Ce n’est pas le champ du papa de quelqu’un !

Décidément, l’administration publique n’est pas le champ du papa de quelqu’un ! On y va à l’heure que l’on veut ; les retardataires descendent toujours avant les autres. Dans les bureaux, certains passent le temps de travail à commenter et à critiquer dans tous les groupes WhatsApp, à tourner le pouce en se rabattant sur des jeux de cartes ou de « Zuma » ; d’autres se pavanent sur Internet via Facebook avec des amis qui n’ont rien à « foutre » ou draguent l’inconnue frivole qui cède au premier clic.

Il y a aussi ceux qui fouinent dans les sites torrides de la toile pour booster la taille d’une libido en mal de décollage. Dans la rangée de l’autre moitié du ciel, c’est presque tout sauf l’essentiel ; une télé trône en maître absolu. On suit les télénovelas la bouche ouverte et les larmes aux yeux. La secrétaire au regard de léopard fait sa pédicure en répondant à peine au « bonjour » de l’innocent visiteur. Elle s’est levée sur le mauvais pied et a trimballé la malle de l’arsenal conjugal au bureau.

Quand vous tapez à la porte d’une telle calamité, le « oui » ressemble à un « non », rien que par le ton. Ne vous attendez pas à un accueil chaleureux de sa part. Dans le frigo du service, une ‘’ opératrice économique ’’ y conserve de petits bidons de bissap, de yaourt et de jus de gingembre. Ne dites rien de grave à haute voix, parce que même DG commande chez elle. Le restaurant d’en face tire l’électricité et l’eau du même service public.

C’est l’Etat qui paie ! Dans le bureau de celle qui vend les pagnes, des collègues s’y retrouvent pour contempler les plus beaux bazins et essayer les hauts et les bas de la tentation. C’est aussi là-bas qu’on discute de l’actualité socio-politique en insultant le président et son gouvernement. Le bureau d’en face est toujours fermé. Le locataire vient une ou deux fois par semaine. Il a d’autres chats à feuilleter.

C’est un chasseur de primes qui arpente les réseaux du ‘’ gombo ’’ sur l’échelle de l’égoïsme national. Parfois, il est entre deux ateliers juteux et une mission avec un don d’ubiquité qui lui permet d’être partout. Quel talent ! Mais cela ne peut être autrement puisque le premier responsable lui-même émarge chaque jour les états financiers et empoche ses frais de missions sans quitter d’un iota son bureau. La femme allaitante du bureau voisin continuera à descendre à onze heures trente pour un gros bébé sevré depuis cinq ans. Sa collègue paresseuse prétextera toujours d’aller chercher ses enfants à la maternelle, sans revenir au service.

Depuis l’institution de la journée continue, ils sont nombreux à prendre la clé des champs pendant la pause. Au moment des notations, la salace fainéante engourdie aux jambes dégourdies aura 09/10 avec mention « RAS ». Objectivement, le ‘’ filou ’’ ne vaut même pas 04/10. En Conseil des ministres, le flémard vadrouilleur sera nommé directeur et même mieux. En décembre, il fera partie des farouches ‘’ dockers ’’ de la nation des Bras longs. Sous le drapeau, il répondra présent à une décoration dont il ne mérite même pas l’épingle. C’est dingue !

Pendant ce temps, le courageux soldat attendra de marcher sur une mine pour sauter et s’élever au rang de bravoure nationale, au pied d’une tombe. Pendant ce temps, l’âne de la République crapahutera en grinçant des dents, sans eau ni foin, en brayant où on l’a attaché. Les héros du service public finissent généralement zéro ; ces héros qui meurent sans un Euro mais dont le seul mérite est écrit en vers dans la plus belle oraison funèbre. Dans l’administration publique, ne vous attendez pas à des bénédictions.

Ceux qui passent par la compromission n’ont pas besoin de compromis pour être bénis. Les intègres rigides sont brisés ; les flexibles passent par le trou de l’aiguille. On vantera les vertus de la vérité mais rares sont ceux qui mettront le doigt dans la plaie. Voilà pourquoi chaque année, les rapports se suivent et se ressemblent. Pendant ce temps, les ‘’ alevins ’’ croupissent derrière les barreaux et les ‘’ requins blancs ’’ se pavanent en eau douce. Parfois, la vérité est déjà là, mais la Justice « suit toujours son cours » en se hâtant lentement et en donnant des cours de patience aux plus pressés.

Il paraît que le temps de la Justice n’est pas celui des hommes, pourtant ce sont des hommes qui édictent et exécutent les règles de la même Justice. C’est clair comme du charbon fin ! On ne juge pas ce qui est déjà adjugé et vendu ! On joue la montre pour gagner du temps, parce que le temps profite au titan. Il y a trop de gens dans le collimateur mais très peu sont appelés à la barre du prétoire.

Il y a trop de risques d’éclaboussures. Il y a trop de potentiels justiciables qui tremblent dans l’ombre. Nous ne sommes pas tous blancs dans nos boubous immaculés. Finalement, et si on retirait tous les dossiers pour les confier au tribunal de nos dignes ancêtres ? Une calebasse d’eau fraiche et un poulet suffiraient à dénouer les « affaires pendues ». Hélas, nous sommes en démocratie, le système politique le moins mauvais du monde dans lequel la Liberté et le Droit priment sur la Vérité et le Devoir. Alors, « mangeons et taisons-nous ! » en attendant Godot !

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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