigne Salifou Younga. En effet, selon une étude menée par le RAJS au cours de l’année scolaire 2018-2019, 284 cas de grossesses précoces ont été enregistrées sur un échantillon de 62 établissements de 17 provinces du Burkina, de la classe de 6e à la 3e.

A cela s’ajoute l’enquête réalisée par la direction générale de l’économie et de la planification en 2016. Elle situe à 5 116 cas, le nombre de grossesses enregistrées au Burkina Faso, excepté la région du Nord entre 2012 et 2016. Ces chiffres très alarmants attestent que la solution à cette «tragédie» ne peut être que l’utilisation de la contraception.

La jeunesse invitée à faire le planning

« Si la grossesse vient de façon inopinée au moment où la personne s’attend le moins, ainsi que ses parents, il est évident que l’une des conséquences est l’abandon du bébé. Et la contraception est un moyen pour éviter ces grossesses précoces. C’est pourquoi, j’invite les jeunes à l’utilisation des méthodes contraceptives. Cela leur permettra de mettre de l’ordre dans la naissance des enfants et de les planifier», soutient le responsable de «l’Hôtel maternel». Pour la responsable de «Home Kisito», la planification familiale peut contribuer à diminuer l’abandon des nouveau-nés.

«La plupart des parents (les mères et les pères) sont des élèves. Pour eux, l’acte sexuel n’est qu’un jeu. A défaut donc de s’abstenir, les méthodes contraceptives peuvent leur permettre d’éviter les grossesses non désirées. Cependant, il faut que les parents prennent leur responsabilité en éduquant leurs progénitures sur la sexualité au lieu de les laisser découvrir eux- mêmes cette vie», précise-t-elle. En tant que structure de jeune, le RAJS préconise le port du préservatif en cas de rapports sexuels.

«C’est le rejet des parents qui poussent les filles à abandonner leurs bébés dès la naissance», soutient le chargé de suivi et d’évaluation du Réseau africain jeunesse santé et développement (RAJS), Paul Sama.

Car, non seulement, il évite de contracter des maladies sexuellement transmissibles, mais aussi les grossesses. «Pour ce qui concerne les filles, elles peuvent être sous méthodes contraceptives de courtes durées telles que la pilule, l’utilisation du collier et l’injectable bien entendu après consultation d’un agent de santé», soutient Paul Sama. C’est pour éviter toutes ces situations que l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF) est née.

Et en tant que structure d’écoute pour les jeunes, des causeries-débats, des séances de sensibilisations à la santé sexuelle et reproductive sont organisées. «Nous les sensibilisons aux conséquences des grossesses précoces. Alors, il leur est recommandé d’utiliser des méthodes contraceptives, surtout qu’elles sont vendues aujourd’hui à un prix social. En effet, la plaquette de la pilule de 28 jours coûte 50 F CFA, 250 F CFA l’ampoule injectable, 500 F CFA les implants, 10 F CFA pour le préservatif masculin et 25 F CFA celui féminin», informe l’agent communautaire de l’ABBEF, Simon Yaméogo. Ce prix social est une manière pour le gouvernement de faciliter l’accès de ces produits à tous.

Fleur BIRBA
fleurbirba@gmail.com

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