Au-delà du ressentiment

L’innommable s’est produit à Solhan, localité située à une dizaine de kilomètres de Sebba, la capitale provinciale du Yagha dans le Sahel. Dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 juin, des hommes armés s’en sont pris aveuglement à de paisibles populations (la plus jeune victime avait 8 mois) faisant plus d’une centaine de morts, selon le communiqué du gouvernement. C’est l’attaque la plus meurtrière depuis 2016.

Frappés dans leur chair et dans leur esprit depuis bientôt six ans dans ce qu’il est convenu d’appeler les attaques terroristes, les Burkinabè, à l’unisson, se doivent surtout de relever promptement la tête après cet énième coup de boutoir qui a attiré, en quelques heures, des réactions accusatoires, courroucées, désabusées, voire hystériques (la rumeur de la fausse attaque d’un bus et du faux bilan humain en ont rajouté), mais aussi des témoignages de sympathie et de solidarité à travers le monde.

Le Burkina doit se relever face à une situation qui interroge notre discernement au vu des cibles et du mode opératoire de certaines des attaques. L’attaque de Solhan, par sa barbarie et par les cibles visées, nous amène à douter fortement de son caractère “terroriste”.

D’autres considérations, à prendre en compte, pourraient cacher des desseins inavouables. Il faut plutôt rechercher les raisons de cette attaque inqualifiable entre brigandages, règlements de comptes et volonté de couper le lien affectif entre autorités et populations. Les dernières voyant de plus en plus dans les premières des incapables ayant échoué dans leurs missions de préservation de la paix et de la concorde civiles.

Et, c’est justement à ce niveau de l’analyse qu’il convient d’observer de la circonspection et de la hauteur pour comprendre que les autorités, toutes obédiences confondues (politiques, coutumières et religieuses) sont les premières meurtries par cette situation désolante, si tant est qu’aucun “berger” ne peut rester insensible devant le massacre de ses “brebis “.

Au-delà du ressentiment légitime que l’on peut avoir vis-à-vis de nos autorités à la suite de cette attaque perpétrée dans la zone d’influence de l’Etat islamique (EI), il nous faut aller plus loin que les clichés dont l’objectif principal est l’affaiblissement de l’Etat, avec à la clé des conséquences désastreuses dans un contexte socioéconomique morose, du fait de ces attaques incessantes et de la crise sanitaire mondiale. La moindre fissure dans l’édifice de l’unité nationale face à l’adversité constitue une vulnérabilité dans la guerre que nous sommes condamnés à gagner.

Le pays, nous en convenons, est en guerre depuis 2015. Une guerre multidimensionnelle où chaque citoyen est un soldat réserviste dans son domaine de compétence aux côtés du maillon le plus visible du corps social, notamment les Forces de défense et de sécurité (FDS).

Sans vouloir faire dans le dilatoire ou encore moins, tenter de noyer le poisson, il ne faut pas occulter que le phénomène terroriste s’est amplifié depuis l’invasion de la Lybie, devenue un vrai trou noir sécuritaire. Cette donne a redistribué les cartes géostratégiques et remis en cause certains intérêts séculaires, notamment au Sahel avec la concurrence féroce que se livrent certaines puissances, sur ce continent reconnu par tous comme celui de l’avenir.

Cette politique a donc continué et s’est transformée en guerre pour le contrôle du sol et du sous-sol africain avec les immenses dégâts collatéraux depuis l’Afrique de l’Est (Mozambique) jusqu’au golfe de Guinée en passant par l’Afrique centrale.

C’est à ce défi que les Africains devront faire face et relever victorieusement en privilégiant les solutions endogènes (tôt ou tard) et les partenariats réciproquement bénéfiques. Un new-deal qui ne se fera pas sans douleur et qui commande à l’union sacrée pour faire face à l’adversité. Les querelles puériles et stériles dignes de cours de récréation d’écoles primaires doivent être bannies dans cette guerre.

Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr

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