« Bréviaire des politiciens » : Le livre de chevet de l’homme politique

Tout comme "Le Prince", le "Bréviaire des politiciens" constitue le vade-mecum idéal de tout homme de pouvoir.

L’écrivain Jules Mazarin dit Cardinal Mazarin énonce, dans « Bréviaire des politiciens », un ensemble de maximes et de pensées résumant les aptitudes nécessaires à acquérir pour réussir en politique.

Contrairement à Machiavel, auteur du célèbre ouvrage « Le prince », le cardinal Mazarin, Jules Mazarin à l’état civil, n’est pas un théoricien. Il ne s’encombre, en effet, ni de morale ni de justice, mais plutôt d’efficacité sans état d’âme. Cependant, derrière la complexité, la lucidité et la malhonnêteté planifiée qui semble le caractériser, son opuscule, « Bréviaire des politiciens » se révèle, au fil des pages, être un modèle de stratégie démocratique avec en toile de fond une splendide image de l’obtention du pouvoir, grâce à la pure et simple manipulation du consensus.

Dans ce livre composé de 126 pages, Cardinal Mazarin adresse des conseils à l’attention des hommes de pouvoir et à toute personne désirant réussir socialement et éviter les pièges de la vie. Ses recommandations se présentent sous forme de maximes, de recettes et de simples mises en garde. Le livre est subdivisé en deux parties, à savoir « Connais-toi toi-même », « Et connais les autres » (premier chapitre) et « Les hommes en société » (second chapitre). Dans « Ne vous fiez à personne », les amis, affirme-t-il sans ambages, n’existe pas: « Il n’y a que des gens qui feignent l’amitié.

Soyez constamment sur vos gardes: sachez que si, ne fût-ce qu’un bref instant, vous vous êtes comporté ou avez parlé de façon trop libre ou grossière, vous en payerez le prix car les gens généralisent sur des faits isolés ». Il faut se montrer respectueux, conseille-t-il dans « Comment se comporter avec les supérieurs », avec tout le monde mais davantage encore avec les supérieurs. Vis-à-vis d’eux, conservez toujours, ajoute-t-il, la plus profonde déférence même s’ils vous apprécient et vous convient dans leur intimité.

« Respecte les vieillards et suis leurs conseils – ou du moins, fais semblant. Rends leurs toutes sortes d’hommage, donne-leur l’impression que tu vénères leur sagesse » explique Cardinal Mazarin. L’auteur touche à tous les compartiments des relations humaines. Outre, les rapports avec les proches, les supérieurs, il aborde le sujet « des ennemis » ou des « rivaux ». Il explique, à cet effet, comment se comporter avec les ennemis dans la vie de tous les jours : « La prudence commande de ne pas s’attaquer à plusieurs ennemis à la fois : quand on travaille à la perte de quelqu’un, il est important de se réconcilier provisoirement avec ses autres ennemis.

Evitez d’agir directement vous-mêmes. Confiez à des intermédiaires l’exécution de vos basses œuvres… ». Dans la même veine, Cardinal Mazarin suggère, en ce qui concerne les solliciteurs (proches, mendiants, etc.) de ne jamais dire non directement.

Une leçon pragmatique

Mieux vaut, écrit-il, entrer dans de longues considérations qui se concluront par… un refus. Mazarin conseille de faire mine de prendre un moment de réflexion et « de se montrer ensuite sincèrement navré de ne pouvoir accéder à la requête ». « S’il insiste, il faut lui demander comment on pourrait l’aider d’une autre manière. Une technique consiste à l’adresser à d’autres personnes en lui indiquant consciencieusement la marche à suivre.

Autrement, il est toujours possible de temporiser, d’abreuver le quémandeur de belles paroles et d’attendre qu’il se lasse », soutient-il. En ce qui concerne le public ou le peuple, bref, les potentiels électeurs, Cardinal Mazarin, s’adressant aux hommes politiques, préconise de ne jamais se faire le défenseur de lois démagogiques. « Si l’on vous sait l’instigateur d’une loi impopulaire, il importe de calmer la populace en lui octroyant des faveurs (remise d’impôt, grâce d’un condamné, etc.).

Evitez de devenir impopulaire lorsque vous promulguez de nouvelles lois. Comment faire ? Il s’agit de démontrer l’impérieuse nécessité de ces lois à un Conseil des Sages quelconque et mettre au point la réforme avec ce dernier », explique-t-il. Ce qui compte le plus dans une carrière politique réussie, révèle-t-il plus loin, c’est le commencement.

Il ne faut ménager ni les efforts ni les sacrifices. Mieux vaut ne pas prendre l’initiative avant d’être sûr de réussir : « Aussi, sois brillant en tes débuts qu’en toute chose : une fois ta renommée établie, même tes erreurs se transformeront en titres de gloire ». Selon Mazarin, la compétence, dans l’attribution d’une charge, l’octroi d’un mandat ou la nomination à un poste de responsabilité, est un élément qui n’a pas la moindre importance : « Ne va pas t’imaginer que ce sont tes qualités personnelles ou ton talent qui te feront octroyer une charge.

Si tu penses qu’elle te reviendra pour la seule raison que tu es le plus compétent, tu n’es qu’un idiot ». Au contraire, Il faut, fait-il savoir, prendre les devants, promettre des passe-droits à des gens influents, utiliser au mieux les services d’intermédiaires discrets et, par la suite, se faire une règle d’honorer ses engagements…

Comme le souligne le préfacier du livre, feu l’écrivain Umberto Eco, le lecteur trouvera dans « Bréviaire des politiciens », une leçon pragmatique qui peut, aujourd’hui encore, servir à tout ambitieux homme politique ou à toute personne
intéressée par une carrière politique.

W. Aubin NANA

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