Daouda Kirakoya, directeur général des impôts : « L’engagement des gouvernants est important pour la redevabilité et la transparence »

Le DGI, Daouda Kirakoya : « le problème de réseau internet fait que nous ne pouvons pas avancer dans la digitalisation ».

La Direction générale des impôts (DGI) est un maillon capital de la chaîne de financement de l’économie burkinabè qui se distingue dans le recouvrement des taxes et d’autres impôts. Son Directeur général, Daouda Kirakoya qui occupe ce poste prestigieux depuis avril 2022 revient, entre autres, sur les mesures fiscales nouvelles pour le budget de l’Etat, exercice 2023. Il évoque également, dans cet entretien, la rentrée fiscale et le mois de l’exemplarité fiscale qui se situe entre le 11 janvier et le 10 février 2023.

Sidwaya (S) : On vous sait un spécialiste des impôts et premier responsable de la Direction générale des impôts (DGI) depuis avril 2022. Pour permettre au public de vous connaître davantage, déclinez-nous votre parcours.

Daouda Kirakoya (D.K.) : En tant que directeur général des impôts du Burkina Faso, je voudrais d’abord rendre hommage à l’un de nos parents, feu El hadj Inoussa Maïga, ancien ministre en charge des finances du Burkina Faso, directeur général de la BICIA-B et de la SOSUCO. C’est lui qui a fait construire l’école primaire de Rimassa dans le Loroum où les premiers élèves, dont je faisais partie, ont fréquenté. Ma vocation à l’université, à Ouagadougou, était les études en environnement.

Car, déjà au lycée, j’étais admis aux activités des agents des eaux et forêts. Je salue particulièrement l’un de mes collaborateurs avec qui on faisait des patrouilles dans le cadre des trois luttes (ndlr, lutte contre la coupe abusive du bois-lutte contre les feux de brousse-lutte contre la divagation des animaux). Le soir, quand je quittais le lycée, j’embarquais sur sa moto (Yamaha 100) en mettant en bandoulière la kalachnikov pour aller poursuivre ceux qui coupaient abusivement le bois dans la brousse.

Et le coup d’Etat tragique de 1987 est arrivé, je l’ai trouvé très triste. Et après, je suis venu à l’université. J’ai fait le concours des eaux et forêts et j’étais très sûr d’être admis au regard des sujets de mathématiques et de français qui étaient très abordables. Mais, à ma grande surprise, les résultats ont été affichés sur une feuille volante manuscrite au commandement des eaux et forêts près du parc urbain Bangr-Weogo, sans mon nom. Ce jour-là, j’étais découragé et j’ai dit : « Ces gens-là ! » (Rires). J’aimais bien la Santé également, mais certains parents ont opposé leur refus.

Malgré tout, j’ai fait la Santé sans achever toutes les épreuves, car je me disais que ce n’est pas la peine d’aller jusqu’au bout et cela va me causer un embarras. A l’université, j’ai étudié la Géographie. J’ai passé aussi le concours de l’ENAREF cycle C parce que j’aimais le recouvrement et je suis né dans un milieu commerçant où j’ai exercé le commerce pendant plus de 15 ans avec mes parents. Auparavant quand je partais rendre visite à mon oncle à Dassasgho, je voyais la construction de l’ENAREF.

Et j’ai dit que j’y viendrai fréquenter (Rires). Un jour, étant chez mon oncle, sa femme m’informa que j’étais admis au concours de l’ENAREF. Quand je rendais visite à M. Maïga, il m’appelait chaque fois « Inspecteur » pour me motiver. Je me suis réinscrit parallèlement en Droit où j’ai eu la Maîtrise avant d’être inspecteur des finances en passant par le cycle B puis le cycle A de l’ENAREF.

Malheureusement, une année juste avant la fin de la formation en cycle A, M. Maïga est décédé. Je lui rends hommage parce qu’il y a des gens dans la vie qui influent sur la trajectoire des autres en ayant des pensées positives et des encouragements. J’ai poursuivi dans le monde professionnel et renoué avec les masters. Parallèlement, j’ai été secrétaire général adjoint de notre syndicat.

C’était la grande bagarre parce que les gens ont voulu que je sois secrétaire général. Mais, on a géré jusqu’à ce qu’on passe la main. Par concours de circonstances, les gens ont encore voulu que je sois directeur général des impôts. Je n’ai pas eu le choix, car c’est un engagement pour ma patrie. C’est pourquoi, je salue ma famille qui a compris et accepté que je puisse contribuer à la tête de la Direction générale des impôts. Pour le temps que je ferai, j’essayerai d’apporter ma contribution pour ma patrie. Les autres vont continuer. La responsabilité n’est pas une fin en soi. C’est juste une opportunité de contribuer et de faire passer une certaine vision. C’est cela tout l’intérêt.

S : Vous arrivez à la tête de l’institution avec des innovations dans une sorte de continuité. Parlant de continuité, on a assisté à votre rentrée fiscale 2023 qui est une tradition. C’est la VIIIe édition. Concrètement pour le public, quel sens donnez-vous à la rentrée fiscale ?

D.K. : La portée symbolique est que quand on veut amorcer une nouvelle année, il y a forcément l’annonce de l’année. Vous savez que dans la tradition, lorsqu’on entame une nouvelle année, le roi ou le chef donne des orientations. Au niveau de l’administration fiscale, nous nous sommes dit que qu’est-ce que nous prenons comme engagements pour atteindre nos objectifs ? Sur quoi, nous voulons travailler tout au long de l’année pour améliorer davantage nos performances ?

C’est ainsi que nous avons retenu la rentrée fiscale pour lancer nos activités. Au fur et à mesure, nous avons associé à la rentrée fiscale, le thème de l’année fiscale. Ce qui explique que chaque année, nous choisissons un thème. En 2022, c’était le « Contrôle interne ». Ce thème nous a permis d’avoir plusieurs enseignements parce que nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des défaillances internes que nous ne remarquions pas. Car, il y a des pratiques anormales qui se faisaient et induisaient aussi les nouveaux agents en erreur. Cette année, on s’est dit que le pays est dans une situation très difficile.

Nous pensons que nous devons aussi être des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Et notre engagement est de faire en sorte que l’Etat puisse avoir les ressources pour mettre en œuvre les actions. Car l’administration fiscale doit être citoyenne et ne dépend pas de l’autorité politique. L’administration fiscale doit travailler pour le peuple et l’Etat. L’on a souvent accusé la Direction générale des impôts de soutenir tel ou tel pouvoir. Nous avons rejeté cet argumentaire parce que nous avons été recrutés comme des agents publics avec pour mission de faire rentrer l’argent dans les caisses de l’Etat.

Peu importe le gouvernement en place, notre crédo est de travailler à mobiliser les ressources financières. Nous resterons dans cette dynamique. Aujourd’hui, nous n’avons plus l’appui des Partenaires techniques et financiers (PTF) de même que les appels que nous faisons sur les marchés financiers. Il n’y a plus de facilités y relatives comme avant. Cela veut dire que si vous êtes dans une situation difficile, vos partenaires ne peuvent plus vous appuyer dans des conditions souples. Les risques sont élevés.

Et, le gouvernement a dit de faire en sorte de financer nos actions par nos propres impôts et taxes. C’est pourquoi, en 2022, quand on a atteint nos objectifs en novembre, nous avons continué de travailler au point que nous avons fait un surplus de 100 milliards FCFA qui ne sont pas suffisants au regard des priorités. En temps normal, ce que nous avons fait aurait pu nous rendre tranquilles. Mais, compte tenu de la situation nationale, cela se révèle insuffisant. Nous avons encore besoin de ressources.

Donc, cette année, nous avons opté pour un thème (ndlr, Ensemble, boostons le civisme fiscal) qui doit rassembler et canaliser toutes les énergies pour améliorer les recettes fiscales en vue de permettre au gouvernement de mettre en œuvre ses priorités qui sont celles de la Transition. Vous savez que même dans cette situation, si on reconquiert le territoire, il faut construire des barrages, installer les gens et produire. Il faut également des routes. Donc, les besoins sont énormes. Ce n’est pas une raison de ne pas semer par exemple sinon, au bout du compte, on n’aura pas de récoltes.

Et les récoltes, c’est la reconquête du territoire et le financement de la sécurité et des actions de développement. Vous avez vu que malgré que des entrepreneurs aient dit qu’il n’y a pas de travail, le gouvernement a lancé des marchés publics. Il faut qu’on contribue au fonctionnement de l’économie et récolter des fruits meilleurs pour encore la relancer. Dans les zones à fort défi sécuritaire, par exemple, il y a des écoles et des centres de santé que l’Etat construit ainsi que de la nourriture qu’il distribue, constituant la redistribution du produit de l’impôt. Donc, ce qui veut dire que nous devons nous mettre ensemble.

C’est pourquoi le gouvernement a donné l’exemple en contrôlant les services publics, à savoir la Présidence, la Primature, le Médiateur du Faso, l’Assemblée législative de Transition, les Etablissements publics de l’Etat, la Commission électorale nationale indépendante, les entreprises de presse, etc., pour appeler tout le monde à contribuer. Les populations ont commencé à comprendre. Au-delà de l’Etat, il y a les leaders d’opinion qui sont les plus écoutés. Ce sont les chefs religieux et coutumiers, les présidents de partis politiques, etc. Donc, tous ces gens veulent le développement socioéconomique du pays qui doit passer par les impôts.

Nous nous sommes dit que ces groupes sont mieux indiqués pour faire passer le message. Nous avons déjà eu une communication avec la Fédération des églises et missions évangéliques (FEME) lors de leurs journées ainsi que le Cercle d’études, de recherches et de formation islamiques (CERFI) qui ont évoqué le paiement des impôts. Socialement, on s’est dit que si les chefs coutumiers à l’image du Mogho Naaba Baongho portent un message, cela sera bien reçu.

Si, par exemple, les commerçants de Rood-Wook ou du « 10 Yaar » refusent de payer les impôts, la fermeture de ces marchés ne sera pas du goût du Mogho Naaba Baongho. Car, pour un chef, l’on ne doit pas fermer le marché tant qu’il est vivant. Donc, en faisant passer le message par le chef, les gens vont comprendre. C’est comme si quelqu’un décède et les membres de sa famille demandent à savoir s’il ne devait pas à quelqu’un pour que la famille se mobilise pour payer.

Dans ces conditions, des individus à qui il doit peuvent décider de laisser tomber la dette. C’est le cas où le défunt doit à des individus. Mais, à l’échelle nationale, si quelqu’un doit, par exemple, 1 000 FCFA d’impôt à l’Etat, il le doit à tous les Burkinabè. Et si vous mourez et qu’il y a une justice divine, on va dire que vous devez à 25 millions de personnes. Il y a des gens qui n’en feront pas un problème, mais nous autres, nous dirons de payer (Rires).

Pour le DGI, Daouda Kirakoya, les contribuables doivent changer de mentalité.

S : Lors de votre rentrée fiscale, des mesures fiscales nouvelles pour le budget de l’Etat, exercice 2023, ont été dévoilées. Pouvez-vous revenir sur ces mesures ?

D.K. : Il faut dire qu’il y a des mesures très audacieuses que l’Assemblée législative de Transition a adoptées. Parmi ces mesures phares, nous avons le quitus fiscal que le Bénin a adopté pour les élections. Au Burkina Faso, l’Assemblée a étendu le quitus fiscal à l’ensemble des postes électifs, consulaires et de nomination. Cela veut dire que le président du Faso, les membres du gouvernement, les présidents d’institutions, les directeurs et tous ceux qui sont nommés en conseil des ministres doivent produire le quitus fiscal.

Celui qui veut être candidat à la mairie et à la députation, il faut qu’il produise le quitus fiscal. Car, si ce dernier veut diriger et ne veut pas payer l’impôt, il y a problème. Le ministre qui reçoit l’argent des contribuables pour exécuter des marchés publics, inaugurer des infrastructures, etc., il faut qu’il donne l’exemple en payant. Si vous êtes décorés, il faut que vous montriez sur le plan fiscal, que vous êtes un bon citoyen.

Si l’on reconnaît vos mérites dans le travail, il y a aussi ce pan de la citoyenneté. Il y a, en outre, la contribution des citoyens lambda qui ont des motos et des tricycles. C’est la Taxe sur les véhicules à moteur (TVM). Quand on regarde le Burkina Faso, c’est un pays de cycles. Avant, la richesse de quelqu’un se mesurait au nombre d’enfants. Mais, de nos jours, on regarde au village si tu as une charrette ou charrue.

En ville, celui qui a une moto semble être le plus aisé que celui qui marche à pied. Et il y a des motos qui coûtent plus cher que des véhicules. Si celui qui a sa vieille Mercedes de 30 ans paye, celui aussi qui a sa moto de deux à trois millions FCFA doit payer. Donc, il y a un problème de justice fiscale que l’on veut résoudre. Pour éviter les désagréments avec la police et les agents des impôts, lors des contrôles, la TVM est payée lors de l’immatriculation de la moto.

L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a prévu des droits d’assises qui permettent d’augmenter des fourchettes pour avoir des ressources. C’est l’exemple des impôts sur le tabac, les boissons et les produits cosmétiques que nous avons ajustés sans atteindre le plafond, mais selon des fourchettes pour avoir plus d’impôt. Il y a des mesures de facilitation. Voilà un problème qui existait depuis longtemps.

Si vous n’êtes pas un contribuable immatriculé correctement, vous faites une prestation de service, comme les femmes qui font du nettoyage ou vous êtes manœuvre, la loi a prévu 25%. Par exemple, si tu travailles à 100 000 FCFA, tu dois à l’Etat 25 000 FCFA et tu gardes les 75 000 FCFA. C’est démotivant et compliqué. Nous avons décidé que pour ce cas, ce serait 2%. Car, ce qui n’est pas bon, c’est de mettre les gens à l’écart de la contribution. C’est comme dans une famille, il y a des gens qui sont riches. Par exemple, le dernier des petits frères, riche est attendu, car c’est lui qui commande la famille.

Si c’est ce dernier qui doit seulement contribuer, c’est très frustrant. Parce que même si celui qui n’a pas les moyens contribue, il a aussi son mot à dire. Il n’y a pas un seul Burkinabè qui ne soit pas patriote. Mais, maintenant, les gens regardent leurs poches, s’ils en sont capables.

S : Les gens ont souvent tendance à être réticents parce qu’ils ne savent pas réellement où vont leurs contributions. Qu’en dites-vous ?

D.K. : Justement, cela est un élément fondamental. C’est pourquoi on a dit : « Ensemble, boostons le civisme fiscal ». C’est ce qu’on disait aux acteurs de l’économie informelle. En réalité, le problème de redevabilité se pose. Aujourd’hui, comme je l’ai dit tantôt, des gens diront, lors d’une inauguration, par exemple, d’une infrastructure, que c’est le président ou le ministre qui l’a construite.

C’est archifaux. On doit dire que c’est le fruit des efforts des citoyens burkinabè. Quand, par exemple, le Japon nous fait des dons, c’est estampillé « Don du peuple japonais ». Si ce sont les Etats-Unis, on inscrit « Financé par le peuple américain ». Car, ils savent que ce n’est pas le gouvernement qui a octroyé, mais les impôts du peuple. Mais, nous, nous disons qu’il faut contribuer et demander des comptes.

Tant qu’on ne le fera pas, on sera toujours dans la frustration. C’est le cas des mosquées et des églises où les quêtes leur permettent de ne pas être délabrées. Aujourd’hui, il y en a qui jouent le jeu de la transparence en indiquant la quête initiale, celle du jour et la solde. Donc, les citoyens doivent s’organiser pour demander des comptes aux gouvernants. C’est pourquoi, on a mis en place la décentralisation et les comptes doivent être demandés aux mairies, aux conseils régionaux et aux ministères.

C’est ce que l’Assemblée fait, mais ne va pas en profondeur souvent. Aujourd’hui, toute la polémique sur le soutien à la guerre tourne autour du manque de confiance des gouvernés vis-à-vis des gouvernants. Il faut qu’on communique pour dire qu’est-ce qu’on fait avec l’argent. C’est pour cela, nous communiquons pour dire combien, nous avons recouvré. L’engagement des gouvernants est important pour la redevabilité et la transparence.

S : Donc, l’élargissement de l’assiette fiscale en cours, est-ce vraiment l’esprit de solidarité, d’indépendance pour réparer une injustice fiscale ?

D.K. : Tout à fait. L’élargissement de l’assiette fiscale, c’est faire en sorte que chacun puisse payer ce qu’il doit payer. Cela permet de répartir la charge équitablement, c’est-à-dire, chacun, selon ses forces. Si l’on ne procède pas comme cela, on fera face à des niches fiscales, dans notre jargon, où des gens ont des revenus et ils ne payent pas ou bien ils ont abandonné même l’activité. Aujourd’hui, on est en train de dire que la voie de contournement a mobilisé beaucoup d’argent.

Effectivement, l’Etat y a mis des milliards FCFA, mais, pour le moment, il n’a rien gagné. Les citoyens qui sont aux abords de la voie de contournement se sont enrichis. Les gens ont vendu l’hectare à près de quatre millions FCFA à 50 millions FCFA. On a réalisé la voie avec l’argent du contribuable. Celui qui a pris les 50 millions l’hectare n’a rien payé à l’Etat. Il y a des gens qui sont des propriétaires terriens, mais il y en a qui ont acheté le terrain à 100 000 FCFA l’hectare et l’ont revendu à 20 millions FCFA, voire 30 millions FCFA l’hectare. Ils se sont enrichis, mais l’Etat n’a rien eu.

Cela, par exemple, dénote des limites fiscales. Quand on regarde, celui-là qui a cinq hectares et qui a revendu à 20 millions FCFA l’hectare, ne va rien payer. Alors que celui qui travaille tous les jours, qui achète, revend et qui ne peut pas avoir un bénéfice d’un million dans l’année, va payer. C’est une injustice. La sensibilisation doit concerner toutes les composantes c’est-à-dire les contribuables et leurs faitières, sur la base d’un processus participatif. Notre sensibilisation est de faire comprendre aux gens, ce qu’il faut faire.

Nous allons utiliser tous les canaux possibles surtout les médias, les influenceurs, les religieux. Ensuite, notre grande partition, c’est de faire en sorte que celui qui veut payer l’impôt n’ait pas trop de contraintes à le faire. Aujourd’hui, par exemple avec la taxe de résidence, on s’est rendu compte que pour payer sa taxe de résidence, il faut aller au

Le DGI, Daouda Kirakoya : « le problème de réseau internet fait que nous ne pouvons pas avancer dans la digitalisation ».

centre-ville, payer le parking et remplir une fiche. S’il se trouve que vous avez oublié une information, il faut repartir à la maison chercher puis revenir compléter.

Vous arrivez et l’agent qui est là vous dit d’attendre. Au cas où vous ne pouvez pas attendre, vous allez repartir faire vos courses et revenir payer le parking à nouveau. Quand vous allez prendre la fiche, vous allez trouver que la caisse est déjà fermée. Regardez par exemple les tracasseries que vous avez subies pour payer. Si ce n’est pas parce que vous avez besoin du papier je ne pense pas que vous alliez payer.

L’administration doit faciliter la vie au contribuable. Nous devons mettre en place une organisation qui est adaptée et aussi un dispositif technique de telle sorte que les gens payent facilement. A ce niveau, la seule contrainte que nous avons aujourd’hui est le problème de réseau, un problème national qui dépasse la DGI. Ce qui fait qu’on ne peut pas avancer beaucoup dans la digitalisation. Mais, si nous avions un bon réseau, nous ferons en sorte que les gens soient à l’aise.

Pour la taxe de résidence, nous envisageons créer un numéro WhatsApp à partir duquel, on envoie la fiche à remplir. L’agent qui est au bureau fait l’imposition et vous renvoie votre fiche. Nous pouvons nous organiser faire le paiement par Orange money. Mais, s’il y a un problème de réseau, le processus n’aboutit pas facilement. En cas de défaillance, il faut reprendre sinon on dira que tu n’as pas payé. Il faut qu’on facilite et techniquement, on parle de chirurgie de portefeuille.

C’est douloureux de payer les impôts. Tu arrives encore pour payer et celui qui est assis se fait roi. Il ne te respecte pas, ne t’accueille pas bien et transpose ses problèmes au service. Toi-même, tu sais pertinemment que c’est parce que tu paies qu’on paye son salaire, malgré tout, il te traite ainsi.

Ce n’est pas encourageant et il faut qu’on change de mentalité pour travailler avec le contribuable. On n’ignore comment la personne a fait pour avoir les 100 000 FCFA, par exemple, pour venir payer. Si, par exemple, tu dois 10 millions à l’Etat et tu viens avec 10 000 FCFA pour payer, il faut qu’on considère les 10 000 FCFA et on te considère également parce qu’on ne sait pas comment tu as fait pour avoir les 10 000 FCFA.

S : Dans la dynamique de la sensibilisation, vous voulez intégrer les langues nationales…

D.K. : Tout à fait ! Et comme je vous l’ai dit, en 2022, nous avons tiré beaucoup d’enseignements. Vraiment, on a été très résilient. Vous voyez, par exemple, dans toute la région de l’Est, nos services ont fermé et tout le monde s’est retrouvé à Fada, le chef-lieu de région. Donc, si vous prenez la région de l’Est et comme toutes les régions du Burkina Faso, vous avez plus de 70% ou 80% des populations qui parlent les langues nationales.

Et qu’est-ce que nos agents ont fait ? Ils n’ont fait qu’expliquer, dans les langues nationales, le bien-fondé des impôts, c’est-à-dire aller parler aux gens chez eux en langues nationales. Moi je viens chez vous, je ne dis pas bonjour, comment ça va ? Je viens pour réclamer les impôts, non ! Ce n’est pas traditionnel et nous avons pris des valeurs qui ne sont pas les nôtres. Quand tu arrives chez quelqu’un, il faut le saluer et se renseigner sur sa famille et ses affaires. Quand on le dit en Français, cela n’a pas la même valeur que si c’était en San, par exemple. Mais, si c’est « nul n’est censé ignorer la loi » qui est en français, c’est compliqué (Rires).

S : Vous avez été résilients en 2022 et vous êtes allés au-delà des prévisions. Que faut-il retenir en termes de recouvrement des impôts ?

D.K. : Les recouvrements pour 2022 sont autour de 1 245 milliards FCFA de façon globale. Il y a trois types de budgets que nous alimentons : le budget de l’Etat, des collectivités territoriales à savoir les mairies et celui des régions. Là, aussi les conseils nous assignent un objectif. Donc, au niveau de l’Etat, c’est l’Assemblée, au niveau des mairies c’est le Conseil municipal et au niveau des régions c’est le Conseil régional.

On nous fixe des objectifs et on met tout cela ensemble. Et il y a le budget spécifique qui n’est pas compté ici. Vous voyez, par exemple, qu’on mobilise de l’argent pour soutenir le sport. Il y a des contributions qu’on mobilise parce c’est une répartition de la recette. Donc, on nous a assigné les 1 245 milliards FCFA que nous avons recouvré sur un montant global de 1 148,30 milliards FCFA. Pour le budget de l’Etat, ce sont 1 215 milliards FCFA et 39 milliards FCFA que nous avons recouvré pour les communes et les régions en 2022.

S : Avec ces innovations que vous avez énoncées, à quoi peut-on s’attendre en 2023 comme recouvrement ?

D.K. : On nous demande plus en 2023. Nous n’avons pas encore ce que les communes et les régions vont nous assignés parce que cela se fait dans les collectivités et ensuite, on centralise. Ils sont en train de centraliser et certainement on aura une idée. Mais, ce qui est sûr, ce ne sera pas moins de 40 à 50 milliards FCFA encore. Au niveau du budget de l’Etat, c’est l’Assemblée qui a voté et ce sont 1 280 milliards FCFA.

Les députés nous ont dit que cela est provisoire parce qu’ils vont ajuster au cours de l’année. Nous avons en tout cas du boulot, mais c’est notre partition. Nous avons la chance d’être en vie et de pouvoir toujours vaquer à nos occupations. Donc, c’est de notre devoir de faire rentrer l’argent pour que d’autres personnes puissent être en paix, faire leurs affaires tranquillement et investir pour le pays. C’est pour cela d’ailleurs que nous nous sommes engagés dans la Fonction publique et nous sommes payés pour cela.

S : L’on peut comprendre que c’est dans cet esprit de cohésion et de civisme fiscal que vous avez innové avec le mois de l’exemplarité. Quel est son contenu ?

D.K. : Le mois de l’exemplarité, justement, c’est dans la même lancée. C’est pour qu’ensemble nous puissions travailler de sorte que l’Etat puisse avoir des ressources pour mener sa politique. On a instauré ce mois pour qu’un certain nombre de personnes donnent l’exemple. Par conséquent, le ministre nous a instruits de faire des actions dans ce sens et nous avons mis le dispositif en place. Son Excellence, le chef de l’Etat, a demandé à ce qu’on aille plus loin.

Même aller dans les cours et concessions pour récolter les contributions des gens. Donc, le mois de l’exemplarité commence d’abord par nous les travailleurs de la Direction générale des impôts. Nous allons payer pour donner l’exemple. Le ministre a demandé à tous ses collaborateurs de payer. Nous pensons également mettre des dispositifs. Vous voyez à la présidence du Faso, qu’il y a plusieurs personnes qui y travaillent.

On va y mettre un mécanisme pour que les gens puissent payer. Nous allons demander la contribution des religieux, des présidents des délégations spéciales et des influenceurs. Parce qu’à tort ou à raison, les gens pensent que les gouvernants ne payent pas ainsi que les opérateurs économiques. Alors que ce n’est pas vrai. L’on se dit : « bon, voilà ! Ce sont nous les petits qui payent ».

Il faut qu’on donne l’exemple pour donner de la visibilité à cette exemplarité. Vous pouvez payer tous les jours, mais si personne ne sait que vous payez, les gens vont dire que vous ne faites rien. Il faut que les contribuables sachent que nous avons aussi l’obligation de réserve en protégeant les données personnelles. Si quelqu’un ne donne pas son aval, on ne peut pas dire ce qu’il a payé. Quand bien même on dit que les mines ne payent rien, on peut sortir la contribution de l’ensemble des mines, mais on ne peut pas faire sortir pour chaque mine individuellement sans accord. Voilà un peu la difficulté !

S : Quel message avez-vous à l’endroit des contribuables burkinabè ?

D.K. : Je voudrais que tout le monde s’inscrive dans cette dynamique de faire en sorte que la qualité du service rendu soit à la hauteur des attentes des usagers. C’est cela qui crée un climat de confiance et rehausse l’image de l’administration publique. C’est valable pour tout le monde pour que cela soit effectif. Tout le monde où qu’il se trouve peut contribuer. Mais, il y a des gens qui assistent à certains cas de fraude sans dire un mot.

Quand on voulait renter dans le marché, il y avait des gens qui n’avaient même pas de boutique et qui ont organisé l’évitement de l’impôt, en créant une situation pour qu’on ne puisse pas prélever les impôts. En réalité, c’est ce qui est resté dans l’esprit des citoyens à partir de l’impôt colonial. Donc, les gens ont toujours à l’esprit que l’argent de l’impôt est pour « l’homme blanc ». On se fait en réalité du tort.

Voilà la grande préoccupation que nous avons. On doit travailler dans l’éducation pour changer cette mentalité. C’est valable tant pour l’administration fiscale que pour le gouvernement. Il y a des agents qui sont aussi dans cette mentalité, « si je ne fais pas bien le travail, le chef va tomber et il sera remplacé », en ne regardant pas le tort qu’il se fait et celui qu’il cause au pays. Donc, cela demande du travail pour changer cet état d’esprit et nous voulons compter sur tous.

Entretien réalisé par Boukary BONKOUNGOU

Estelle KONKOBO (Stagiaire)

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