Dialogue de sourds

Décidément, le pré-dialogue de Doha au Qatar entre les différentes composantes sociales tchadiennes y compris les groupes politico-militaires n’aura pas fait bouger les lignes en faveur du dialogue national. A l’annonce de la date du 20 août 2022 pour ce rendez-vous majeur devant décider de l’issue de la Transition, plusieurs parties sont montées au créneau pour dénoncer une décision unilatérale. « Nous n’avons jamais pu débattre sérieusement entre gouvernementaux et nous. Nous avons le sentiment depuis que nous sommes là qu’il y a un programme préétabli pour précisément écarter de ce dialogue un certain nombre de mouvements politico-militaires», a déclaré Adoum Yacoub, un chef du groupe politico-militaire qui a pris part aux rencontres du pré-dialogue. De leur côté, les partis politiques et associations opposés à la Transition au Tchad ont également donné de la voix pour désapprouver les conditions voulues par le gouvernement dans la tenue du dialogue national. Dans son communiqué, l’opposition a critiqué l’arrêté du Premier ministre, duquel le mot souverain a disparu alors que les caractères inclusif et souverain du dialogue ont été des préalables.

Pour les partis politiques et associations opposés à la Transition au Tchad, le Conseil national escamote tout simplement la dimension souveraine et inclusive du dialogue national que le chef de la junte au pouvoir, Mahamat Idriss Déby Itno a, lui-même, promis le 31 décembre 2021. Tandis qu’une bonne partie des groupes politico-militaires rejette la date du 20 août pour la conférence nationale parce qu’unilatérale, l’opposition exige des conditions d’une participation « saine et équilibrée » à ce rendez-vous qui devrait permettre au peuple tchadien de discuter des préoccupations profondes du pays. C’est dire qu’il va falloir que le gouvernement déploie toutes les initiatives possibles pour convaincre l’ensemble de la classe socio-politique à prendre part à ces pourparlers.

Tant qu’un minimum de consensus ne sera pas obtenu avec tous ceux qui accusent le gouvernement de vouloir imposer son agenda, le dialogue national, même s’il venait à se tenir à l’échéance indiquée, accouchera d’une souris. Cette période de Transition qui devrait être l’occasion pour les Tchadiens de tous les bords de panser leurs maux afin de partir sur de nouvelles bases est malheureusement en train d’exacerber les rivalités séculaires. L’on a l’impression que certaines incompréhensions sont en train d’être différées au regard de toutes les difficultés qui ont émaillé le pré-dialogue. Les conditions des pourparlers entre les différents représentants ont été critiquées par bon nombre de participants. Ceux-ci ont déploré le fait qu’il n’y ait pas eu de plénières directes entre les parties. Alors que ces préliminaires de Doha devraient permettre de baliser le terrain pour la tenue du dialogue national, elles ont plutôt été une perte de temps et d’énergie. Il est clair que les problèmes que l’on a voulu éviter d’aborder à Doha continuent de creuser la méfiance entre les différentes composantes sociales. A un mois de la date fixée par le gouvernement pour le dialogue national, l’on voit combien il sera difficile de rassembler tout le monde autour de la table des pourparlers. A moins que l’on se ravise de repousser l’échéance, le temps d’arrondir les angles avec toutes les parties prenantes. Le président, Mahamat Idriss Déby Itno, saura-t-il prendre en compte les récriminations de l’opposition et de certains groupes politico-militaires pour donner des chances de réussite à ces assises nationales ? Pas si sûr ! Puisque tout semble indiquer qu’il y a une volonté de s’installer durablement au pouvoir. Et le rendez-vous du 20 août 2022 risque de diviser encore les Tchadiens au lieu de les rassembler.

Karim BADOLO

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