Communiqué numéro zéro !

Il faut aller vite ! Nous n’avons plus le temps. Nous n’avons plus le temps d’empocher nos dix doigts, baisser nos têtes et l’échine pour nous battre avec le ventre, parfois la queue entre les deux jambes. Nous n’avons plus le temps de tous ces encombrants titans aux pieds d’argile qui donnent des leçons sans être eux-mêmes les bons exemples qui corroborent leurs propres leçons. Nous n’avons plus le temps de nous battre sous la pluie battante entre nous et contre nous-mêmes. Il y a un temps pour aller de l’avant même s’il faut marcher sur des ronces.

Il faut se mettre vite au travail, engager chacun à se défoncer à la tâche et au quotidien de sorte à ce que chaque effort de fourmi contribue à assurer le confort de la colonie. Il faut se mettre vite au travail, vaille que vaille, arrêter la pagaille des marmailles et châtier la racaille qui abuse des victuailles sans avoir foulé le champ des semailles. Nous avons longtemps gribouillé au brouillon nos visions parfois avec passion et convictions ; maintenant il faut écrire au propre sur le marbre de nos espoirs et de nos illusions légitimes, l’histoire vraie de l’intégrité. Nous avons maintes fois montré la voie à suivre sans la tracer nous-mêmes et sans oser l’emprunter ; cette fois-ci nous sommes obligés de ce pas, de nous décider à marcher au pas, pas à pas, sans faux pas, au pas de loup et à grands pas dans les sillons indélébiles de nos dignes et vaillants précurseurs. Cette marche se voudra longue et ardue, elle devra être celle du non-retour et celle de la dignité qui retentit dans le Ditanyè.

Il n’y a pas d’autres issues, notre salut ne s’acquerra sans fierté, sans courage et sans patriotisme. La marche sera forcée et victorieuse à coup sûr ou elle restera une séance de balade d’agrément aux allures trop démocratiques mais vouée à l’échec au pied de la ligne de départ. Il faudra mettre au pas ceux qui ne veulent pas, parce que « ceux qui vivent sont ceux qui luttent ». Nous avons longtemps opiné et procrastiné sur notre destinée. Nous nous sommes longtemps obstinés à nous piétiner dans les rangs de la marche divaguée sur les aires de nos petites libertés, de nos droits maladroits et des lois de mauvais aloi. Le premier acte fondamental d’un citoyen digne, c’est son devoir, parce que seul le devoir accompli engendre le droit mérité. Malheureusement, nous avons vendu nos rêves sans trêve pour faire fortune de façon inopportune sur les ruines de l’idéal partagé. Notre histoire ressemble aux déboires de Sisyphe, un éternel recommencement qui frise l’envoûtement. En vérité, nous n’aimons pas le frère qui fait des prouesses même au nom de la fratrie et de la patrie ; nous détestons le perspicace cadet qui fait mieux que nous. Nous marchons avec nos égos au cou et sans coup férir, nous sommes prêts à saboter l’œuvre du patriote, voire à sacrifier nos héros sur l’autel de la compromission. Rien ne sert d’arborer fièrement l’effigie de Sankara comme un grigri si l’on n’est même pas capable de s’arrêter deux minutes au feu tricolore. Rien ne sert d’idolâtrer Sankara sans avoir l’humilité de l’imiter dans les plus petites choses de nos vies.

Il ne suffit pas d’écouter ses discours en boucle pour se sentir sankariste et être vu comme tel. Rien ne sert d’avoir la chair de poule en regardant le vaillant Goïta gonflé à bloc et marcher les poings fermés si nous n’avons pas le courage de quitter nos petits conforts de bourgeois et dire que nos ancêtres n’ont jamais été gaulois. Il ne suffit pas non plus de dire « armée française, allez-vous en ! » ; il faut surtout chasser d’abord en chacun de nous et autour de nous le complexe d’infériorité et le réflexe de soumission historique qui hantent nos relations avec la France. Il faut également et déjà commencer à compter sur nous-mêmes, à produire et à consommer Burkinabè, à être fiers de ce que nous sommes et avons, de notre identité et de nos valeurs culturelles et traditionnelles. Il faut apprendre dès maintenant à être Burkinabè et quand on est Burkinabè, on doit être capable de dire sans changer l’ordre des mots : « la patrie ou la mort, nous vaincrons ! » Parce qu’il n’y a point de révolution sans privation, sans conviction et sans action.

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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