Du fond des reformes éducatives

L’actualité nationale est marquée par des manifestations d’élèves et des déclarations de soutien de certaines organisations syndicales des enseignants contre les réformes de l’examen du BEPC et du Baccalauréat. De quoi s’agit-il ? A partir de 2022, des changements majeurs seront opérés : l’épreuve unique en Sciences de la vie et de la terre (SVT) remplacera deux épreuves au choix, l’organisation du BAC incombera entièrement au ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationale (MENA PLN).

Aussitôt annoncées, ces innovations ont suscité une levée de boucliers parmi les syndicats de l’éducation nationale et même au sein des élèves. Ces mesures sont jugées « anti-éducatives », voire « antipopulaires » par une frange des partenaires sociaux qui n’ont pas hésité à apporter leur soutien à la lutte « légitime et courageuse » des élèves. Ce, malgré les graves dérapages constatés ça et là et même une perte en vie humaine enregistrée à Kongoussi pendant les manifestations contre lesdites mesures. Dans la forme, on peut effectivement s’interroger, à l’instar d’autres intervenants, sur le timing de l’annonce de ces réformes qui intervient avant la tenue des assises nationales sur l’éducation, dont les consultations préliminaires sont en cours. Lesquelles assises devraient pouvoir enrichir de ses recommandations pertinentes, les réformes engagées et prendre ainsi en compte, les préoccupations posées par les élèves qui sont actuellement le ferment des mouvements de contestation dans certains établissements de la capitale, soutenus, en sous-main et ostensiblement, par certaines organisations syndicales de l’éducation nationale.

Au-delà de la forme, nul ne saurait contester que l’éducation nationale, singulièrement les examens, devraient être réformés. C’est d’ailleurs un processus routinier qui s’opérait loin de l’exposition médiatique. Il convient donc de s’attarder sur le contenu de ces réformes qui font tant jaser, avant même que les innovations majeures n’entrent en vigueur.

A écouter les deux parties, rien de substantiel ne les oppose, au-delà de la non implication supposée des partenaires sociaux et la crainte de conséquences projetées des mutations sur le cursus scolaire des apprenants. Ce bras de fer préjudiciable à la quiétude dans nos temples du savoir, a toutes les apparences d’un dialogue de sourds que les parties ne devraient pas avoir beaucoup de peine à surmonter. Que reprochent aux réformes, les élèves, médiateurs de circonstance entre l’éducation nationale et les partenaires sociaux ? En effet, pendant que les syndicats déplorent la non implication des acteurs, le MENA/PLN brandit « l’unanimité » qui a prévalu à la proposition des réformes en question, dont les motivations pédagogiques et pratiques fondées sur l’équité entre candidats à qui les mêmes épreuves sont administrées et partant, sur la comparabilité entre les résultats obtenus.

Ceci est un objectif plutôt noble qui, à défaut de faire l’unanimité, ne saurait être un casus belli avec les apprenants et leurs enseignants. Sur l’organisation du BAC par le MENAPLN, les adversaires de cette innovation sont vent debout, redoutant, peut être de bonne foi, que ce diplôme ne donne plus accès à l’université du fait de son ancrage dans l’enseignement secondaire. Même si beaucoup se rappellent avoir composé au BAC sur des feuilles estampillées « Université de Ouagadougou », il faut préciser que l’organisation de cet examen est toujours assurée par l’Enseignement secondaire, à la seule nuance que les jurys sont présidés par des enseignants- chercheurs. Toute chose étant égale par ailleurs, ce changement n’affectant que la présidence des jurys n’est pas de nature à toucher ni les modalités d’accès à l’université au Burkina Faso, ni la qualité du diplôme, si telle est la préoccupation des pourfendeurs de la réforme en cours. Dès lors, on se demande ce qui fait vraiment courir les élèves et les enseignants, malgré les assurances des premiers responsables de l’Education nationale ? Existe-t-il des non-dits dans ce climat de défiance ? C’est la concertation qui a manqué le moins, est-on tenté d’en conclure.

Pour donner aux réformes en cours, toutes les chances de répondre aux préoccupations pour lesquelles elles sont envisagées, il est d’une impérieuse nécessité pour toutes les parties de se défaire de toute posture de surdité, jusqu’au-boutiste, belliciste ou de suffisance qui sont autant d’obstacles à la construction d’un consensus social fort au sein du plus grand et très important département ministériel du pays. C’est à cet impératif que répond l’initiative des assises nationales sur l’éducation, dont on attend des propositions originales pour donner un souffle nouveau à un système éducatif durement éprouvé par les crises sanitaires et sécuritaires et qui pourrait à son tour sombrer dans sa propre crise si on n’y prend garde.

Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr

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