Du fils à papa au papa-fils

Mais enfin, qu’est-ce que vous avez contre ces enfants cascadeurs ? Ils ne font que s’amuser, après s’être bien rempli la « panse » et puis, ce sont des engins achetés par leurs parents, ces « papas à fils ». Oui, ces motos-là coûtent un million et plus mais pourquoi êtes-vous hystériques ? Un million c’est quoi ? Il y a des passants qui s’indignent face au spectacle suicidaire, mais qu’est-ce qui vous dit que ces enfants sont mortels ? Il y en a qui occupent les ondes de radio pour dénoncer et appeler les forces de l’ordre à agir, mais entre nous, est-ce qu’il y a vraiment du désordre ? Laisser ces enfants « s’enjailler », laissez-les « kiffer » la vie à mort, à leur manière, peu importe que le jeu soit funeste, mais qui vous a dit que leurs parents n’ont pas d’autres enfants en réserve ? Qu’est-ce que vous en savez ? Quel est votre problème au juste ?

Trêve d’ironie, nous ne sommes pas sadiques, nous ne sommes pas cyniques. Nous sommes simplement déçus et amers du comble de l’irresponsabilité. Nous sommes choqués de l’indifférence de toutes ces familles dont les marmailles sèment la pagaille dans nos rues. En effet, c’est insupportable de voir ces baroudeurs en bolide sous fond de barouf vous dépasser à vive allure, parfois les mains en l’air ou allongés sur la monture, inclinés ou virevoltants. C’est peut-être de l’art, c’est même des virtuoses, mais à quoi sert une ingéniosité si elle n’est que risques inutiles et dont la seule récompense est un cercueil ? Nous pouvons nous tromper, mais nous estimons humblement que ce gâchis aurait pu être compensé par des séances de révision de leçons et par une assiduité en classe. Mais hélas, ces enfants ne seront pas au rendez-vous de la relève, parce qu’ils auront perdu leur temps à cascader dans des compétitions de rue sans lendemain, sans trophée, sans le moindre prix. En quelle jeunesse avons-nous foi dans nos discours politiques ? Sur quels jeunes le Faso de demain compte-t-il, si ces jeunes ne prennent pas le temps de réfléchir, de méditer sur leur sort, sur leur part de contribution ?

Dans mon quartier, ils organisent chaque jour des « soirées cannabis » ; en petits comités, ils se regroupent dans un fumoir de fortune et se « gnênè » en s’esclaffant. Mon quartier est devenu une cheminée géante, mieux, un champ de chanvre entretenu par de « cancres » élèves de 4e à la Terminale. Et rassurez-vous, le quota genre est respecté, car des filles, on en compte pas mal dans le rang des têtus. Ces enfants sont visiblement bien nourris et choyés avec des motos hors gabarit, dernier cri, parfois sans pot d’échappement. Le soir venu, ils dérangent le quartier et se moquent des conseils et invectives des « aigris » comme nous autres. Parce que depuis que l’enfant a été « privatisé », la société s’est retirée du champ de l’éducation et chaque famille a sa recette éducationnelle. C’est avec beaucoup de peine que nous regardons « la bouillie » au feu se verser et c’est vraiment dommage que des parents aussi nantis laissent leurs rejetons divaguer comme des moutons sans le moindre suivi. Malheureusement, certains de ces parents se délectent même de l’exubérance de leurs « maniaques » en perdition, jusqu’au jour où ils font la Une des journaux avec un titre célèbre : « Elèves braqueurs », jusqu’au jour où ils finissent leur dernier rallye sous les roues d’un « camion dix tonnes », jusqu’au jour où le fiston commence à parler et à rire seul, jusqu’au jour où il se sent assez inspiré pour violer sa propre mère et sa propre sœur.  Et ce jour-là, n’y voyez surtout pas le mauvais œil ni l’œuvre des génies, ni celle des ennemis. On récolte toujours ce qu’on a semé.

Nous avons démissionné de notre rôle de parent. Nous avons abdiqué et confié nos enfants à la télévision et à Internet. Nous sommes coupables, chaque fois que nous pensons qu’en lui achetant la moto la plus chère et rapide, nous lui rendons service. Nous sommes coupables, chaque fois que le téléphone portable offert est le plus cher et plus superflu qu’utilitaire. Nous sommes coupables, chaque fois que nous lui versons un « salaire » mensuel pour occuper ses poches et ses temps perdus, parfois avec les clés de la voiture pour sponsoriser ses escapades. On n’éduque pas un enfant dans le beurre, rien qu’avec l’argent du beurre. On ne forge pas l’homme de demain sur une enclume de soie. Mais puisque ce sont vos enfants, bercez-les, dorlotez-les, caressez-les dans le sens de leurs caprices. Ils seront très heureux d’avoir un père aimable et attentionné, et une mère adorable. Mais soyez-en sûr, demain, ils marcheront derrière les autres avec un héritage sans héritiers dignes. Et c’est en ce moment que vous aurez vraiment « réussi » ! Bande de papas-enfants, de parents apparents de bas rang ! Mais pendant que nous y sommes, quid de l’autorité, garante de l’ordre public ? Finalement et définitivement, le poisson pourrit toujours par la tête !

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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