Dossier Norbert Zongo: la chronique judiciaire du procureur du Faso Yoda

Le Centre national de presse Norbert-Zongo (CNP-NZ) a organisé le samedi 5 décembre 2020 à Ouagadougou, le troisième club de presse sur le thème : « L’état des lieux du dossier Norbert Zongo en justice, 22 ans après ».

Vingt-deux ans après l’assassinat du journaliste, Norbert Zongo, la justice peine à tenir un procès pour élucider les circonstances de cette disparition. Pour avoir plus d’information sur la procédure judicaire du dossier, le Centre national de presse Norbert-Zongo (CNP-NZ) a initié son troisième club de presse, le samedi 5 décembre 2020 à Ouagadougou, sur le thème : « L’état des lieux du dossier Norbert Zongo en justice, 22 ans après ». D’entrée le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance (TGI) de Ouaga 1, Harouna Yoda, a expliqué que son intervention vise à éclairer sur l’évolution procédurale du dossier du journaliste Norbert Zongo. Car, a fait savoir l’invité du jour, le dossier étant toujours en cours, le respect du sacro-saint principe de l’instruction impose des limites à ne pas franchir. Du reste, il a fait un compte rendu des différentes dépositions au cours de ces 22 années. « Le 13 décembre 1998 Norbert Zongo, Ernest Zongo, Blaise Ilboudo et Abdoulaye Nikiéma étaient trouvés morts dans un véhicule de marque Toyota de type Land cruiser. Ledit véhicule était en feu », a-t-il relaté. Selon ses explications, le 31 décembre de la même année, le juge d’instruction près le TGI de Ouagadougou a été saisi d’un réquisitoire pour « recherche des causes de leur mort ». M. Yoda a souligné que le juge d’instruction a procédé à des auditions d’un certain nombre d’experts en incendie et a décélé des indices « graves et concordants ». Et d’ajouter que cette situation laissait comprendre que la mort des occupants dudit véhicule n’était pas une mort accidentelle, comme l’indiquait le procès-verbal du commissariat de police de Sapouy. Harouna Yoda a poursuivi que le 6 janvier 1999, les avocats des victimes déposaient une plainte avec constitution de partie civile, au cabinet du juge d’instruction pour « assassinat ». Puisque, a-t-il dit, à la même période, la commission d’enquête indépendante mise en place, avait fourni son rapport en avril 1999 et qui confirmait le « meurtre des occupants dudit véhicule ». A l’écouter, le 21 mai de la même année, le procureur du Faso, près le TGI de Ouagadougou ouvrait une information judiciaire contre X pour « assassinat ». « De la recherche des causes de la mort, on est passé à l’assassinat à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile par des avocats et le ministère public », a-t-il étayé. Et de dire que l’instruction du juge a permis l’inculpation, le 2 février 2001, de Marcel Kafando pour « assassinat et destruction de biens mobiliers ».

Y a-t-il une pression de l’Exécutif ?

En 2006, le dossier a abouti à un non-lieu, malgré l’attaque des avocats des victimes devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Ouagadougou. Malgré tout, a continué le procureur Yoda, le dossier a été classé. A la faveur de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, a-t-il narré, il a connu une nouvelle tournure. Une requête, a-t-il notifié, adressée au procureur du Faso, aux fins de réouverture d’information à la suite des documents trouvés au domicile de François Compaoré, qui sont de nature à l’incriminer à travers sa proximité avec le principal inculqué, Marcel Kafando. Harouna Yoda a relevé que le 7 avril 2015, après les différents actes de procédure, la réouverture d’information a enclenché l’audition d’une dizaine de personnes et d’actes d’instruction. Ainsi, a-t-il révélé, les quatre inculqués, Yaro Banaboulo, Kombasséré Wamba, Nacoulma Wenpassiba, ont été mis en examen le 1er novembre 2015 et le 5 mai 2017 pour François Compaoré. « Une course judiciaire s’est engagée, avec une demande d’extradition de M. Compaoré, adressée à la République française et son corollaire de jeu judiciaire qui va aboutir, en mars 2020, à l’autorisation d’extradition du gouvernement français », a-t-il affirmé. Toutefois, a-t-il fait remarquer, la décision est attaquée par les avocats de l’accusé, en conseil d’Etat. N’est-ce pas le temps du politique qui nous a amené à 22 ans d’impunité ? La justice, n’est-elle pas sous le contrôle de l’exécutif ? Peut-on faire le jugement par contumace comme le cas du dossier du putsch manqué de 2015 ? Ce sont autant de préoccupations des participants au 3e club de la presse. A ces questions, Harouna Yoda a affrimé que la procédure judiciaire n’est pas un long fleuve tranquille, avant d’ajouter que la loi dispose des instructions pour la défense de l’accusé. Sur le poids de l’exécutif sur l’appareil judiciaire, il a noté que les textes marquent clairement l’indépendance de la justice. Pour la condamnation par contumace, Harouna Yoda a répondu que des voies plus autorisées seraient en mesure de le dire.

Achille ZIGANI
(Collaborateur)

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