Benjamin Sia, assistant en technologie éducative : « Le travail collaboratif est une bonne approche pour la formation »

enjamin Sia : « Le développement repose sur les technologies ».

Enseignant à l’Université Ouaga 2 et assistant en technologie éducative, Dr Benjamin Sia est le lauréat du 7e prix Louis d’Hainaut de la meilleure thèse en technologie éducative. Dans cet entretien, il parle de l’apport du travail collaboratif pour les apprenants et de son domaine de prédilection

Sidwaya(S) : Vous aviez soutenu récemment une thèse sur l’« Analyse du rapport au temps des apprenants dans un dispositif d’apprentissage collaboratif à distance » qui vous a valu un laurier sur le plan international. De quoi s’agit-il concrètement ?

Benjamin Sia(B.S.) : Il s’agit de l’étude de l’utilisation du temps des apprenants dans un dispositif de formation à distance dans le cadre des travaux de groupes et d’équipes. Lorsqu’on parle de formation à distance, il y a des modèles pédagogiques qu’on adopte et généralement c’est le socio constitutif qui veut dire qu’on donne des activités aux apprenants à réaliser en groupe.

C’est à travers la réalisation de ces travaux en groupe qu’ils construisent la connaissance et comment ils gèrent leur temps. Lorsqu’on dit gestion du temps, c’est vrai, nous avons la gestion du temps en tant que ressources qu’on appelle la dimension prévisionnelle du temps. Mais, le temps aussi a une dimension culturelle. Cette dimension culturelle influence un peu la manière dont nous gérons le temps mais également nos rapports avec les autres membres de différents équipes ou nos rapports avec ceux qui nous cotoient

S : En quoi ont consisté les travaux de votre thèse ?

B.S. : Les travaux ont consisté à analyser le temps, d’abord, pour voir est —ce que le temps peut être un indicateur de sujet de travaux de groupes. Est-ce à travers le temps que les apprenants passent dans le dispositif ou le temps qu’ils consacrent à leurs activités, ce temps est-il un temps qualitatif ? Parce qu’on peut passer 10 heures, 15 heures, 20 minutes sur une plateforme de formation sans vraiment apporter une contribution dans le fond.

Cela a consisté à d’abord analyser le temps que les apprenants consacrent à la plateforme de formation ; ce temps est-il qualitatif et dans les travaux de groupes, quelle est son implication dans les travaux d’équipes. Est-ce que l’étudiant qui fournit plus de temps, c’est celui qui participe davantage. Et, s’il participe davantage, il y a ce qu’on appelle l’engagement quantitatif et l’engagement qualitatif.

L’engagement quantitatif c’est l’effort qu’on fournit et l’engagement qualitatif, c’est la qualité des contributions. Quelqu’un peut envoyer 10 messages dans un espace de formation. Lorsqu’on les analyse, 90% peuvent ne pas être centrés sur l’apprentissage. C’est de voir en fonction du temps qu’il consacre aux activités du groupe, est-ce que ce temps est significatif, s’il est significatif, quelle est sa qualité.

S : A quelles conclusions êtes vous parvenus au terme des travaux ?

B.S. : Le temps apparaît comme un indicateur clé du suivi des apprenants dans un dispositif de formation à distance. Ce temps apparaît également comme un temps qualitatif parce qu’il y a une bonne partie des étudiants qui, à travers leur contribution et lorsqu’on analyse le contenu de ces contributions, on se rend compte qu’elles sont de qualité et au niveau de la dimension culturelle, il n’y a pas eu d’effets significatifs par rapport à l’effet de la dimension culturelle du temps sur le travail collaboratif. Si l’on dit effets significatifs, c’est vrai qu’il y a des indices, mais ces indices ne permettent pas de conclure à un effet de la dimension culturelle du temps sur les travaux de groupes un dispositif de formation à distance.

S : Quelle est la particularité du dispositif d’apprentissage collaboratif et son efficacité?

B.S. : Il y a des études qui ont été menées sur l’efficacité des dispositifs d’apprentissage à distance qui repose sur le travail collaboratif, généralement comme toutes les études dans les domaines des sciences sociales, il y a des études qui montrent qu’il y a un apport, d’autres ont tendance a montré que l’effort souhaité peut ne pas être atteint avec les dispositifs de formation à distance basés sur le travail collaboratif. Parce que le travail collaboratif, il y a beaucoup de facteurs qui peuvent l’influencer.

Il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte dans la conception et la mise en œuvre de ces dispositifs. Donc, il y a deux tendances. Lorsqu’on regarde les études, certains pensent que le travail collaboratif est une bonne approche pour la formation à distance et d’autres disent qu’il y a des conditions à remplir pour que le travail collaboratif soit efficace. C’est normal dans l’absolu, on ne peut pas dire que telle approche est meilleure par rapport à telle autre. C’est de voir si les conditions de la mise en œuvre sont respectées pour que l’effet escompté soit atteint.

S : La technologie éducative peut-elle prospérer dans le domaine de la science et de la recherche en Afrique ?

B.S. : Oui ! L’histoire de la technologie éducative remonte à plusieurs siècles. En Afrique quand on fait des recherches sur la question, l’utilisation de la technologie de l’éducation dans les décennies 1970, 1980 avec l’invention de l’ordinateur qu’il y a eu un regain d’intérêt surtout dans les pays européens même au Canada, où il y a des études pour voir la catégorisation des usages.

De plus en plus, nous sommes dans l’étude des effets. Quel est l’effet de ces technologies sur l’enseignement et l’apprentissage. Il y a deux dimensions qu’il faut considérer. Aujourd’hui, ce sont des outils que tout le monde doit utiliser. Donc, il faut voir comment l’intégrer dans les programmes scolaires pour préparer les jeunes à leur société. Deuxièmement, il n’y a pas ce secteur de travail de nos jours, où on ne parle pas de technologie.

Dans le cadre des formations professionnelles, il faut également penser à des programmes de formation ou à des formations aux TIC spécifiques au domaine où on se forme. Lorsqu’on est de la santé, il y a des outils spécifiques que tous les agents de la santé doivent maîtriser partout.

Il faut qu’on pense dans les formations professionnelles à voir comment on peut prendre en compte ces outils, notamment les compétences spécifiques du domaine les prendre en compte dans les programmes de formation. Il faut vraiment ouvrir un champ là-dessus en Afrique. Cela peut être aussi un moyen pour rattraper le retard et comment on peut anticiper certaines choses.

S : Quelle plus-value vos travaux apportent-ils à l’éducation et à l’enseignement en Afrique ?

B.S. : L’Afrique est plurielle et l’Afrique du Nord est un peu plus en avance par rapport à nous. Car, toutes les conditions sont réunies. Il faut mener des réflexions sur des axes. La première réflexion serait sur le contenu, comment faire pour produire des contenus adaptés à nos programmes.

De nos jours, les élèves consomment quoi ? Quand ils vont sur internet se sont des cours de l’Europe, de l’Amérique, du Canada, mais ces contenus ne sont pas adaptés à nos programmes scolaires à tous les niveaux. Il faut saluer l’action du MENA qui a consisté à mettre en place une plateforme avec des ressources pédagogiques numériques. Cela peut s’améliorer au fur et à mesure.

Nous ne pouvons pas tout avoir au départ. Le deuxième défit c’est la question d’infrastructures. Il faut développer des infrastructures internes pour nous libérer de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

S : La technologie éducative peut-elle contribuer au développement de l’Afrique ?

B.S. : Evidemment. Le développement repose sur les technologies. Il faut donner les moyens et faire rêver les gens. Les jeunes n’ont pas de limites d’imagination. Si on leur donne les moyens, ils peuvent faire des merveilles. La technologie est un outil sur laquelle on peut se baser pour améliorer beaucoup de choses. Mais, il faut aller vers les acteurs, ne pas le faire en vase clos.

Abdel Aziz NABALOUM

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