Coup d’Etat du MPSR : « Il est très prématuré de dégrader la note du Burkina Faso », dixit Roland Yago, PCA de Africa Global Ratings

Selon Roland Yago, le financement sur le marché financier régional est moins coûteux pour nos Etats.

Roland Yago est titulaire d’un Bachelor en économie et finances à l’université de Coventry à Londres et d’un master en ingénierie financière à l’Université de Poitiers en France. Après une riche carrière internationale dans le domaine de la finance dans des entités de renom tel que KPMG à Paris, puis un passage chez Meridiam qui est un Fonds d’investissements européen, il a décidé de rentrer au pays et de créer une agence de notation financière panafricaine basée à Ouagadougou et dénommée Africa Golbal Ratings (AGR), dont il est le Président du conseil d’administration (PCA). Cette agence est la première au Burkina et la troisième en Afrique de l’Ouest francophone. Dans cet entretien qu’il a accordé à Sidwaya, le vendredi 11 février 2022, à Ouagadougou, M. Yago revient, entre autres, sur les enjeux liés à la notation pour les économies africaines, les raisons qui l’ont amené à revenir en Afrique. Il se prononce également sur l’impact du coup d’Etat du 24 janvier sur la note du Burkina Faso et les grandes réformes à mener sous la transition en cours.

Sidwaya (S) : Sur le marché financier il est question de notation financière. A quoi renvoie cette notion ?

Roland Yago (R.Y.) : La notation consiste à analyser la solvabilité d’une organisation, c’est-à-dire de s’assurer qu’une entreprise, un Etat, une collectivité est en mesure de rembourser le capital et l’intérêt de sa dette sur le court et le long terme. Les cibles de la notation sont donc les entreprises privées commerciales, industrielles, les sociétés d’Etat, l’Etat, les collectivités.

La notation a plusieurs buts. Elle permet de mobiliser des financements sans garanties, lorsque la note se situe entre le BBB- et AAA pour l’échelle de long terme. Il faut noter que chaque agence construit son échelle de notation (court terme/long terme). Il y a des correspondances entre les échelles de notation des différentes agences. Sur le marché financier, les entités peuvent mobiliser de la ressource avec plus de flexibilité qu’en empruntant auprès des établissements financiers.

Vis-à-vis d’un établissement financier, vous vous soumettez à leurs conditions. Alors qu’avec la notation, l’émetteur (l’entité notée) peut mobiliser de la ressource au taux du marché financier, sans garanties. C’est toute la différence et l’intérêt de la notation. Pour des sociétés qui n’ont pas forcément besoin de mobiliser des ressources, la notation constitue un outil d’analyse de la qualité de la gouvernance de l’entité.

Il y a des sociétés qui génèrent d’énormes ressources. La notation vient conforter la direction générale et le conseil d’administration dans la qualité de la gestion de cette entreprise. Lorsque vous êtes notés, vous travaillerez toujours à améliorer votre note, à gravir les échelons. Si vous êtes notés « A + », vous allez chercher à être notés « AA » ; Si vous êtes notés « BBB- », vous allez chercher à être noté « BBB ».

A titre d’exemple, pour une entité qui génèrent des ressources d’un certain niveau a besoin d’avoir cet outil qui permet d’orienter sa gouvernance. A travers la notation, l’entreprise connaitra ses points faibles, saura comment travailler à maintenir ses points forts et à améliorer ses zones de défaillance. Cela permettra d’améliorer la performance de l’entreprise.

La notation constitue un instrument d’évaluation externe pour la direction générale ; pour le conseil d’administration, elle est un outil d’analyse et d’appréciation de la gouvernance. Contrairement à ce que certains dirigeants pensent, faire appel à la notation ne signifie pas donner le bâton pour se faire fouetter, mais plutôt aider l’organisation à améliorer sa gouvernance à travers des indicateurs clés de gouvernance pour la rendre performante et pérenne. Car une crise de gouvernance peut mettre l’entreprise en situation de déficit ou de défaut de paiement, voire de faillite.

Pour les collectivités, les projets, la notation permet de mobiliser des dons, des subventions. Aujourd’hui, un projet qui se fait noter est considéré comme celui qui tend à avoir une échelle de suivi, une rigueur de gestion, un benchmarking par rapport aux standards internationaux. L’institution qui se fait noter peut s’appuyer sur cela pour s’inscrire dans une dynamique de bonne gouvernance.

S : Depuis mars 2021, vous avez créé une société de notation, Africa Global Ratings (AGR). Pouvez-vous nous présenter davantage cette jeune agence panafricaine ?

R. Y. : Je précise que Africa Global Ratings (AGR) est la 3e agence de notation en Afrique francophone en termes d’années de création et non en matière de compétences, de savoir-faire, de taille, etc. AGR est une agence basée au Burkina Faso et agréee par le régulateur de l’UMOA, à savoir le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF). Africa Global Ratings a obtenu son agrément, le 26 Novembre 2021.

Outre le siège de Ouagadougou, nous avons un bureau de représentation à Singapour, en France et une filiale à Londres qui sera bientôt agréé par le régulateur Londonien, nous l’espérons. Nous avons mis toutes les chances de notre côté pour que notre agence à capitaux africains soit agréée à Londres ; ce qui fera de AGR la première agence panafricaine de notation à être agréée sur le marché européen.

Et cet agrément nous permettra d’agir sur toute la zone Europe. Ce qui permettra également à nos Etats d’avoir une meilleure analyse de la qualité de leur signature, de leur risque au crédit sur les places financières européennes. Africa Global Ratings a commencé avec un capital de 250 millions F CFA.

Elle emploie sept permanents, dispose d’un conseil d’administration dans lequel siège l’ancien gouverneur de la BCEAO, Damo Justin Baro, l’ancien ministre de la santé, Léné Sebogo, l’ancien directeur pays de la BRVM, Léopold Ouédraogo, l’ancien directeur général de BSIC Burkina, Omar Ky, l’ex-directeur général de Wend kuni Bank, Adama Sanfo, et moi-même président dudit conseil.

La mission de AGR est donc de faire la notation financière. Nous sommes aussi la première agence de notation Environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) en Afrique. Aujourd’hui, de notation ESG et la finance verte constituent des sujets majeurs du développement durable. Nous faisons également du scoring, car il y a des entreprises qui ont besoin de faire évaluer leurs fournisseurs.

Nous avons développé ce service à travers la mise en place des méthodologies qui permettent de mesurer la solvabilité et la qualité de signature de chaque fournisseur. Ce qui permet d’éviter de confier des travaux, des marchés à des fournisseurs qui ne seront pas en mesure d’honorer leurs engagements. Nous accompagnons nos partenaires nationaux, régionaux et internationaux dans la mobilisation des financements sur le marché financier régional, international.

S : En tant que jeune Burkinabè ayant eu beaucoup d’opportunités en Europe, vous avez décidé de rentrer au pays et de créer une agence de notation. Qu’est-ce qui vous a motivé à investir dans la notation financière, un secteur élitique jadis chasse gardée des sociétés occidentales ?

R. Y. : J’ai décidé de rentrer au pays pour mettre en place une agence de notation financière, car nous sommes dans un pays où l’ensemble des acteurs ont besoin de se faire financer et il y a une asymétrie d’informations entre les prêteurs et les émetteurs qui sont les entreprises souhaitant mobiliser des financements.

Il fallait donc pallier à cette asymétrie d’informations sur la réelle qualité des signatures, c’est-à-dire la solvabilité des entreprises. Toujours pour répondre à votre question, je m’appuierai sur les propos des Présidents Sénégalais, Macky Sall, et Ghanéen, Nana Akufo Addo, qui ont récemment appelé à la création d’une agence de notation panafricaine. Pourquoi cet appel ? Parce que les entreprises émettrices africaines se sont rendues compte que les agences de notation régionales panafricaines ont une meilleure connaissance et compréhension des écosystèmes économiques des pays du continent que celle situées en Occident.

Une mauvaise notation affecte le coût de la dette. Aujourd’hui, vous avez certains analystes des agences de notation occidentales qui ne savent même pas où se situent Ouagadougou, Accra, Dakar ou Bangui, mais qui vont attribuer des notes à ces pays selon leur approche des réalités africaines. Pourtant, nous n’avons pas les mêmes réalités économiques que l’Occident !

Aujourd’hui, une agence de notation occidentale va noter un pays africain selon les critères européens. Nous, qui sommes sur le continent, avons une meilleure approche des écosystèmes financiers régionaux, panafricains.

S : Clairement, l’ambition est donc une sorte d’endogénéisation de la notation, d’offrir aux économies africaines des agences de notation adaptées aux réalités du continent ?

R. Y. : C’est parfaitement cela ! Il s’agit d’offrir des agences adaptées aux réalités africaines et qui sont capables de faire valoir leurs notes sur le plan international sans pour autant être adossées aux agences de notation occidentales et de perdre toute indépendance. Ces agences ont leur manière de voir les choses qui sont totalement différentes des réalités africaines.

De par sa note, une agence de notation peut contribuer à alourdir le coût du financement d’un pays. Alors que les réalités économiques de ce pays sont à l’opposé de ce que cette agence émet comme notation. Aujourd’hui, le point focal de la notation est la notation en monnaie nationale ou régionale.

De mon point de vue, le meilleur étalon des performances de nos économies est une analyse en monnaie nationale/régionale par des acteurs nationaux qui comprennent le mieux les réalités nationales et régionales. Aujourd’hui, l’un des critères de notation de ces agences occidentales est la notation en devise étrangère.

S : Quels sont les principaux critères de notations pour les entreprises et les Etats ?

R. Y. : Il y a plusieurs méthodologies de notation selon qu’il s’agisse d’un Etat, d’une collectivité, d’un fonds de garantie, d’une entreprise industrielle, commerciale, d’un établissement financier, bancaire. Chaque secteur d’activités a donc sa méthodologie de notation.

Au niveau des Etats, on a des critères quantitatifs comme les critères macro-économiques de convergence de l’UEMOA tels l’analyse du déficit budgétaire, le taux de croissance, le taux d’endettement, la mise en place de politiques publiques, l’analyse des réformes, de la fiscalité, de la répartition du budget, de la qualité de la dette, la soutenabilité de la dette régionale, internationale.

Sur le plan des critères qualitatifs, on a par exemple le contexte social, sécuritaire. Au niveau des entreprises, les ratios de solvabilité et d’endettement, la capacité à générer des ressources, la qualité des fonds propres constituent, entre autres, les critères de notation. Aujourd’hui, avec la règlementation de Bâle 2 et 3, nous sommes dans un contexte où les entreprises doivent renforcer leurs fonds propres et répondre également à des exigences de transparence financière.

Vous êtes un épargnant auprès d’une banque, qu’est-ce qui vous garantit que cet établissement bancaire peut faire face à un risque systémique, c’est-à-dire à des retraits massifs de fonds de la moitié de ses épargnants par exemple ? Aujourd’hui, les fonds propres sont essentiels pour les banques. J’ai approché certains établissements financiers de la place qui me répondent qu’ils sont déjà suivis par la BCEAO et que c’est largement suffisant !

Ce qui n’est pas vrai. La circulaire N°001-2020 instituant le plan préventif de redressement des établissements assujettis au contrôle de la commission bancaire instruit la notation des holdings bancaires. La nouvelle règlementation Bâle 2 et Bâle 3 exige un renforcement des fonds propres ! Très peu de banques, surtout dans un contexte difficile de COVID-19, seront à même de réinjecter des fonds propres ; l’alternative qui reste est de faire des augmentations de capital par le marché financier.

S : Sur le marché financier, il est de plus en plus question de notation environnementale, de quoi s’agit-il ?

R. Y. : La notation environnementale vise à analyser l’impact environnemental d’une entité. Elle vise également à évaluer sa Responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) et ses atteintes des objectifs du développement durable. Quel est son impact sur l’environnement ? Aujourd’hui, nous sommes dans un processus de décarbonisation de la chaine d’approvisionnement des entreprises.

Pour certaines entreprises, la notation environnementale permet de mobiliser des financements verts. Elle permet également aux entreprises de pouvoir analyser leur RSE, à travers un évaluateur externe suivant sa méthodologie de notation qui est alignée aux standards internationaux et appliquée au contexte régional.

S : Quel est le rôle de la notation dans une économie comme celle du Burkina Faso, voire de la sous-région ?

R. Y. : La notation a un rôle éminemment essentiel. Elle constitue un outil majeur de mobilisation de ressources et de reprofilage de la dette au profit des entreprises, des collectivités et des Etats. Les entreprises ont des besoins importants voire criants de financements pour des projets structurants.

Aujourd’hui, l’un des principaux problèmes qu’elles rencontrent lorsqu’elles veulent mobilier des ressources est souvent le coût du financement. On demande aux entreprises de mobiliser des garanties pour pouvoir lever ces financements. Vous avez besoin de 10 milliards F CFA pour financer un projet, on vous demande 10 milliards F CFA de garantie, voire 15 milliards ! Alors que, lorsque vous vous faites noter, vous n’avez plus besoin de présenter des garanties.

Vous pouvez donc lever des fonds au taux du marché notamment de 6.5% et au maximum 7% net. Ce qui est énormément avantageux !

S : En tant que spécialiste du domaine, avez-vous le sentiment que sous nos tropiques, on perçoit bien cet enjeu lié à la notation dans nos économies ?

R. Y. : Ce qui est bien dommage est que les acteurs n’ont pas encore compris l’importance de la notation financière ! Pour certains, la notation n’est faite que pour des entreprises cotées en bourses. Pourtant, il y a des entreprises qui ne sont pas cotées mais qui se font noter et arrivent à mobiliser des financements importants sur le marché financier régional.

C’est le cas du Groupe Teyliom de Yerim Sow, qui a pu mobiliser 20 milliards sans garanties, grâce à sa notation. Aujourd’hui, il y a des entreprises au Burkina Faso qui, par la qualité de leur gestion, sont capables de mobiliser des ressources sur le marché financier, mais elles n’ont pas cette information qu’elles peuvent le faire sans garanties grâce à la notation !

S : A qui la faute de cette absence de culture en matière de notation ?

R. Y. : Je ne saurais attribuer la faute à quelqu’un !

S : Peut-être que l’Etat a failli à sa mission de sensibilisation, de formation des acteurs économiques sur l’importance de la notation financière…

R. Y. : Vous savez que l’Etat a ses propres problèmes. Je ne pense qu’il faille forcément attribuer la responsabilité de cette situation à l’Etat.

Car aujourd’hui, tout dirigeant, privé ou public, doit chercher les mécanismes de financements innovants, lui permettant de mobiliser moins cher de l’argent. Rien que la semaine dernière, une institution financière internationale a levé des ressources sur le marché financier international à un taux de 1,45%.

C’est la preuve que l’on peut avoir des financements moins chers si l’on se donne les moyens ! Je trouve que les eurobonds nous coûtent très cher. Le financement sur le marché régional est moins coûteux pour nos Etats. Pour les eurobonds, il y a des charges assez lourdes liées aux frais de syndication, d’avocats, aux swaps de taux d’intérêts, aux effets de change. On parle d’eurobond mais la levée est libellée en dollars.

S : Mais est-ce que cela n’est pas lié à la capacité du marché régional à couvrir les besoins de financement des Etats ?

R. Y. : Je dirais oui et non. Car aujourd’hui, par mois, les Etats mobilisent des ressources sur le marché régional, soit par adjudication, soit par appel public à épargne. Pour moi, le marché financier régional est en mesure de répondre annuellement aux besoins de financement de nos Etats qui n’ont pas forcément besoin d’aller sur des marchés financiers où leurs réalités économiques sont biaisées !

S : Est-ce à dire que pour le financement du PNDES, l’Etat n’avait pas besoin d’aller chercher des financements en Occident ?

R. Y. : Non, il ne s’agit pas de la même chose. Pour le PNDES, il s’agit de projets qui ont été soumis à des bailleurs, avec certains projets destinés à des investisseurs privés. Certains de ces projets sont en Partenariat public-privé (PPP). Cela constitue en même temps une invite pour nos chefs d’entreprises à monter en puissance, en qualité de structuration financière et d’exécution de travaux de sorte à pouvoir rivaliser avec ces entreprises étrangères.

Nous avons déjà des capitaines d’industrie dans les secteurs financiers, du BTP, de l’assurance. Mais il y a une réelle difficulté pour les entreprises burkinabè de développer des projets structurants et de les faire financer en PPP. Je profite pour inviter l’Etat à mettre très rapidement un véritable choc de simplification de la mise en œuvre des PPP. Car beaucoup n’ont pas encore compris le sens du PPP !

S : Mais il y a aussi des critiques dénonçant les PPP comme étant un mode de financement inefficace, non adapté à nos réalités économiques…

R. Y. : Mais c’est adapter à quelle économie ? il faudrait que l’on comprenne la logique des PPP. Le PPP allège la charge de la dépense publique pour l’Etat. A titre d’exemple, l’Etat a besoin de construire une route qui coûte 200 milliards F CFA. Cela signifie qu’il faut ponctionner la totalité ou une partie de ce montant sur le budget de l’Etat.

Est-ce que dans notre contexte actuel, il est indiqué de mettre tout d’un coup 200 milliards F CFA dans un projet ? Dans le cadre du PPP, une entreprise privée accepte de porter le risque du projet et mobilise des financements pour l’exécuter et de se faire payer par échelonnement sur cinq, dix ans ! Ce qui permet de payer 200 milliards en cinq ou dix ans, au lieu de le faire en une année !

Cela donne un certain souffle au budget de l’Etat et permet à l’autorité de déployer cette autre quotité du budget sur d’autres projets, engagements. Prenant le cas de la cité Diamniadio au Sénégal, tous les contrats sont en PPP. Cela signifie que l’Etat ne prend plus de risques mais les transfère aux entreprises privées qui ont la charge d’aller chercher les ressources pour mener à bien l’infrastructure.

Nos Etats ont besoin d’infrastructures mais n’ont pas suffisamment de ressources pour faire face à ce besoin ! Aujourd’hui, l’on dit que Dakar a changé, mais c’est le fruit des PPP ! A Abidjan, le 3e pont a été réalisé en PPP Le PPP permet à l’Etat de réorienter son budget sur d’autres priorités. Aujourd’hui, au Burkina Faso, le budget de la défense/sécurité est de l’orde de 415 milliards !

En même temps, il faut construire des infrastructures routières, des écoles, des universités, des centres de santé, etc. ! On peut même construire ces centres de santé, ces universités en PPP ! Une entreprise qui a un contrat en PPP pour la réalisation d’une infrastructure de 15 milliards F CFA peut, grâce à la notation, mobiliser des financements au taux du marché de 6,5 % sans garantie.

S : Est-ce qu’un évènement politique comme le coup d’Etat survenu au Burkina Faso peut avoir un impact négatif sur la note du pays ?

R. Y. : Je ne le pense pas, car il est trop prématuré de vouloir dégrader la note du Burkina. Le pays a été noté dans la catégorie de défaut de paiement par une agence étrangère ! Alors qu’il n’a été que simplement suspendu des instances sous-régionales et sans aucune sanction financière ! Cela signifie que le système financier fonctionne ; la preuve, le Burkina Faso a lancé un emprunt obligataire la semaine dernière qui a été sursouscrit !

Ce qui montre la confiance des investisseurs au Burkina Faso. Le budget de l’Etat 2022 qui est de l’ordre de 2 350 milliards F CFA continue d’être exécuté, sauf la commande publique qui a été suspendue le temps que les nouvelles autorités prennent fonction et que le nouveau gouvernement soit mis en place ; ce qui se comprend aisément, car il faut une autorité à la tête de chaque département ministériel !

Les différentes régies, la douane, le trésor public, les impôts fonctionnent ! Les réserves de change de l’Etat burkinabè n’ont pas été altérées ! Tout cela réuni, conduit à dire qu’il est prématuré de dégrader la note du Burkina Faso.

Roland Yago, PCA de Africa Global Ratings :« Les agences de notation régionales panafricaines ont une meilleure connaissance, compréhension des écosystèmes économiques des pays du continent »

S : Autrement dit, ce qui se dit dans les médias ou sur les réseaux sociaux que le Burkina est au bord du défaut de paiement n’est donc pas réaliste…

R. Y. : Ce n’est pas réaliste ! C’est certainement l’anticipation des sanctions financières qui a conduit à cette dégradation de la note du pays, mais elle ne reflète pas la réalité ! On ne peut pas être dans un pays étranger, suivre les médias internationaux et prétendre connaitre la réalité du Burkina Faso ! Quand vous demandez à ces analystes internationaux où se trouve Bobo-Dioulasso, ils ne peuvent pas vous répondre ! Alors qu’ils contribuent à dégrader la note du pays !

Avec cette notation, si le Burkina Faso veut aller mobiliser des financements sur le marché financier international, il doit le faire à un taux de l’ordre de 8% sans frais financiers. Car, pour certains investisseurs internationaux, le Burkina Faso est aujourd’hui un pays trop risqué ! Alors que les Burkinabè continuent d’investir dans leur pays ! D’où, encore une fois de plus, l’intérêt pour nos Etats de confier la notation à des agences régionales et de les accompagner à devenir un maillon fort sur le continent comme les présidents Macky Sall et Nana Akufo Addo ont appelé à l’édification d’une agence de notation panafricaine.

Notre agence, AGR, est résolument panafricaine, nos capitaux sont panafricains ! Nos collaborateurs viennent des agences internationales, ont étudié, travaillé à l’international ; nous n’avons donc rien à envier aux autres agences de notation ! Nous faisons simplement notre petit bonhomme de chemin et on y arrivera !

S : Comment se porte le marché de la notation financière dans la sous-région ?

R. Y. : Le marché de la notation se développe. Car il y a des sociétés cotées qui ont besoin de se faire noter ; il y a aussi des sociétés qui sont de plus en plus éduquées à mobiliser de la ressource. Ces entreprises se rendent compte que la notation constitue le meilleur étalon pour mobiliser des financements sans garantie.

Je profite lancer un appel aux populations à aller toujours vers les établissements financiers agréés par le conseil régional de l’épargne public et des marchés financiers, vers des établissements agréés par le ministère de l’économie et des finances et la BCEAO. Il y a des épargnants qui se retrouvent aujourd’hui lésés par des sociétés sans agréments qui fonctionnent par le système de Ponzi !

S : Que faire pour qu’il y ait une meilleure culture de la notation ?

R. Y. : Il faut un choc de simplification administrative. Car l’Etat ne va pas toujours continuer à s’endetter par la suite rétrocéder aux entreprises publiques. Dans quelques années, ces entreprises publiques vont avoir leur propre autonomie de gestion, devront avoir un équilibre budgétaire et être excédentaire. Aujourd’hui, il y a des entreprises publiques qui vivent sur la perfusion de l’Etat ; ce qui donne libre recours à divers éléments de gestion, allant jusqu’aux fautes de gestion.

Je profite donner ma réflexion personnelle sur ce communiqué du MPSR invitant chaque ministère à donner trois noms de cadres compétents et intègres. Pour faire de belles réformes, il faut un mixte ! A titre d’exemple, pour une réforme dans le domaine juridique, il faut certes des universitaires mais aussi des praticiens du droit comme des magistrats de carrière, des avocats, des notaires, etc.

Dans les grandes réformes à venir, il ne faut pas oublier le secteur privé ! Il faut donc un mixte, une convergence de tous les acteurs publics et privés des secteurs financiers, des transports, des infrastructures, de la santé, agricole, etc. Je formule cette recommandation pour qu’il y ait par secteur, trois agents du public, trois du privé ; de sorte que l’on puisse réaliser de belles réformes historiques pour les 50 prochaines années, pour plus de synergie dans les résultats !

Nous sommes dans un pays où les ressources sont disponibles, il faut simplement savoir aller les chercher ! Nous ne sommes pas dans une logique de tout privatiser ! Il y a des sociétés privées où l’Etat détient des participations. L’Etat peut également amener certaines entreprises privées à ouvrir leurs capitaux à l’actionnariat populaire, de sorte à ce que chaque Burkinabè puisse bénéficier des fruits que génèrent ces entreprises.

C’est très important, notamment dans le secteur minier ! Car, lorsque ces sociétés minières seront en fin d’exploitation dans 10 -15 ans, quel serait l’impact sur l’environnement, sur le sol ! C’est cela aussi la notation environnementale.

Interview réalisée par Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

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