Décès de Mory Kanté : Le dernier air du « griot électrique »

Malgré diverses influences musicales, Mory Kanté est resté l’héritier d'une riche culture musicale mandingue.

Artiste africain le plus vendu au monde depuis son hit planétaire « Yéké Yéké » en 1987, le musicien guinéen, Mory Kanté, est décédé le 22 mai 2020 à Conakry à l’âge de 70 ans.

La musique africaine est à nouveau en deuil, trois mois après la disparition de Manu Dibango. Le chanteur guinéen, et monument de la musique mandingue et de la World music, Mory Kanté, a tiré sa révérence, le vendredi 22 mai 2020 dans un hôpital de Conakry (Guinée). Mory Kanté voit le jour le 24 février 1950 à Albadaria, un petit village du sud de la Guinée. La famille Kanté est une célèbre famille de griots, véritables mémoires vivantes dont le rôle est depuis la nuit des temps de conter en musique les épopées sans fin des familles et des peuples. Les parents de Mory étant tous les deux griots, le destin de l’enfant est donc tout naturellement de devenir un « Djéli », ou « Jali », terme mandingue pour « griot ». Jusqu’à l’âge de 15 ans, il est initié aux rituels traditionnels, au chant et au balafon (vibraphone en bois).

Il participe à de nombreuses fêtes familiales, à des cérémonies officielles au cours desquelles il se forge une expérience solide de musicien et de chanteur. Au cours des années 1960, le Mali, reçoit de nombreuses influences musicales (rumba zaïroise, salsa cubaine, pop et rock anglo-saxons). Le jeune Mory se passionne très jeune pour ces nouvelles musiques électrifiées et apprend la guitare. Fort d’une très riche expérience traditionnelle, il se tourne vers une certaine modernité très éloignée de son cadre familial. En 1968, il quitte l’école pour intégrer l’Institut des Arts de Bamako.

En 1971, il est repéré par le saxophoniste Tidiane Koné qui lui propose d’intégrer son groupe, le « Rail Band » de Bamako. Mory accepte et prend place dans l’orchestre dont le chanteur n’est autre que le Malien, Salif Keita. Parallèlement, il apprend la kora et transgresse ainsi une certaine tradition qui veut que le balafon soit l’instrument noble dans sa famille. Il devient cependant très vite un virtuose de cette harpe à 21 cordes. En 1978, Mory s’installe à Abidjan, en Côte d’Ivoire. De plus en plus, il songe à renouveler la musique traditionnelle en y insufflant des sons et des rythmes occidentaux. C’est sur le label de l’afro-américain Gérard Chess que Mory Kanté enregistre son premier disque en 1981, « Courougnegne » avant d’aller tenter sa chance en France. En 1984, il sort « Mory Kanté à Paris ».

«Yéké Yéké »

 

L’Afrique perd un autre monument de sa musique, après le Camerounais Manu Dibango (gauche) disparu en mars dernier.

Il se fait connaître en quelques mois. Il multiplie les concerts dans toute l’Europe, dont en Italie où il est une énorme vedette. C’est en Italie, qu’il fera d’ailleurs la connaissance du producteur américain David Sancious, qui a travaillé avec Bruce Springsteen. Leur collaboration donne naissance à un troisième album, « Ten Cola Nuts » qui sort en avril 1986.

Celui qu’on surnomme désormais « le griot électrique » atteint l’année suivante, en 1987, les sommets du succès avec son nouvel album « Akwaba Beach ». Ce disque marque le triomphe du funk mandingue grâce à un titre particulier, « Yéké Yéké » qui explose les hit-parades du monde entier, à commencer par les Pays-Bas. Composé au début des années 1980, le titre se trouvait déjà sur l’album « Mory Kanté à Paris » mais insatisfait de cette première version, il décide de le réenregistrer.

Le titre devient un succès exceptionnel sur lequel des publics du monde entier vont danser. En quelques années, le « 45 tours » atteint des scores de vente chiffrés en millions d’exemplaires, et fait l’objet d’innombrables remixes, adaptations et reprises en hébreu, arabe, chinois, hindi, portugais, anglais ou espagnol. Avec « Yéké Yéké », Mory Kanté devient l’artiste africain le plus vendu. En juillet 1988, le titre « Yéké Yéké » atteint la première place du classement pan-européen établi par le fameux hebdomadaire professionnel américain, Billboard. Après avoir reçu un disque d’or en octobre 1988 en France, Mory Kanté est récompensé en novembre à Paris par la Victoire de la Musique du meilleur album francophone.

S’ensuivent ses différents albums : « Touma » (1990), « Nongo Village » (1993), « Tatebola » (1996), « Tamala » (2001). Après plusieurs semaines de studio, le « griot électrique » revient aux sources et sort en 2004 un nouvel album totalement acoustique, « Sabou » (« La Cause ») qui mêle l’héritage d’une carrière internationale et la sortie de plusieurs disques afro-pop, avec en toile de fond un profond souhait de revenir vers la tradition mandingue. L’album « La Guinéenne » sort en avril 2012. Sur ce disque, il rend hommage aux femmes de son pays et en particulier à sa mère, la grande chanteuse traditionnelle Fatouma Kamissoko.

Héritier d’une culture musicale mandingue très riche, Mory Kanté se lance, désormais, dans un projet destiné aux plus jeunes, un conte autour de la tradition des griots, intitulé « Cocorico ! Ballade d’un griot ». Cette histoire est composée de 7 chansons, avec notamment « Super Yéké », une reprise acoustique du célèbre « Yéké Yéké ». Pour ce disque-livre, il recevra en 2019, le prix Coup de cœur, musique du monde de l’Académie Charles-Cros, dans la catégorie jeune public.

W. Aubin NANA
Source : musique.rfi.fr,
universalmusic.fr

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