Dysfonctionnements du système judiciaire : Le ras-le-bol des avocats

En remettant le mémorandum aux représentants des deux ministres (droite), Me Paulin Salambéré leur a demandé de faire un «compte rendu fidèle» de la mobilisation.

Les avocats du Burkina Faso ont marché, le lundi 29 avril 2019 à Ouagadougou, pour dénoncer les dysfonctionnements du système judiciaire.

Après une grève de 96 heures, les avocats du barreau burkinabè ont organisé une marche, le lundi 29 avril 2019 à Ouagadougou. Ils ont, à l’occasion, dénoncé une situation «exceptionnelle» que traverse le système judiciaire du pays, observée à la fois «du dedans et du dehors».

«Il faut avoir le courage de dire que la justice pénale cette année a été clairement inexistante», a déclaré le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina Faso, Me Paulin Salambéré. Dans le mémorandum du barreau qu’il a lu, il a évoqué huit cas d’atteinte aux droits humains constatés dès le mois d’octobre au titre de l’année judiciaire 2018-2019.

Il s’agit de l’impossibilité de déférer dans les 24 parquets, la non-tenue des audiences de flagrants délits et de celles des citations directes, la mise en danger de la vie des détenus résultant des dysfonctionnements dans les maisons d’arrêt et de correction, entre autres.

Suivant le point fait par Me Salambéré, 808 prévenus détenus attendent d’être jugés, 1640 inculpés ont leurs dossiers dans des cabinets en d’instruction et 3641 condamnés emprisonnés n’ont pas encore vu l’application des peines du fait du blocage.

Les marcheurs veulent un rétablissement de l’appareil judiciaire.

«Depuis le 19 avril 2019, les seuls pans qui fonctionnaient encore connaissent un blocage à leur tour», a ajouté le bâtonnier, précisant que même les actes administratifs à savoir, les casiers judiciaires, les certificats de nationalité, les enrôlements … accomplis par les juridictions ne le sont plus. A

u nom du Barreau, Me Salambéré a dénoncé et condamné «le blocage de l’appareil judiciaire, la violation massive et indiscriminée des droits des usagers de la justice, de même que l’immobilisme ou l’incapacité de l’Etat à apporter une solution pertinente et durable au problème».

Tout en invitant le gouvernement à travailler pour un bon fonctionnement des services judiciaires, il a prévenu que le Barreau n’hésitera pas à initier des actions sur les plans interafricain et communautaire (CEDEAO) pour mettre l’Etat face à ses responsabilités.

Porteuse du message des anciens bâtonniers aux ministres de tutelle, Me Antoinette Ouédraogo a affirmé que c’est la deuxième marche collective du Barreau burkinabè après celle de 1990. A son avis, de tels dysfonctionnements n’ont jamais été connus depuis cette date, chose qui justifie leur présence auprès de leurs jeunes confrères pour dire non aux violations indiscriminées des droits humains au Burkina Faso.

«Nous manquerions gravement à notre devoir individuel et collectif, s’il venait à nous manquer le courage de vous dire que le dysfonctionnement du service public de la justice est la plus grande menace qui pèse sur notre pays», a-t-elle rappelé.

Le doyen et premier avocat du Burkina Faso, Me Titenga Frédéric Pacéré a dit toute la fierté des anciens bâtonniers pour la jeune génération qui, croit-il, assurera la relève. Il a exprimé sa crainte de voir certaines revendications des travailleurs «tuer la poule aux œufs d’or».

Les messages des avocats ont été remis au directeur de cabinet du ministre de la Justice, Issa Fayama et au chargé de mission du ministre des Droits humains et de la Promotion civique, Mathias Sam. Des figures connues du public burkinabè ont été aperçues dans les rangs des marcheurs parmi lesquelles les avocats Barthélémy Kéré, Gilbert Noël Ouédraogo, et Mamadou Traoré.

Aux dernières nouvelles, les avocats du Burkina, à l’issue d’une assemblée générale extraordinaire, ont décidé de réconduire à l’unanimité leur mesure de suspension à toute audience jusqu’au 6 mai 2019.

Tielmè Innocent KAMBIRE

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