Directrice adjointe, représentante régionale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale, Fondation Bill et Melinda Gates, Natasha Quist : « Nous devrons accélérer cinq fois plus vite pour atteindre les objectifs de développement durable d’ici 2030 …»

Le rapport de la Fondation Bill et Melinda Gates sur « l’avenir du progrès » a été rendu public le 15 septembre 2022. La directrice adjointe et représentante régionale de la Fondation pour l’Afrique occidentale et centrale, Natasha Quist déclare dans l’interview ci-après accordée à Sidwaya, que la majorité des indicateurs des ODD sont négatifs et que dans l’état actuel le monde devra accélérer cinq fois plus vite pour les atteindre d’ici 2030.

Sidwaya(S) : Dans quel contexte le rapport a été réalisé ?

 Natasha Quist (N.Q.) : Le rapport Goalkeepers de cette année arrive à un tournant, le monde doit faire face à plusieurs crises simultanées qui comprennent la pandémie de COVID-19, le changement climatique, les inégalités entre les sexes et une crise alimentaire exacerbée par le conflit en Ukraine. Cet ensemble de crises a fait reculer presque tous les indicateurs des Objectifs de Développement Durable (ODD). La pandémie de COVID-19 a provoqué un déclin en matière de vaccination et a fait reculer de plusieurs années les progrès réalisés contre le VIH, le paludisme et la tuberculose. La pandémie a également compromis l’égalité des sexes pour notre prochaine génération.

S.:Selon vous que peut-on retenir succinctement du 6e rapport ? 

(N.Q.) : Dans l’ensemble, les données du rapport de cette année montrent que la majorité des indicateurs des ODD sont négatifs et que dans l’état actuel des choses, nous devrions accélérer cinq fois plus vite pour atteindre les objectifs d’ici 2030. CEPENDANT, le rapport souligne clairement que les données ne tiennent pas compte des progrès qui peuvent être réalisés grâce à l’innovation et à l’ingéniosité. Le soutien à l’innovation sera essentiel et nous avons des exemples d’innovation en action. Parmi les exemples d’innovation dans le monde, citons le développement d’un vaccin contre le COVID-19 en un temps record. Le déploiement des antirétroviraux. Il se pourrait même qu’un vaccin contre le paludisme voie le jour dans un avenir proche. Nous savons que le Burkina Faso participe à des recherches approfondies sur le paludisme.

Le rapport de cette année souligne également l’importance de s’attaquer à la fois à un système alimentaire défaillant et à l’inégalité entre les sexes. Il explique également comment ces problèmes offrent d’énormes possibilités de stimuler la croissance et la productivité, de mettre en place des systèmes plus résilients et de donner aux gens plus de pouvoir pour réaliser leur plein potentiel.

S.: Où en est l’Afrique par rapport à l’agenda 2030 ?

(N.Q.) : Les données sont claires, l’Afrique et le reste du monde, ne sont pas sur la bonne voie pour atteindre les ODD. Toutefois, les progrès réalisés dans les domaines tels que le VIH, le paludisme et l’innovation humaine, sont prometteurs. Ceux-ci nous donnent espoir que le monde progresse sur le plan climatique et sur les ODD d’ici 2030.

S.: Les crises alimentaires, sanitaires ont impacté négativement le progrès, qu’en est-il de la crise sécuritaire qui frappe en plein fouet les pays de l’Afrique de l’ouest ?

(N.Q.) : Notre priorité à la Fondation Bill & Melinda Gates est la sûreté, la sécurité et le bien-être des populations, y compris celles d’Afrique de l’Ouest. Nous sommes convaincus que nous sommes tous égaux et espérons que les conflits se résolvent de manière pacifique. Nous travaillons avec nos partenaires sur le terrain, en Afrique de l’Ouest, dans le cadre de notre mission visant à aider les populations à mener une vie saine et fructueuse. Dans ce rapport, l’accent est mis sur le progrès des ODD et la nécessité de combattre deux des plus grands défis de notre époque : un système alimentaire défaillant et l’inégalité entre les sexes.

S.: Les objectifs seront-ils atteints pour le monde et pour l’Afrique?

(N.Q.) : Nous croyons que le progrès est possible. Regardez ce qui s’est passé avec le VIH, la tuberculose et le paludisme. En 2000, le monde a fixé les Objectifs du Millénaire pour le développement. L’un de ces objectifs était d’inverser la propagation du VIH et d’en réduire de manière significative les décès et les cas, de paludisme et de tuberculose. Grâce au travail de fond et à l’innovation d’une coalition de défenseurs, de gouvernements et d’autres acteurs pour créer et augmenter considérablement le financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le monde a rapidement accéléré les progrès entre 2000 et 2020. Par exemple, nous avons vu une réduction de près de 60 % des décès annuels dus au VIH. Le fonds mondial a sauvé 44 millions de vies et réduit de plus de la moitié le taux de mortalité de ces maladies évitables grâce à des outils, des prestations, des financements et des partenariats innovants. Le fonds mondial est l’un des investissements les plus intelligents et les plus importants que nous ayons faits dans la santé mondiale. Son succès explique pourquoi nous avons investi 3 milliards de dollars depuis 2002 pour sauver des vies. Si le monde s’unit pour réunir 18 milliards de dollars, d’ici 2026, nous pourrons sauver 20 millions de vies supplémentaires impactées à ces maladies, renforcer les systèmes de santé pour prévenir les futures pandémies et nous remettre sur la voie de l’éradication de ces maladies d’ici 2030.

S.: L’autonomisation de la femme, l’égalité du sexe, sera-t-elle une réalité en 2030 ?

(N.Q.) : Notre partenaire Equal Measures estime que le monde n’atteindra pas l’égalité des sexes avant au moins 2108, soit trois générations plus tard que ce que nous avions espéré. Nous savons que la création de voies et l’élimination des obstacles au pouvoir économique des femmes sont essentielles pour atteindre tous les ODD et faire de l’égalité des sexes une réalité.

Pour combler les écarts économiques, nous devons nous assurer que les femmes gagnent réellement du pouvoir, et non pas seulement nous concentrer sur leur indépendance.

Des approches innovantes à ce problème sont :

  • Renforcer la résilience économique en élargissant l’accès aux outils financiers numériques tels que les comptes en ligne qui mettent l’argent entre les mains des femmes et leur donnent plus de contrôle sur leur dépenses que le feraient les paiements en espèces par exemple.
  • Construire une infrastructure médicale qui permet aux femmes de gagner un revenu en dehors de leur foyer et qui offre aux entrepreneurs la possibilité de gérer leur propre entreprise de garde d’enfants.
  • Soutenir les femmes pour qu’elles prennent en charge leur santé reproductive, un domaine dans lequel nous avons vu le Burkina Faso prendre la tête en Afrique de l’Ouest.

S.: Que propose le rapport pour faire avancer les objectifs, progrès ?

(N.Q.) : Malgré les conséquences des crises mondiales qui se suivent, nous expliquons dans le rapport comment le monde peut accélérer des solutions à ces problèmes et accélérer les progrès vers les ODD. Notamment grâce à l’ingéniosité et à l’innovation humaines, à la volonté politique et à un financement soutenu.

Propos recueillis par Boureima SANGA

bsanga2003@yahoo.fr

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