Commune de Dandé : polémiques autour d’un lotissement

Dans la commune rurale de Dandé, localité située à une soixantaine de kilomètres au Nord de Bobo-Dioulasso, dans la province du Houet, un projet de lotissement divise. Le processus en cours se déroule sur fond d’un climat délétère au sein de la population. Sidwaya a rencontré, les 2 et 3 avril 2021 à Dandé, les protagonistes.

A la sortie de la ville sur l’axe Dandé-Faramana, des bornes sont en train d’être implantées sur un espace de 200 hectares, situé de part et d’autre de la voie bitumée. Un lotissement est en cours. Mais ce projet est loin de faire l’unanimité au sein de la population. Tandis que certains habitants s’y opposent, d’autres en revanche défendent bec et ongles le projet. Les réfractaires reprochent à la commune de ne les avoir pas suffisamment associés au processus et craignent que cette opération ne dépouille des propriétaires terriens et des exploitants agricoles de leurs terres. Ils s’insurgent aussi contre ce lotissement, car un premier lotissement fait en 2008 avait engendré de nombreux contentieux. « Nous avons demandé de résoudre les problèmes que le premier lotissement a créés avant d’entreprendre un nouveau lotissement. C’est un préalable qui n’a pas été respecté. Nous n’avons pas été écoutés jusque-là », s’insurge le « chef de village » de Dandé, Bakary Sanou. En effet, selon un autre habitant de Dandé, Fousseny Sanou, le premier lotissement avait été émaillé de nombreuses insuffisances qui ont menacé le vivre-ensemble dans la commune. Des résidents de la zone non lotie, en son temps, n’avaient pas été attributaires de parcelles tandis que ceux qui n’y vivaient pas en avaient bénéficié, obligeant certains d’entre eux à se retrouver dans la rue, selon son récit. « Les différentes crises qui ont eu lieu à Dandé pendant les dernières élections municipales étaient liées à cette situation », se convainc Fousseny Sanou. A en croire M. Sanou, les nouvelles autorités issues des élections municipales de 2016 se sont dit impuissantes face à ce problème, parce que n’étant pas comptables des erreurs des autres, pour ensuite se raviser.

Apurer le passif foncier d’abord

Elles ont alors, selon lui, proposé de lotir 250 hectares pour recaser 250 personnes, qu’ils estiment lésées pendant le premier lotissement. Plusieurs rencontres avec le « chef de village » et d’autres notabilités coutumières n’ont pas abouti à un consensus sur ce projet de lotissement, les notables ayant posé comme préalable le règlement des anciens litiges, a relaté Fousseny Sanou. Face à leurs réticences, révèle M. Sanou, les autorités communales auraient contourné le « chef du village » pour aller s’entendre avec un Conseiller villageois de développement (CVD) pour acquérir les 250 hectares et les documents nécessaires au processus de lotissement. « L’ancien lotissement n’a pas été bon et il faut le réparer avant un nouveau. Le CVD a donné sa terre. Ce sont les jeunes qui font leur lotissement. Ni les anciens, ni les propriétaires terriens n’ont été associés. Nous ne sommes pas d’accord », fulmine Souleymane Sanou, un autre habitant de Dandé. La colère se lit également sur les visages d’Abdoulaye Kiemdé et Salam Sawadogo, des exploitants agricoles qui disent ne pas savoir où aller si on venait à retirer leurs terres. Mais du côté des partisans du nouveau lotissement de Dandé, c’est un tout autre son de cloche. Les initiateurs soutiennent avoir respecté toutes les étapes.

Pour eux, le lotissement de 200 ha (et non 250 ha comme le soutiennent les adversaires) a été initié pour apurer le passif foncier comme exigé. Ils ne comprennent pas la résistance de certains habitants d’autant plus que le terrain en question a été donné à la mairie par la famille du chef de terre de Dandé. Le CVD de Dandé, Ouromannebo Sanou, indexé, membre de la famille donatrice des 200 ha, explique : «Chaque grande famille a ses terres à Dandé. D’autres n’en ont pas. Les 200 hectares à lotir appartiennent à notre famille. Nous les avons cédés à la mairie pour lotir. Nous sommes les chefs de terre et c’est notre famille qui gère les terres ici et non le chef du village. Et cela se passe comme ça dans de nombreux villages. Je ne vois pas où se situe le problème », lâche M. Sanou. L’acte de cession amiable de droits fonciers pris le 14 juin 2019 porte la signature de ce dernier et sept autres personnes dont Sina Sanou « chef de village ». Pour le CVD, Sina Sanou est le chef de terre. Par conséquent, il est le vrai « chef du village », martèle Ouromannebo Sanou.

Les arguments du maire de Dandé

Le maire de Dandé, Yacouba Zerbo, soutient avoir traité avec les vrais propriétaires terriens. « Ce sont eux qui nous ont montré l’espace et l’ont même délimité pour nous. C’est avec eux que nous avons aussi signé l’acte de cession ». Le maire affirme que plusieurs rencontres ont eu lieu avec les populations et même dans les quartiers autochtones sans résistance. Du moins, il dit avoir expliqué à ses populations que le lotissement a été initié pour régler les problèmes créés par le premier lotissement de Dandé. « Nous avons mis en place un comité chargé de faire le point du premier lotissement. Le comité a détecté de nombreux problèmes. Il y a des gens qui ont des quittances mais n’ont pas de parcelles. D’autres sont sur des voies qu’il faut déplacer. Plus de 500 personnes sont concernées. Nous avons, en accord avec le conseil municipal, fait ce lotissement qui est en fait une extension pour reloger tous ceux qui ont été lésés pendant ce premier lotissement. Je ne comprends donc pas le préalable fixé par certains habitants. Le dossier a été transmis avec tous les avis techniques au ministère de tutelle qui nous a autorisés à faire le lotissement», clarifie le maire Zerbo. Un arrêté conjoint du ministère en charge de l’urbanisme et de l’habitat, et de celui de l’Administration territoriale, en date du 15 décembre 2020, autorise ainsi la mairie à faire le lotissement. Il est précisé dans l’autorisation que la superficie à lotir est de 200 hectares. 150 ha sont réservés aux parcelles et 50 ha aux infrastructures socioéducatives, aux routes et aux réserves foncières. La superficie des parcelles est fixée à 240 m2.

« Les 200 ha sont même insuffisants. Nous avons des problèmes pour satisfaire tout le monde. Nous avons voulu 400 hectares mais le ministère nous a accordé 200 », a souligné le maire Yacouba Zerbo. Il soutient avoir échangé avec toutes les parties prenantes et quatre parcelles par hectare seront attribuées aux exploitants recensés sur l’espace délimité. Des tickets ont été remis à ces derniers et ils seront dédommagés en fonction de la superficie de leurs terrains, à entendre le bourgmestre de Dandé. Il a invité les populations à s’approcher de la mairie pour avoir toutes les informations relatives à ce lotissement dont l’objectif, selon lui, est de régler d’abord les problèmes. D’autres rencontres seront organisées avec les différents protagonistes pour tenter d’accorder les violons, à en croire Yacouba Zerbo.

Adaman DRABO

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