Côte d’Ivoire : Tous contre un

La réconciliation nationale en Côte d’Ivoire prônée par l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Kigbafori Soro, va-t-elle porter ses fruits ? La question mérite d’être posée au regard de ce qui se passe dans ce pays, ces derniers temps. En effet, depuis sa démission à la tête du parlement et l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle de son pays en 2020, Guillaume Soro a entrepris des rencontres avec des leaders politiques, notamment de l’opposition. La dernière en date est celle intervenue, le 24 novembre à la Haye, avec l’ex-chef des Jeunes patriotes, en liberté conditionnelle, Charles Blé Goudé. Dans ses échanges avec «l’ex-ministre de la Rue», tout comme avec les anciens chefs d’Etat Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Laurent Gbagbo du Front populaire ivoirien (FPI), Guillaume Soro a prêché en faveur de la réconciliation et de l’apaisement des cœurs au bord de la lagune Ebrié. Mais, à y voir de près, la démarche de l’ancien chef rebelle s’inscrit plutôt dans une dynamique de coalition tous contre Ouattara en 2020 au cas où ce dernier voudrait opérer un passage en force pour briguer un troisième mandat que certains estiment de trop. Puisque c’est au lendemain de son départ du perchoir de l’hémicycle, comparé à un tabouret, qu’il abandonne pour, dit-il, aller chercher le fauteuil présidentiel que Soro a initié ses visites avec les anciens dignitaires ivoiriens. Aussi, a-t-on remarqué, d’une sortie médiatique à une autre, le député de Ferkessédougou dans le Nord de la Côte d’Ivoire, rivalise de mots durs pour critiquer la gouvernance ADO et le régime en place. La majeure partie de ces actions d’éclat se passent à l’extérieur où Soro est en tournée depuis de longs mois, alors qu’il aurait fallu plutôt mettre l’accent sur l’intérieur avec des sorties dans les différentes régions du pays. Cette réconciliation tant souhaitée par tous sera un leurre tant que les acteurs politiques ne vont pas se départir des calculs politiciens et de leurs intérêts égoïstes pour mettre en avant l’intérêt général. L’histoire de la Côte d’Ivoire où l’on a déjà enregistré des alliances inimaginables montre que les hommes politiques sous nos cieux se moquent éperdument de la souffrance de leurs concitoyens qui baignent parfois dans une misère indescriptible. Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ont été, pendant longtemps, des «ennemis» avant un parfait amour après le soutien du PDCI à la candidature d’ADO en 2015. Depuis sa disgrâce, Bédié et Soro avaient trouvé une opportunité pour se rapprocher et envisager une candidature unique en coalition avec le FPI. Là encore, l’égoïsme a pris le dessus puisque Guillaume Soro qui se voyait comme le meilleur candidat pour défendre les couleurs de cette prétendue coalition s’est rendu compte que l’ambition présidentielle de Bédié est restée intacte, celui-ci pensant que le moment est venu de récupérer son fauteuil d’où il a été éjecté, le 24 décembre 1999. A la tête de Générations et peuples solidaires (GPS) Soro et le président du PDCI, Henri Konan Bédié, sont tous aujourd’hui, engagés dans la course pour la présidentielle de l’an prochain. Si on peut admettre que l’heure était venue pour ADO de récompenser le patron de l’ex-rébellion dont la lutte lui a permis d’accéder au pouvoir, la démarche de l’ancien patron de l’Assemblée nationale pour la réconciliation apparaît plutôt comme une opération de séduction et de recherche de sympathie auprès de l’électorat ivoirien. Sinon pourquoi attendre la veille d’une élection présidentielle à laquelle il est lui-même candidat pour demander pardon aux Ivoiriens pour «les traumatismes» et les «nombreux préjudices» subis pendant la rébellion et la crise postélectorale ? En tous les cas, la Côte d’Ivoire porte encore les stigmates de ces conflits qui ont fait basculer à jamais des vies. Il appartient aux acteurs politiques, de lui éviter une crise de trop !

Beyon Romain NEBIE
nbeyonromin@yahoo.fr

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