De la perdition à la perte de l’homme !

Depuis quelque temps, les cas de perte de personnes se multiplient dans notre pays. Des enfants aux adultes en passant par des adolescents, le phénomène n’épargne personne. Avant, on pouvait perdre son poulet, son mouton ou même son bœuf. Mais parfois, c’est un bon voisin qui le trainait nuitamment chez le propriétaire ou celui-ci le retrouvait dans la bassecour ou l’enclos du lointain éleveur intègre qui le nourrissait en attendant ce dernier.

Quelques mottes de foin étaient aussitôt envoyées au digne bienfaiteur pour le service rendu. Mais le bon Samaritain refusait toujours de prendre le foin de son bienfait, parce qu’il savait que la meilleure des récompenses venait d’en haut. Tout comme les bêtes, avant, les enfants aussi se perdaient, mais ils étaient récupérés par un passant qui les conduisait à la radio ou à la police et leurs parents venaient les chercher.

Certains hébergeaient même un enfant chez eux jusqu’à ce que ses parents viennent le chercher. Aujourd’hui, nos poulets, moutons ou bœufs ne se perdent plus, ils sont volés et parfois des troupeaux entiers sont emportés sur le corps du propriétaire abattu. De nos jours, nos enfants ne se perdent plus dans leur vadrouille, ils sont ciblés et enlevés, emportés parfois sans espoir de les retrouver.

Le mal est persistant et les réseaux sociaux ne cessent de nous montrer ces visages innocents, disparus comme par enchantement dans une société en perdition. Homme intègre, qui es-tu ? Pourquoi et comment en es-tu arrivé là ? Depuis que l’argent et le pouvoir se sont érigés en dieu dans la tête des hommes, la vie humaine n’est qu’une aubaine malsaine de fortune aux mains de certains.

Quand on peut aller troquer son gros orteil et le faire saigner sur l’autel diabolique de l’opulence coupable et revenir marcher en boitillant sur des liasses infinies. On entretiendra cette plaie incurable en supportant avec le sourire ses moments de douleur atroce, en sachant que plus elle fait mal, plus la malle à sous s’emballe et se remplit. Que dire de ceux qui vont élaguer quelques années de leur petite vie sans espérance pour s’octroyer une existence d’exubérance sans tempérance ?

Combien ont troqué leur propre fils ou fille, leur propre femme ou mère, juste pour être riche, le plus riche et le plus fort ? Même pour un poste ministériel ou présidentiel, on est prêt à tout promettre à l’autel sacrificiel du pire, pour être le meilleur. Même les chiens peinent ou n’osent pas se manger ; l’homme est capable de manger son prochain et curer la moelle de ses os, pour être plus grand, plus riche, plus fort.

Il y a des monstres parmi nous ! Le règne de l’argent facile a fait de notre société, une jungle où le semblable est un potentiel animal féroce aux desseins méconnus. Dans un contexte où l’individualisme a pris le dessus sur l’esprit de communauté, chacun vit sa vie dans son cocon, dans l’indifférence des autres. Hier, on posait le toit de chaume de la case du voisin avec tous les bras valides du voisinage.

Aujourd’hui, personne ne veille sur l’autre. On peut cambrioler chez un voisin en plein jour sans que le reste des habitants ne le sache. Aujourd’hui, pendant que ça brûle chez le voisin, certains fermeront leurs portes et fenêtres pour être à l’abri de la fumée du désastre. Personne ne se connaît vraiment ; on fréquente le même marché, la même église ou la même mosquée ; on se coince même chez le boutiquier du quartier, mais tant pis, puisque chacun vient acheter avec son argent.

Tant pis, puisque personne ne mange chez l’autre. Même les animaux d’espèces différentes se reniflent parfois les uns les autres pour se sentir et se découvrir, pour se comprendre et s’accepter. Il nous faudra revoir nos modes de vie en société. Il nous faudra nous rééduquer pour savoir vivre en communauté. Et savoir vivre en communauté, c’est savoir cohabiter en bonne intelligence.

On n’est jamais assez riche ou fort pour se suffire au point de négliger les autres ou les oublier. Apprenons à nos enfants à se fréquenter, à jouer ensemble, à travailler ensemble et à être utiles les uns pour les autres. Cette chronique est peut-être la peinture nostalgique, voire surréaliste d’un monde solidaire qui n’existe presque plus.

Elle est peut-être un rêve ou une illusion teintée d’une naïveté innocente, mais c’est à ce prix qui ne coûte rien d’ailleurs que notre société humaine retrouvera tout son sens social. C’est à ce prix que nous sauverons nos enfants des mains de leurs ravisseurs. C’est à ce prix que nous dénoncerons le suspect étranger ou le radical frère qui vit parmi nous en prêchant la bonne nouvelle avec les armes de l’horreur.

C’est à ce prix que notre intégrité tant clamée trans-cendera sa dimension de slogan creux pour amorcer la vraie voie de la dignité. Les vrais Burkinabè sont faits les uns pour les autres au-delà des différences socio-économiques, des divergences ethniques ou religieuses, des clivages culturels ou coutumiers. Hélas, de la perdition, bienvenue à l’ère de la perte de l’homme !

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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