Changements stratégiques

Comme il s’y est engagé dans son premier discours à la Nation, le chef de l’Etat, président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, est à pied d’œuvre pour bâtir un dispositif militaire à la hauteur du défi sécuritaire qui a provoqué l’irruption de l’armée dans la gestion du pouvoir politique. Entre deux concertations avec les forces vives de la Nation et les partenaires du pays, le chef de l’Etat met en place progressivement son état-major de guerre. Ainsi, le 2 février dernier, des changements ont été opérés à la tête de l’état-major général des armées, de la Gendarmerie nationale, de l’Armée de terre et de la Brigade nationale des Sapeurs-pompiers.

Dans la foulée, un nouveau directeur général de l’Agence nationale de renseignement (ANR) a été nommé. C’est un changement générationnel et stratégique qui vient d’être opéré au sein des forces armées nationales. Aux commandes de l’Armée, on retrouve essentiellement des officiers issus de la première promotion du Prytanée militaire de Kadiogo (PMK), après la réouverture en 1992 de cette école d’excellence chargée, notamment de la formation de l’élite des forces armées nationales et des autres pays de la sous-région. Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et plusieurs membres du MPSR sont issus de cette promotion 1992.

Ces changements sont aussi et surtout stratégiques avec la création d’un tout nouveau maillon dans la chaine de commandement. Il s’agit du Commandement des opérations du théâtre national (COTN). Cet état-major relèvera directement du Président du Faso, faisant de lui un véritable ‘’chef de guerre’’. Il devrait agréger des acteurs majeurs tels que les paramilitaires et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) dans le dispositif de lutte contre le terrorisme, permettant ainsi de dépasser l’approche, parfois inopérante, du ‘’ tout militaire’’ dans la lutte contre le terrorisme. Le centre des opérations interarmées qui coordonnait l’ensemble des opérations sur le territoire national demeure arrimé au chef d’état-major général des Armées. Ce réaménagement consacre aussi la séparation de la fonction ’’préparation des forces armées’’ et celle de leur emploi. Cet aggiornamento stratégique, toute chose étant égale par ailleurs, permettra aux Forces de défense et de sécurité (FDS) d’aborder plus efficacement les défis sécuritaires en mode ‘’sans échecs ‘’ et aux nouvelles autorités de mettre fin « à la dégradation continue de la situation sécuritaire » pour laquelle, elles ont pris leurs responsabilités.

Les populations observent avec tant d’espérance, cette inflexion sécuritaire dont elles n’attendent rien de moins que de pouvoir vivre, travailler et se déplacer dans la quiétude grâce à une amélioration de la situation sur le front, une prise en charge adéquate des Personnes déplacées internes (PDI) et des victimes (civiles et FDS) du terrorisme. C’est aussi le leitmotiv du MPSR qui a fixé comme indicateurs de mesure de la réalisation de son agenda, « le niveau de restauration de l’intégrité du territoire et la qualité des actions entreprises pour la refondation de notre Nation ». Pour l’heure, la situation sur le terrain ces deux dernières semaines demeure préoccupante. Elle se traduit notamment par des attaques ciblées contres des villages (Tokabangou) et des positions des FDS (3 morts à Warwéogo le 30 janvier 2022), des destructions d’infrastructures socio-éducatives, des incursions et des contrôles d’identité sur certains axes routiers, des enlèvements de personnes, les vols de bétail, des prêches forcés, des fermetures d’écoles dans certaines régions du pays. S’il ne semble pas avoir de doute sur la capacité de la nouvelle dynamique en cours à juguler la crise, ‘’ l’emprise sécuritaire ‘’ questionne néanmoins. Quelle place sera accordée aux autres préoccupations, à la préservation des fondamentaux économiques, à la bonne gouvernance, au dialogue social, à la justice et à la lutte contre la corruption ? A l’évidence, tout n’est pas sécuritaire et de la capacité des nouvelles autorités à concilier les priorités dépendra la nécessaire cohésion autour de la priorité du moment.

Mahamadi TIEGNA

mahamaditiegna@yahoo.fr

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