Centrafrique : la souveraineté en question

Le réchauffement de la coopération militaire entre la République centrafricaine et la Russie n’est pas du goût de l’Occident. En effet, cela ne fait l’ombre d’aucun doute, le pays du président Faustin-Archange Touadéra, menacé par une rébellion, depuis quelques années doit, en partie, sa relative accalmie au soutien militaire que lui apporte les soldats russes présents sur son territoire. Le rapprochement entre les deux Etats, selon toute vraisemblance a provoqué l’ire de Paris, ancienne puissance coloniale, au point qu’elle a « gelé » son aide budgétaire et sa coopération militaire avec la Centrafrique, jugeant le pays d’être complice d’une campagne antifrançaise. Cette information a fait l’objet de maintes élucubrations des plus pertinentes aux plus saugrenues. Mais, à y voir de près, c’est un « duel franco-russe » qui se profile dans le pays et peut se métastaser sur le reste du continent africain. Si la France dit maintenir, en revanche, son assistance humanitaire dans le pays, on peut se demander ce qui peut advenir des relations séculaires qu’elle entretient avec son ancienne colonie.

On le sait, le pays de Faustin-Archange Touadéra est enlisé dans une crise sans précédent et face à laquelle il peine à trouver solution, en dépit des forces de maintien de la paix présentes dans le pays. C’est pourquoi, au-delà de tout calcul politicien, il n’est pas exagéré de reconnaître l’apport de la présence russe dans la stabilité du pays. Mais de tout cela, le pays saura faire volteface devant les injonctions françaises au nom d’éventuels accords de coopération militaire ? Rien n’est moins sûr pour l’instant. En tous les cas, ce qui est évident, c’est que le Kremlin, tout comme d’autres puissances du Moyen orient, nourrit de plus en plus, une forte ambition d’étendre son hégémonie sur le continent africain, en dépit de la présence des anciennes puissances coloniales. A bien des égards, la volonté de Moscou d’avancer ses pions et faire valoir ses intérêts sur le continent est palpable et le cas centrafricain en est une illustration. Mais, loin de se livrer à des analyses de géopolitique stérile, c’est la problématique de la souveraineté effective des pays africains qui est mise au goût du jour. En effet, il n’est pas rare d’entendre des voix des jeunes Africains s’élever, réclamant urbi et orbi une indépendance « totale » de leur pays face aux attitudes de certaines puissances étrangères qu’ils estiment « ambiguës ».

Mali, en est un exemple éloquent, pour ne citer que ce pays qui, malheureusement, peine aussi à se tirer d’affaire. Ainsi, plutôt que de préférer une puissance étrangère à l’autre, les pays africains gagneraient à rechercher eux-mêmes les solutions à leurs problèmes, au lieu de croire au bon office d’un quelconque bon samaritain. Car, quoi qu’il en soit, et c’est le propre de l’homme, ce sont les intérêts qui ont toujours guidé les puissances étrangères dans leurs politiques expansionnistes. Si le continent africain est courtisé de part et d’autre, c’est du fait de ses ressources dont, le plus souvent, l’importance est méconnue par biens de personnes. Au lieu donc de s’enorgueillir de la présence de telle ou telle puissance étrangère, il est mieux indiqué pour l’élite africaine de penser à sortir le continent de ses difficultés liées à son développement. C’est seulement à ce prix que viendra le salut des pays africains.

Soumaïla BONKOUNGOU

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