Energie solaire : «Notre pays sera un eldorado dans les prochaines années», ministre Bachir Ouédraogo

Le ministre de l’Energie Bachir Ismaël Ouédraogo : «Pour la première fois, nous avons rattrapé le déficit entre l’offre et la demande».

Le ministre de l’Energie, Ismaël Bachir Ouédraogo était, courant mai 2019, face à la Rédaction de Sidwaya pour échanger sur plusieurs sujets d’intérêt. Offre énergique, fronde sociale, gouvernance MPP, présidentielle de 2020…, il n’a pas eu sa langue dans sa poche.

Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Energie

Sidwaya (S.) : Nous avons constaté cette année qu’il y a eu moins de délestages pendant les mois d’avril et de mai.Qu’est-ce qui explique cela ?

Dr Bachir Ismaël Ouédraogo (B.I.O.) : C’est la résultante des efforts déployés à l’interne et à l’externe. Je ne l’ai pas fait tout seul, mais avec l’équipe du ministère, de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL), de l’Agence burkinabè d’électrification rurale (ABER), de l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ANEREE) et du Projet d’appui au secteur de l’électricité (PASEL).

Nous avons constaté à notre arrivée au département, qu’il y avait un déficit de près de 100 Mégawatts (MW) au Burkina Faso. C’est beaucoup pour un pays qui a une capacité installée d’environ 250 à 300 MW. Rapidement, nous avons essayé de consolider à l’interne en augmentant la production de 50 MW avec une équipe d’urgence grâce à Aggreko. En l’espace de six à sept mois, nous avons ajouté 50 MW à la sous-station de Gounghin. A l’externe, nous avons fait l’interconnexion avec le Ghana.

A ce niveau, il y avait des difficultés, parce que pour un potentiel de 150 à 250 MW, nous étions à 50 MW. Nous avons eu des relations assez soutenues avec le Ghana pour conforter la production. Nous avons été en mesure, avec l’accompagnement d’un certain nombre de Partenaires techniques et financiers (PTF), d’augmenter la production de 120 MW.

Aussi, nous avons développé des mécanismes à l’interne tels que le Back up solaire et l’hybridation des bâtiments publics avec le solaire, parce que le Burkina Faso a l’un des meilleurs ensoleillements au monde. Nous avons poussé dans ce sens pour ajouter de la puissance solaire.

Ce sont toutes ces actions combinées qui ont permis de rattraper le déficit. Car, pour la première fois, depuis plus de dix ans, nous avons rattrapé le déficit entre l’offre et la demande et nous sommes en train d’investir pour aller au-delà de la demande et faire des branchements qui vont permettre au Burkina Faso de sortir des délestages.

S. : Pourquoi dans un pays bien ensoleillé, l’on peine encore à explorer l’énergie solaire ?

B.I.O. : Le secteur de l’énergie a souffert du manque d’organisation et de certification. Ce qui fait que ceux qui ont fait des investissements ont été découragés. C’est pour cela que nous avons créé l’Agence pour la promotion des énergies renouvelables (ANEREE).

Mais, l’énergie solaire, il y a de cela quelques années, était à un niveau où il fallait subventionner ou mettre un certain nombre de moyens pour permettre à ce qu’un investissement puisse être rentable. Depuis 2015, nous avons vu que les paradigmes ont complètement changé en matière d’énergie solaire.

Au Burkina Faso, l’énergie solaire est trois fois plus rentable que l’énergie thermique, parce que le kilowattheure (KWh) à la SONABEL coûte entre 130 et 150 F CFA. Mais, avec l’énergie solaire, vous l’avez à moins de 50 F CFA. Il faut maîtriser la technologie en matière de qualité du matériel et c’est à ce niveau que nous devons faire un effort, parce que certains vont en Chine ou à Dubaï sans expérience aucune pour envoyer des containers de panneaux solaires et s’auto- proclament électriciens.

Des citoyens ont dépensé près de 3 à 4 millions F CFA et se sont sentis grugés à la fin. C’est pourquoi, cette année, nous avons développé le projet Back up solaire qui va être encadré par l’Etat et permettre la sécurisation de l’investissement par une garantie. Je n’excuse ni l’Etat ni le ministère de l’Energie parce que nous avons notre rôle à jouer. Il y a un travail de communication que nous sommes en train d’organiser de façon progressive pour montrer l’intérêt à investir dans l’énergie solaire.

Aujourd’hui, sur la base de la facture que vous payez à la SONABEL, nous pouvons vous faire un investissement solaire sans que vous ne déboursiez 5 F CFA. Vous allez payer l’investissement que vous êtes en train de faire, parce que vous économisez pratiquement 50 F CFA à 100 CFA le KWh. Si nous estimons cela, au bout de trois ans, sur la base de cette facture de la SONABEL, vous payez votre investissement dans le solaire.

Nous sommes en train de montrer à la population, que l’énergie solaire est une manne pour le Burkina Faso, une bénédiction. Le soleil était vu comme une calamité qui nous tape fort, mais en réalité, le Burkina Faso a l’un des meilleurs ensoleillements en Afrique de l’Ouest. Notre pays sera un eldorado en matière d’énergie solaire dans les années à venir.

S. : A quel taux d’électrification, sommes-nous en milieux urbain et rural ?

B.I.O. : En 2015, nous étions à 23% de la population qui avait accès à l’énergie au Burkina Faso. Ce taux était de 3% en milieu rural. Depuis la création du Fonds de développement de l’électrification rurale (actuelle Agence burkinabè de l’électrification rurale-ABER), il y a dix ans, on n’a pu électrifier qu’environ 200 villages. De 2015 à nos jours, nous allons, avec les projets en cours, électrifier 600 autres villages d’ici à 2020.

Les paradigmes ont changé et tous les investissements sont désormais basés sur l’énergie solaire. Cela permet d’avoir un coût de KWh moindre. Le milieu rural ne peut pas payer plus cher le KWh qu’en ville. Nous sommes à 30% de la population qui a accès à l’énergie solaire. Nous visons le taux de 45% en 2020. Aussi, la SONABEL est en train de développer un « Plan Marshall » pour les connexions au réseau.

A ce niveau, nous avons des difficultés avec les compteurs dans certaines régions et dans les quartiers périphériques de Ouagadougou. Mais nous allons atteindre les objectifs fixés au niveau du Plan national de développement économique et social (PNDES), car autour de 750 000 personnes sont actuellement connectées au réseau de la SONABEL pour une prévision d’un million d’abonnés en 2020.

S. : N’y a-t-il pas de risque pour le Burkina Faso de bâtir sa souveraineté énergétique sur les interconnexions avec d’autres Etats ?

B.I.O. : C’est dangereux d’avoir une production basée sur les interconnexions avec les autres pays. A l’heure actuelle, plus de 50% de notre consommation vient de l’extérieur. Nous avons des connexions filaires. D’Abidjan à la centrale de Zagtouli, il y a plus de 1000 kilomètres de câbles.

Du Sud du Ghana à Zagtouli, nous avons presque la même distance de câbles. Donc, nous avons un réseau filaire et aérien de plus de 2500 km qui transporte 50% de notre consommation d’électricité. Mais, le système de connexion est exposé aux intempéries, aux actes de vandalisme, à l’usure compte tenu de la chaleur, si bien que nous pouvons être coupés du réseau.

C’est pourquoi, nous avons trouvé nécessaire d’aller vers des mécanismes qui vont nous permettre d’avoir à l’interne 100 MW pour répondre à la demande. Il faut se le dire, nous ne pouvons pas vivre en autarcie. Rien ne sert de produire l’électricité à un coût exorbitant si l’on peut l’avoir à moindre coût avec les voisins. Néanmoins, nous devons investir pour notre sécurité énergétique. Je suis sûr qu’avec l’énergie solaire, le Burkina Faso va faire des merveilles dans les années à venir.

S. : Qu’est-ce que l’interconnexion avec le Ghana a coûté comme investissements au Burkina Faso ?

B.I.O. : Nous avons mis environ 100 milliards F CFA sur la ligne, grâce à un prêt de la Banque mondiale (BM), de l’Union européenne (UE) et de l’Agence française de développement (AFD). Le Ghana a bénéficié aussi de ce prêt.

Il avait, en effet, besoin d’une ligne de 330 Kilovolt (KV) pour transporter l’énergie au Burkina Faso. Au moment du lancement, nous étions à 50 KV et nous avons été obligés de trouver des partenaires financiers pour nous accompagner à faire l’investissement au niveau du Ghana. Le Ghana a suffisamment d’énergie pour sa population et ce n’est pas sa priorité de chercher de l’argent pour construire une ligne.

Par contre, pour le Burkina Faso, c’est une priorité. Donc, nous nous sommes rendus compte que si nous allons au rythme du Ghana, nous risquons d’atteindre 2020 ou 2022 sans que la ligne ne soit construite. Mais ce sont des investissements qui se remboursent très vite. Quand je prends l’exemple des mines qui consomment 400 MW hors réseau et produisent à des coûts exorbitants, si nous avons la possibilité de réduire le coût du KWh ne serait-ce que de 10 à 20 %, les consommateurs sont prêts à s’engager.

S. : Qu’en est-il du projet d’interconnexion qui doit être financé par la Chine ?

Selon le ministre Ouédraogo, les paradigmes ont complètement changé en matière d’énergie solaire depuis 2015.

B.I.O. : Ce projet, concerne la ligne Ouagadougou – Bobo-Dioulasso. L’électricité que nous importons de la Côte d’Ivoire passe par Bobo-Dioulasso avant d’arriver à Zagtouli. La ligne est constamment saturée parce qu’il y a beaucoup de demandes. C’est mieux de doubler la ligne parce que nous avons l’interconnexion avec le Nigéria en projet d’une puissance de 330 KV qui va transiter par Bobo-Dioulasso, Sikasso jusqu’en Guinée.

C’est ce qui explique le projet de renforcement de la ligne d’interconnexion de Ouaga à Bobo avec 330 mégawatts pour nous permettre de «souffler» et pourquoi pas, de desservir le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire à un moment donné. Les études de faisabilité ont été faites et on a les coûts. Nous sommes en train de faire une contre analyse pour évaluer les taux, parce que ce sont des investissements assez importants.

Pour le moment, c’est un projet très avancé et on attend l’offre du meilleur taux pour faire l’investissement nécessaire.

S. : Ces interconnexions pourront-elles réduire les coupures de courant ?

B.I.O. : C’est notre objectif. Il faut qu’en Afrique,on comprenne qu’individuellement on ne peut pas s’en sortir. Les Etats-Unis paient l’électricité avec le Canada ; l’Allemagne avec la Russie. C’est pareil en Afrique. Certains pays ont un potentiel en hydroélectricité qui peut desservir pratiquement la moitié de l’Afrique. Mais seuls, ils ne pourront jamais lever assez de fonds pour l’investissement.

L’essence de l’interconnexion, c’est permettre à l’investisseur de savoir que le potentiel ce n’est pas seulement le marché local mais sous-régional. Au lieu de faire 20 mégawatts, l’investisseur est prêt à produire 200 mégawatts pour faire des économies d’échelle et réduire le coût du Kilowattheure.

Les interconnexions de façon générale permettent au Burkina Faso de réduire le coût du kilowattheure entre 25 et 40 F CFA selon les endroits. Si nous pouvons économiser 25 ou 40 F sur le kilowattheure pendant que le réseau est stable, nous allons le faire.

S. : En matière d’énergie renouvelable, la recherche est une dimension importante. Qu’est-ce que votre département fait dans ce sens ?

B.I.O. : Au niveau du ministère, nous avons pour ambition d’avoir une sorte de Cluster (groupement) où nous allons avoir tout ce qu’il y a comme formations, applications, recherches dans un même environnement. Nous sommes en train de le développer avec le ministère en charge de la recherche. Les investissements sont pratiquement acquis. L’Union européenne et d’autres investisseurs nous accompagnent.

Parallèlement, nous accompagnons des instituts comme 2IE et l’ISGE. De même, dans le cadre du Millenium challenge corporation (MCC), nous investissons dans le capital humain pour que nos étudiants, nos ingénieurs puissent être au top. Nous sommes en train de mettre en place un technopôle des énergies renouvelables à l’ANEERE dans lequel il y’ aura des incubateurs.

S. : Qu’est-ce qui va changer en matière d’offre énergétique avec le second compact du MCC ?

B.I.O. : Le second compact du MCC est consacré au secteur de l’énergie et je tiens à saluer le peuple américain pour cela. Cette option permettra au Burkina de faire un bond qualitatif dans le domaine. Ce que nous avons décidé de faire avec le MCC, c’est de consolider les lignes de transport de l’énergie. Dans le secteur de l’énergie, on a trois grands segments : la production, le transport et la distribution.

Au niveau de la production, nous avons pratiquement résolu le problème, parce que nous avons réussi à équilibrer l’offre et la demande. Nous avons des investisseurs privés qui sont prêts à construire une centrale de 100 mégawatts par exemple, à produire l’énergie et à l’injecter dans le réseau. Mais les investisseurs privés n’aiment pas assurer le transport de l’énergie, parce que le retour sur investissement est lent. Alors que nous, nous voulons un maillage national.

Même s’il n’y a pas suffisamment de potentiel, le Burkinabé de l’intérieur a aussi droit à l’énergie. Si on laisse ce segment au privé, il va se concentrer sur les régions productives. C’est le rôle régalien de l’Etat de s’occuper du transport. Avec l’importante somme que les Américains vont nous donner, on va investir dans ce segment pour faire un maillage solide au Burkina Faso.

Si les investissements se réalisent dans le cadre du MCC, cela permettra aux investisseurs privés, dans chaque région, de se greffer au réseau, de produire et de distribuer facilement. Ce qui sera un ouf de soulagement pour la SONABEL qui, depuis des années, n’a pas pu faire des investissements solides, parce que ses comptes n’étaient pas au «vert». C’est donc plus qu’une bouée de sauvetage que nous allons avoir avec le MCC.

S. : Beaucoup de coopératives d’électricité COOPEL n’arrivent pas à gérer efficacement leurs réalisations. Qu’est-ce que votre ministère fait pour les accompagner ?

B.I.O. : Le souci avec les COOPEL, c’est que nous avons des membres qui ne sont pas formés à la gestion. Ils n’ont aucune notion de comptabilité ce qui fait qu’aucune banque n’est prête à donner 5 F CFA aux COOPEL alors que même la SONABEL prend des prêts à la banque. Quand la ville se développe jusqu’à un certain niveau, la COOPEL n’a plus les moyens pour faire l’investissement nécessaire, notamment la pose des compteurs et la mise à jour des poteaux électriques.

Nous avons aussi notre part de responsabilité, parce que c’est le ministère qui a écrit les textes des COOPEL. C’est nous qui les avons mis en place. C’est pour cela que nous avons transformé le Fonds de développement de l’électrification (FDE) en Agence burkinabè de l’électrification rurale (ABER) et que nous sommes en train de réécrire les textes des COOPEL. Les textes sont fin prêts.

Nous allons avoir une grande assemblée générale pour revoir les mécanismes. Mais en entendant, il y a des COOPEL à problème, mais il y en a qui fonctionne bien et qui sont même des modèles. Il y aussi des COOPEL emblématiques que nous sommes en train de reverser à la SONABEL. Dans un futur proche, ces problèmes seront derrière nous.

S. : Cela fait pratiquement deux ans, que les populations de la commune de Zabré ne paient pas les factures d’électricité. A-t-on peur de leur couper l’électricité ?

B.I.O. : Nous avons tenu une rencontre à Zabré, à laquelle ont participé la COOPEL, la population, le maire et le haut-commissaire. Il a été décidé que la coopérative sera reversée à la SONABEL. Chacun sait ce qu’il a consommé, et les populations sont prêtes à payer leurs arriérés de deux ans, qui seront échelonnés.

S. : La centrale de Zagtouli avait suscité pas mal d’espoir. Quel est son rendement aujourd’hui ?

B.I.O. : La centrale fonctionne très bien. Il faut aller à la SONABEL pour savoir qu’elle a un impact très positif sur les comptes de la société. C’est pratiquement 25 mégawatts qui sont injectés dans le réseau continuellement. Avant même qu’on ait fini la centrale, la demande était déjà plus élevée.

La SONABEL vend ces 25 mégawatts à un prix intéressant. Je ne vais pas dévoiler les comptes de la SONABEL mais sur le plan financier, elle fait un bond énorme. L’Etat subventionne le fuel utilisé dans les centrales à hauteur de 52 milliards F CFA. Alors que le solaire permet d’éviter la subvention de l’Etat, mais également d’avoir une bonne marge. A titre illustratif, la SONABEL vend à perte en produisant à 90 F CFA le kilowattheure pour le revendre à 75 F CFA.

S. : Le problème de l’énergie solaire, c’est le stockage. Qu’est-ce qui est fait à ce niveau ? B.I.O. : Nous avons le soleil dans la journée. La nuit, il faut stocker l’énergie produite. Avec le MCC et le projet YELEEN, nous sommes en train d’envisager les meilleures options de stockage. Nous allons disposer de batteries pouvant stocker 10 mégawatheures, avec la possibilité d’évoluer entre 30 et 50 mégawatheures. Une étude de faisabilité est en cours. Aucun pays en Afrique de l’Ouest n’a un système de stockage industriel de l’énergie. Le coût du stockage va s’ajouter à celui du kilowattheure. L’investissement est déjà acquis pour les 10 mégawatheures du projet YELEEN.

S. : Qu’en est-il des centrales solaires photovoltaïques de Kaya et de Koudougou, prévues dans le cadre du Projet d’appui au secteur de l’électricité (PASEL) ?

Le ministre de l’Energie, dans le livre d’or, a salué le professionnalisme des travailleurs des éditions Sidwaya.

B.I.O. : Les ouvertures des plis de l’appel d’offre ont eu lieu, le lundi 20 mai 2019 et on a dénombré 23 soumissionnaires. J’espère que dans les jours à venir, nous allons pouvoir publier les résultats des entreprises retenues. C’est 10 mégawatts à Kaya et 20 à Koudougou. Si tout se passe bien, les travaux de construction vont démarrer et dureront entre 12 et 18 mois. Les terrains sont déjà acquis, tout est déjà balisé. D’ici l’année prochaine, on pourra inaugurer ces centrales.

S. : Lors d’une de vos interventions, vous affirmiez que le Burkina Faso pourrait exporter de l’énergie solaire. Comment cela est-il possible ?

B.I.O. : J’ai toujours un pincement au cœur, quand je vois certains rigoler que le Burkina Faso n’est pas capable d’une telle chose. Même à l’Assemblée nationale, on n’y croit pas. Pourtant, nous avons un potentiel. La Côte d’Ivoire et le Ghana nous vendent l’électricité, parce qu’ils ont du gaz et de l’hydroélectricité.

C’est parce que la nature les a privilégiés. Aujourd’hui, le Burkina Faso a le solaire qui est plus compétitif que le gaz, le thermique et l’hydroélectricité. C’est une question d’organisation et d’investissements. Tous les pays développés se sont basés sur leur potentiel pour l’être. Ce qui est encore plus marrant, c’est que ce sont les autres pays qui se rendent compte que le Burkina Faso a un potentiel en solaire et qui nous font des propositions. La CEDEAO nous a permis d’avoir un investissement solaire de 300 mégawatts à vocation sous régionale.

Les études de faisabilité ont commencé. Nous avons déjà demandé aux maires de Koupéla et de Kaya de sécuriser 120 hectares pour qu’on puisse réaliser ce projet.

S. : Où en sommes-nous avec le projet d’unité de montage de panneaux solaires à Dédougou ?

B.I.O. : Il y a effectivement à Dédougou une unité d’assemblage de lampes solaires. C’est un investisseur privé, qui s’est engagé et nous sommes allés l’encourager. Il fait du très bon travail avec des lampes de haute qualité, certifiées ISO. Il mérite un accompagnement, parce que nous sommes inondés par des lampes étrangères de mauvaise qualité. Quand ces lampes tombent en panne, on ne peut plus les recycler.

Alors que cette société fabrique des lampes avec des matériaux recyclables. J’en ai parlé avec mon collègue de l’Education nationale pour lui suggérer de faire de la discrimination positive, en privilégiant cette société en cas de projet d’achat de lampes. Parce qu’elle paie des taxes et emploie des Burkinabè. Par ailleurs, une usine d’assemblage de panneaux solaires est aussi en projet à Kossodo.

Nous l’avons visitée et elle est pratiquement prête. Cette unité aura une capacité de 20 mégawatts, extensible à 50. Les producteurs privés d’électricité (IPP) solaires sont en train d’investir pour 155 mégawatts au Burkina Faso. Il faut qu’on accompagne ces initiatives.

S. : Qu’est-ce que l’opération de remplacement des lampes ordinaires par des lampes LED a eu comme impact sur l’économie d’énergie ?

B.I.O. : A Ouagadougou, il y a des lampadaires LED sur certaines artères. Ça éclaire mieux et consomme moins. Nous avons des réductions de consommation qui vont pratiquement de 50 à 60%. Mais ce sont des artères que nous avons utilisées pour faire des simulations, et voir la réduction de la consommation avant et après. Nous avons constaté un impact très positif. C’est vrai que les lampes LED coûtent plus cher mais si vous avez la possibilité d’économiser 50 à 60% de votre consommation, vous pouvez facilement rentabiliser votre investissement en quelques mois.

Si vous installez des lampes énergétivores, vous allez perdre de l’argent. Si vous achetez un climatiseur à 200 mille F CFA, c’est mieux d’ajouter 200 mille autres pour prendre un inverseur qui va vous permettre d’économiser 50 à 60% et de rentabiliser au bout de deux ou trois mois.

S. : Des techniciens ont sillonné des ménages pour installer des ampoules LED. Où en est-on avec le processus?

B.I.O. : Cela s’inscrit dans le cadre du projet 1 500 000 lampes LED qui a pour vocation d’accompagner les ménages dans les treize régions. Par ménage, on donne entre trois et cinq lampes. Il s’agit de les sensibiliser aux économies d’énergie en optant pour ce type de lampes. L’objectif étant de les inciter à payer désormais les lampes LED. Si on réussit à basculer tout le monde vers les lampes LED, nous allons économiser de l’énergie.

S. : Il était également question d’installer des systèmes solaires dans les bâtiments administratifs…

B.I.O. : Les études ont montré que la climatisation consomme 60% d’électricité dans les bâtiments publics. Cette consommation s’enregistre entre 7h30 et 16h. Et on se rend compte que dans le même laps de temps, il y a le soleil entre 6h et 17h30. Le coût du kWh est de 130 à 150 F CFA avec la SONABEL alors que celui du solaire revient à 50 F CFA. Pour éviter le gaspillage dans les bâtiments publics, il faut les hybrider.

D’abord sur le plan économique, on va diviser la consommation dans ces bâtiments par deux ou trois. Et nous allons résoudre le problème en faisant la corrélation entre l’heure de la climatisation et le potentiel en énergie solaire. Cela va donner du confort, désengorger le réseau et permettre à la SONABEL de s’occuper d’autres clients. Le Conseil des ministres a autorisé un projet pilote avec cinq bâtiments publics à Ouagadougou.

Ce sont l’aéroport, l’hôtel administratif, le ministère de l’Energie, le ministère en charge de l’éducation et celui des Finances. Ce sont des promoteurs privés qui vont faire ces installations sur les bâtiments publics. Ils feront l’investissement et le travail nécessaire pour aboutir à l’efficacité énergétique du bâtiment et à la maîtrise de la consommation d’énergie. A notre tour, nous signerons un contrat avec eux.

Admettons que par mois on payait un million F CFA pour l’électricité. On part sur la base de 800 ou 900 mille F CFA pour le contrat. Cette installation va réduire la consommation et l’Etat va économiser pratiquement 200 mille F CFA par mois. Le promoteur va faire l’investissement et c’est avec les 800 mille qu’il va faire le retour sur investissement. Tout le monde y gagne.

S. : Vous occupez le poste de secrétaire national chargé des jeunes dans le bureau politique national du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Comment êtes-vous arrivé en politique ?

B.I.O. : C’est une longue histoire. Je m’intéresse à la politique depuis le collègue de la Salle à Ouagadougou. C’est dans cet établissement que j’ai commencé à faire la politique avec quelques amis. Plus tard à l’université, mon engagement s’est renforcé à la suite de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.

A un moment donné, j’ai pensé que la politique devait être quelque chose qui permet de développer mon pays. J’ai commencé au bas de l’échelle et j’ai fini à l’université comme responsable national des élèves et des étudiants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), quand Roch Marc Christian Kaboré en était le président.

C’est après l’université que je suis entré dans le bureau politique du CDP. Je suis allé ensuite au Ghana pour des études en anglais puis au Pays-Bas. J’ai poursuivi en Angleterre mais même étant à l’extérieur, je n’avais jamais raté un seul congrès du parti. Mais à un moment, nous avons constaté certaines dérives au niveau de la gestion du parti. On était à l’étroit, taxé de ceci ou de cela. Avec l’expérience que j’ai de l’extérieur, j’ai dit au président Kaboré que je ne me sentais plus dans le parti, notamment avec l’histoire du Sénat et de la modification de l’article 37 de la Constitution.

Du reste, c’est depuis 2008-2009 que nous avons commencé à émettre des inquiétudes sur ces questions. A l’époque, j’ai dit qu’il y avait une alternative parce que l’Union pour le progrès et le changement (UPC) venait d’être créée et beaucoup de camarades s’y sont retrouvés. On était tous prêts à quitter le CDP. Et quand on a eu l’opportunité, on n’a pas hésité. C’est là qu’on a créé le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Parmi les 74 démissionnaires, j’étais le plus jeune. Je connais toute l’histoire du parti, parce que j’y étais aux premières heures.

S. : Vous êtes du Centre-Nord comme Kadré Désiré Ouédraogo. Est-ce que l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle ne complique pas la tâche pour le MPP et pour vous en particulier dans la région ?

B.I.O. : Pas du tout ! M. Ouédraogo est mon oncle. Mais cela ne pose pas de problème. Le MPP travaille sur le terrain et ce sont les résultats qui comptent. La politique, ce n’est pas la guerre, mais le travail. J’attends impatiemment le lancement de la campagne qui va donner l’occasion à chacun de présenter ce qu’il a fait. Nous savons le travail que nous avons fait sur le terrain. Nous avons une proximité avec la population, si bien que nous n’avons pas d’inquiétudes.

S. : Il y a eu un temps où ça grognait au sein de la jeunesse du MPP à cause de l’ouverture aux OSC au détriment des militants de la première heure. Comment avez-vous géré cette situation ?

B.I.O. : C’est normal que les jeunes soient au front pour dénoncer certaines pratiques, car ils comptent pour 75% de la population. Nous sommes arrivés au pouvoir avec beaucoup de compromis et ces conditions recommandaient que l’on puisse s’ouvrir à certains acteurs. Si le MPP voulait rabrouer tout le monde et gouverner avec ses militants, ça n’allait pas aller. Le président Kaboré a été bien inspiré et je lui tire mon chapeau pour la façon dont il a su gérer le pays. Le Burkina Faso revient de loin, après 27 ans de régime Compaoré, après tout ce qu’il y a eu comme coups d’Etat, les actes terroristes, etc.

Le chef de l’Etat avec sa tempérance et son calme légendaire a été choisi pour diriger le pays. Il a fait les bons choix et honnêtement, il faut l’accompagner. C’est ce message que nous avons passé à la jeunesse du parti qui l’a comprise et il n’y a plus de problème.

S. : D’aucuns estiment que depuis le décès de Salifou Diallo, le MPP est l’ombre de lui-même. Que leur répondez-vous ?

B.I.O. : Ceux qui le pensent prennent leur rêve pour la réalité. Le parti a été bâti par trois leaders historiques : le président Kaboré, Salifou Diallo et Simon Compaoré. Le MPP était organisé de telle sorte que si l’un n’est pas là, les autres puissent continuer le travail. Nul doute que Salifou Diallo était une bête politique au Burkina et dans la sous-région.

Nous sommes très peinés de perdre un militant de sa qualité, parce que c’est une figure emblématique du MPP. Mais ceci étant, il a formé des militants. Ce serait mentir que de dire qu’avec son décès le parti n’a pas pris un coup. Quand vous perdez le président de votre parti vous ne pouvez pas ne pas être d’une manière ou d’une autre désarçonné. Mais le MPP est tellement bien ancré sur tout le territoire qu’on s’est réorganisé après son décès.

S. : Pourquoi le MPP est toujours dirigé par un intérimaire après la disparition de son président ?

B.I.O. : Il faut un congrès pour changer le président du parti. C’est aussi par respect pour la mémoire du défunt, que nous n’avons pas voulu procéder immédiatement à son remplacement. La mention intérimaire nous rappelle que c’est un grand monsieur qui est parti.

S. : Selon certaines rumeurs, la désignation d’un président pourrait occasionner l’explosion du parti…

B.I.O. : Ce n’est pas vrai. Le leader du parti, c’est le président Kaboré. Ce n’est pas quelqu’un d’autre, c’est lui le patron. Qui va faire exploser quoi pendant qu’il est là ? Même du vivant de Salifou Diallo, le bureau exécutif se réunissait autour du président Kaboré pour prendre ses directives sur un certain nombre de questions. Le parti est géré correctement comme cela a toujours été le cas. La mise en place des structures se passe très bien. Il n’y a pas de parti sans des courants en son sein et c’est normal que les militants ne voient pas les choses de la même manière. Mais il y a de la discipline qui fait que l’on tait les divergences pour l’intérêt commun du MPP.

S. : Que deviennent les pro-Salif Diallo ?

B.I.O. : Il n’y a pas de pro-Salif ou de pro-un tel. Tout le monde est du MPP. Il n’y a pas de clivages. C’est le président Kaboré qui est le patron du parti. Quand il y a un problème, il tranche.

S. : Qui sont les terroristes qui attaquent le Burkina ?

B.I.O. : Le terrorisme touche tout le monde. Il s’est accentué au Sahel avec la crise libyenne. C’est la coalition entre les Etats-Unis, la France et l’Angleterre qui nous a conduits à cette situation. C’est elle qui a déboulonné Kadhafi, déversé des armes et pas des moindres pour aider les terroristes, sans aucun suivi.

Ces pays ont laissé la Libye dans un état incroyable et c’est de là que viennent nos problèmes. Le Mali a d’abord été touché. Tous les trafiquants qui avaient des complicités avec un certain nombre de chefs d’Etat et l’Europe, écument nos pays et sèment la terreur. Le Burkina Faso n’était pas préparé à cette situation. On se doutait que cela allait arriver et c’est malheureusement le cas. Il fallait donc réorganiser l’armée pour y faire face.

Je suis fier du travail des Forces de défense et de sécurité (FDS). La lutte contre le terrorisme est un travail de longue haleine.

S. : Votre parti a déjà pointé du doigt l’ancien régime comme étant responsable des attaques terroristes. Sur quoi ces accusations sont-elles fondées ?

B.I.O. : Ce n’est pas une indexation, mais c’est la vérité. Lorsque vous voyez des vidéos dans lesquelles, des personnalités embrassent des terroristes dans le désert, que voulez-vous qu’on dise ? Ce sont des copains. C’est la vérité qui nous divise inutilement dans ce pays. Qu’est-ce que l’on gagne à accuser à tort certaines personnes ?

Pourquoi certains croient que nous faisons de la politique avec cette question ? Lorsque des terroristes viennent demander où sont leurs pickup à un Etat, que voulez-vous qu’on dise ? Dans la lutte contre le terrorisme, il faut qu’on se mette tous ensemble, parce que quand les terroristes attaquent, ils ne considèrent pas la couleur politique des victimes.

S. : Mais pourquoi des poursuites ne sont-elles pas engagées contre des personnalités de l’ancien pouvoir ?

B.I.O. : C’est difficile parce qu’elles sont cachées dans d’autres pays. Si elles étaient au Burkina Faso, elles allaient répondre devant la justice.

S. : Est-ce que dans la lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso est suffisamment soutenu par les autres pays de la sous-région ?

B.I.O. : Le Burkina Faso est soutenu dans la lutte contre le terrorisme. Le président du Faso est à la tête du G5 Sahel en ce moment et vous avez vu le dynamisme qu’il a impulsé à cette organisation. En l’espace de quelques mois, plusieurs acteurs se sont réunis à Ouagadougou, autour de la question.

La chancelière Angela Merkel a même participé à une rencontre de haut niveau sur cette problématique. Les autres pays se rendent bien compte que le terrorisme n’est pas seulement l’affaire du Burkina. Tous les Etats ont intérêt à collaborer pour en finir avec ce phénomène. Il y a une bonne collaboration avec les pays de la sous-région. La lutte contre le terrorisme s’inscrit dans la durée, il faut que les populations intègrent le réflexe de dénoncer tout comportement suspect aux forces de défense et de sécurité.

S. : Le front social est en ébullition. Est-ce que le pouvoir n’a pas manqué de tact dans la gestion des revendications ?

B.I.O. : Le MPP est arrivé au pouvoir dans un contexte compliqué. J’en veux pour preuve le fait que le gouvernement soit en train d’appliquer des décrets de 2012.  Tout le monde sait d’où viennent les ressources du pays, qui est pauvre. Le budget de l’Etat est clair ainsi que l’allocation des ressources par secteur. Les travailleurs doivent savoir que le gouvernement ne peut pas régler tous les problèmes tout de suite et maintenant. Il faut du temps.
S. : N’est-ce pas le traitement inégal qui est à la base des remous sociaux ?
B.I.O. : Le président Kaboré a dit à ce propos qu’il faut repenser le traitement des salaires. Il est venu trouver un certain nombre de revendications sur la table, et il a souhaité que tout le monde se mette autour d’une table pour trouver la bonne formule pour rémunérer les travailleurs. Le chef de l’Etat a montré sa bonne volonté, en invitant les uns et les autres à la table des négociations, mais certains n’ont pas répondu à l’appel.
Il faut être franc les uns envers les autres. Le pays appartient à tout le monde. Le MPP est au pouvoir aujourd’hui, demain çà pourrait être un autre parti mais le Burkina Faso va demeurer. Le Burkina Faso utilise ses propres ressources pour fonctionner et s’endette à des taux exorbitants pour financer les investissements. Ça ne peut pas continuer.  Il faut qu’à un moment donné, les Burkinabè acceptent qu’il faille faire des investissements qui permettent à chacun d’en bénéficier.
S. : Pensez-vous que le président Kaboré va être réélu en 2020 au regard du contexte actuel marqué par la fronde sociale et le terrorisme ?
B.I.O. : Il n’y a pas d’inquiétude. Nous sommes sur le terrain, pendant que des adversaires sont en train de critiquer. Les résultats sont têtus. Prenez l’exemple de l’éducation, un marché de 100 écoles est passé pour être réalisé d’ici fin 2019. Le bilan du président Kaboré est positif dans plusieurs secteurs. On ne peut pas tout faire en un mandat et c’est d’ailleurs pour cela qu’il a besoin d’un second.
S. : N’est-ce pas des projets électoralistes qui ont été annoncés ?
 B.I.O. : Le mouvement d’humeur des travailleurs du ministère des Finances a duré près de six mois, est-ce aussi une stratégie de campagne ? Si les marchés étaient publiés depuis le début de l’année  cela aurait été fait.  Accordez-nous le bénéfice du doute. Il faut qu’on accélère. Il faut parfois penser à ceux qui ont besoin du strict minimum mais ne l’ont pas. La société burkinabè doit être plus solidaire.
Entretien réalisé par la
Rédaction 

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