Entrepreneuriat:« Les contraintes qui s’imposent à nos économies sont une opportunité pour réaliser le changement », Armand Sikoudoin Toé

Selon le vice-président de Capitalis SAS, Armand Sikoudoin Toé, nos politiques économiques doivent être fondées sur des ruptures structurelles, c’est-à-dire sur des inversions du cours de l’histoire comme l’a fait le Rwanda.

Spécialiste en finance, en modélisation d’affaires et en stratégie d’investissements, Armand Sikoudoin Toé fait également partie des experts du Salon des banques et PME de l’UEMOA. Dans cet entretien accordé en ligne à Sidwaya, il décortique les enjeux lieux à l’entrepreneuriat social comme alternative aux problèmes de développement du continent africain.

Sidwaya (S) : En Afrique, l’entrepreneuriat des jeunes est de plus en plus présent sur toutes les lèvres. Comment appréciez-vous cette récurrence du discours, surtout politique, sur l’entrepreneuriat jeune ?

Armand Sikoudoin Toé (A.S.T.) : Dans leur ambition de devenir des pays émergents, les Etats africains ont fait des PME, le principal levier de leur croissance économique et de la création massive d’emplois. A cet effet, les ministères en charge de la promotion des PME ont fixé pour objectif d’accroitre et de densifier le tissu des entreprises formelles que sont les PME. Cet ambitieux objectif s’inscrit cependant dans un environnement de fracture de confiance entre le monde des promoteurs et celui des financiers.

En effet, par le passé, le secteur financier en Afrique a payé un lourd tribut aux multiples tentatives de développement des entreprises du fait du manque de professionnalisme et de l’irresponsabilité de nombreux promoteurs. A ce jour, le taux de mortalité des PME demeure très élevé durant les 3 premières années de leur vie. Dans cette situation, lever des fonds pour financer les PME et surtout la start-up est aujourd’hui une mission complexe et quasi impossible.

Les règles prudentielles des banques sont si draconiennes que les promoteurs sont unanimes à dire que les banques ne prêtent pas aux PME ; apparaissant alors comme de simples caisses de dépôt !

S : Au-delà du discours, y a-t-il un accompagnement à la hauteur des enjeux liés à l’entrepreneuriat en Afrique ?

A.S.T. : Au regard de l’environnement que nous venons de décrire, relever le défi titanesque posé par les gouvernements africains avec les approches traditionnelles d’élaboration, de financement et de management de projet semblait improbable au regard des résultats mitigés que nous observons jusqu’à ce jour.

S’il y a une position qui a brillé au niveau du Salon des banques et PME, c’est l’absence d’accompagnement des PME par les banques et si accompagnement il y a, cet accompagnement est inadapté. Cet accompagnement se concentre somme toute sur de grandes entreprises. Le développement par les grandes entreprises ne favorise pas l’économie réelle.

Ce sont les PME qui peuvent être le catalyseur de la transformation des économies africaines. Malheureusement, aucun dispositif ne permet à ce jour d’accompagner les PME africaines.

Pour une solution adéquate aux PME, si on veut mobiliser la jeunesse autour des PME, il y a quatre choses :

– Les incubateurs d’entreprises où on aide les jeunes à monter gratuitement leurs sociétés. Pas juridiquement seulement mais avec les études de faisabilité et les accompagner auprès des banques ;

– Les fonds de garantie qui peuvent couvrir les prêts aux PME à hauteur d’au moins 75%. Ces fonds de garantie paient quand la PME est défaillante.

– Les fonds de capital-risque. Un fond de capital risque est un fond créé par une banque qui prélève chaque année un certain pourcentage sur son bénéfice pour accompagner la PME dans son capital. Dès lors, deux cas se présentent :

un, la PME échoue et la banque échoue avec ; deux, la PME réussit, la banque revend ses parts au promoteur de la PME, ou elle vend ses parts à un tiers ou en bourse ;

– Des crédits subventionnés à très long terme accordés par des banques de développement. Au regard de ces quatre conditions, aucun de ces dispositifs n’existe dans notre espace. Ce sont les politiques économiques bonnes ou mauvaises qui sont à l’origine des directions que nous prenons. Nos politiques économiques doivent être fondées sur des ruptures structurelles, c’est-à-dire sur des inversions du cours de l’histoire comme l’a fait le Rwanda.

C’est cela le génie humain et c’est ce génie humain qui doit être à l’œuvre dans nos économies. Mais au lieu de ce génie, nous constatons que le complexe est à tous les niveaux dans nos pays. Ce complexe se retrouve au niveau institutionnel, social et individuel. L’individu doit valoriser son environnement. Chacun doit, quand il est dans un environnement, se demander, quelles sont les opportunités d’affaires ? Nous devons poser le débat entre nous, par nous et pour nous.

Faire les choses ensemble et dépasser le niveau individuel et être dans l’ensemble et moi, moi dans l’ensemble. L’innovation est dans les nouvelles casseroles. C’est la jeunesse qui constitue ces nouvelles casseroles. Que l’Afrique réponde par ses ressources propres afin qu’elles puissent profiter au niveau social.

Les institutions financières ne s’adaptant pas à nos plans et structurations, il faut les contourner. Il nous faut des dispositifs qui permettent de collecter de l’argent de l’intérieur et de le ramener aux PME.

En clair, il faut développer son propre système de financement, car au final, l’Afrique devra financer son émergence. Cette question aussi cruciale que déterminante demeure un défi fondamental à relever. La preuve, jusqu’à ce jour, tous les plans de développement et programmes développés pour et par le continent ont rencontré des problèmes de financement. Or, l’argent, comme on sait, est le nerf de la guerre. Il faut par conséquent moins en dépendre pour véritablement amorcer son émergence.

Ni les investissements étrangers directs ni les aides au développement ne pourront permettre à l’Afrique d’amorcer un développement à bonne allure. Quelques exemples illustrent cette problématique. Adopté en 1980, le plan d’actions de Lagos s’est heurté à un déficit financier. Le Traité d’Abuja (entré en vigueur en 1994) établissant la Communauté économique africaine (CEA) a connu un sort identique.

Idem pour les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), dont le faible niveau de réalisation montre à quel point l’Afrique est tributaire de l’Aide publique au développement (APD), de l’endettement public et des Investissements directs étrangers (IDE). Le NEPAD n’a jamais décollé, faute d’argent. Le temps est certainement venu pour l’Afrique, de chercher à se doter de son propre système financier. La viabilité de tous ces programmes d’émergence annoncés ici et là en dépend.

S : Il est de plus en plus question d’un concept nouveau, l’entrepreneuriat social. De quoi s’agit-il, vous qui êtes un spécialiste de la question ?

A.S.T. : Une entreprise sociale est une structure de l’Economie sociale et solidaire (ESS). L’Economie sociale et solidaire (ESS) regroupe un ensemble de structures qui cherchent à concilier utilité sociale, performance économique et gouvernance démocratique, avec pour ambition de créer des emplois et de développer une plus grande cohésion sociale. Les structures de l’ESS sont présentes dans tous les secteurs d’activité et peuvent prendre de multiples formes juridiques : associations, coopératives, mutuelles, fondations, entreprises sociales à statut commercial.

Elles ont pour ambition commune de créer des emplois pérennes et non délocalisables, de développer une plus grande cohésion sociale et d’apporter des réponses aux besoins socio-économiques des territoires. Elles reposent toutes sur un projet social qui s’exprime à travers leur activité, les personnes qu’elles emploient, leurs clients et bénéficiaires ou leur mode d’organisation. Les principes caractérisant l’entrepreneuriat dans l’ESS, que les entreprises sociales se doivent de respecter :

– la poursuite d’une utilité sociale ;

– la recherche d’un modèle économique viable ;

– la gouvernance démocratique ;

– la lucrativité limitée ou la rentabilité mise au service de la finalité sociale. Et on pourrait se poser la question de savoir, si une entreprise peut être sociale ? Au-delà des statuts historiques de l’ESS, à savoir les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, l’ESS s’ouvre aux entreprises à statut commercial poursuivant un objectif d’utilité sociale, et faisant le choix d’appliquer les principes de l’ESS. C’est de cette forme dont il est question aujourd’hui afin de transformer nos problématiques de développement en opportunité business.

L’entrepreneuriat social est un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : primo, un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices. Secundo, une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l’information et la participation des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise.

Tertio, une gestion conforme aux principes suivants à savoir que les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise ; et les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées.

S : Vous êtes de ceux qui pensent que l’entrepreneuriat social constitue le modèle de développement qui convient le mieux à l’Afrique…

A.S.T : Les PME, telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui, ne contribuent pas au développement de l’économie réelle. On entend par “économie réelle”, l’ensemble des comportements économiques qui ont une influence concrète sur les chiffres d’affaires des entreprises. Cela fait référence aux achats de produits et services effectués par l’être humain dans le but de satisfaire ses besoins quotidiens et concrétiser ses projets. Les dépenses sont réelles dans la mesure où l’argent est utilisé pour effectuer des paiements. Les salaires versés aux employés, les règlements des charges domestiques, les achats immobiliers, etc. tout cela est assimilé à l’économie réelle car, il y a une posture actionnariale qui est une posture un peu classique, capitaliste et en quête de profit court terme et pas de plus-value long terme et de durabilité.

Les ONG sont limitées quant aux levés de fonds même si elles ont le déclic. Les banques, même dans leur volet RSE, présentent une certaine chronophagie à vouloir changer le système tel qu’il est aujourd’hui. L’entrepreneuriat social et le crowdfunding (financement participatif ou sociofinancement) seraient donc dans nos sociétés une solution de financiarisation de l’économie qui consisterait à proposer des produits très complexes, très structurés, au grand public.

L’expert en stratégie d’investissements, Armand Sikoudoin Toé :
« l’entrepreneuriat social est la mise en œuvre d’une vision, d’une innovation sociale, d’un génie dans la transformation de nos problématiques
de développement en opportunités business ».

Ce qui permettrait de réconcilier l’investissement et les finances et par derrière l’économie réelle, qui plus est, sociale car l’économie sociale et solidaire est plus durable ; c’est l’économie qui va gagner sur le long terme. Une plateforme de financement participatif (plateforme de mobilisation d’épargne durable) est donc indispensable et aura un objectif pour permettre au grand public de soutenir et d’investir dans des projets qui ont un impact positif sur la société, donc sur l’économie réelle et sociale. Cette stratégie fera de l’impact car des entreprises seront financées, des fonds colossaux mobilisés, des investisseurs institutionnels fédérés autour de ces projets, des emplois créés ou consolidés grâce à l’investissement.

Ce type d’entrepreneuriat devra être très encadré par des institutions locales fortes qui permettront à nos sociétés de se regrouper dans un consensus pour réaliser des objectifs de développement où chacun peut trouver un emploi, d’où l’idée de transformer nos problématiques de développement en opportunités business. Le début du développement a besoin d’un pouvoir fort et de consensus social qui permette d’avancer. L’entrepreneuriat social a un rôle reconnu pour le développement d’une croissance intelligente, durable et inclusive.

S : Cela veut-il dire que l’Afrique n’a pas besoin d’investissements capitalistiques ?

A.S.T. : J’évoquais tantôt, le caractère inadapté des investissements capitalistiques à nos réalités. Qui dit croissance économique, dit besoin d’investissements. L’investissement capitalistique est complémentaire de la stratégie que nous proposons ; donc l’investissement capitalistique est un besoin réel pour nos pays. Mais force est de constater que cet investissement, en déclin depuis 2010 avant d’avoir un regain en 2017 mais reste toujours en deçà des besoins, est inadapté au contexte africain. Nombre de forum sont organisés chaque année pour attirer des investissements directs étrangers mais aussi des investissements des Africains eux-mêmes qui investissent sur leur continent.

Ces investissements constituent un moteur très important pour la croissance à venir. Ce qui pose problème, c’est l’orientation de ces investissements. La plupart du temps, beaucoup de secteurs stratégiques échappent à nos Etats non par ignorance mais par l’imposition de l’orientation de ses fonds qui attendent des retours d’investissement à court terme. Cette posture actionnariale classique ne peut être profitable à une stratégie d’investissement qui favorise le développement de l’économie réelle.

S : Aujourd’hui, quelle place l’entrepreneuriat social occupe-t-il dans nos pays ?

A.S.T. : L’entrepreneuriat occupe une place marginale dans nos sociétés et il n’existe pas à ce jour un cadre juridique et règlementaire pour la création et l’essaimage des entreprises sociales. Comme à l’accoutumée, l’entrepreneuriat social est chapeauté dans nos pays par l’Union européenne qui, selon elle, je cite : « l’entrepreneuriat social couvre les types d’entreprises suivants : un, celles pour qui l’objectif social est la raison de l’activité commerciale, souvent sous la forme d’un haut niveau d’innovation sociale. Deux, celles dont les bénéfices sont principalement réinvestis pour atteindre cet objectif social.

Trois, celles où la méthode d’organisation ou le système de propriété reflète la mission de l’entreprise, en utilisant des principes démocratiques ou participatifs ou en se concentrant sur la justice sociale » (Trust Fund For Africa). Dans la même veine et selon la même source : « l’Union européenne, et notamment à travers le Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique, a lancé des initiatives visant la promotion de programmes économiques inclusifs générateurs d’emploi, en privilégiant la formation professionnelle, la création de micro et petites entreprises, et l’entrepreneuriat.

L’Union européenne accompagne également l’émergence du secteur privé, en travaillant sur les chaines de valeur, ainsi que sur la structuration des chambres de commerce euro-burkinabè. Il s’agit, plus largement, d’améliorer durablement l’environnement des affaires, pour permettre l’émergence d’un secteur privé fiable, responsable et propice au développement de l’entrepreneuriat social ». Vous conviendrez avec moi que là encore, nous avons laissé un vide stratégique à la merci du même système qui n’a jamais fonctionné, d’où mon affirmation que des secteurs stratégiques échappent à nos Etats.

A votre question, je répondrai qu’à ce jour aucune place n’est accordée à l’entrepreneuriat social dans nos pays.

S : L’approche semble nouvelle, comment intéresser la jeunesse africaine à l’entrepreneuriat social ?

A.S.T. : Joseph Ki-Zerbo a dit que la culture est le logiciel du développement. Il faut qu’on donne la priorité aux cultures locales pour réenraciner la jeunesse, lui apprendre à s’épauler pour réussir selon le paradigme OCD (obéir, coopérer, diverger). Pour cela, la jeunesse a besoin d’encadrement.

Il faut mettre en place des incubateurs sociaux qui accompagnent gratuitement cette jeunesse dans la formalisation de leurs projets, la création et/ou la consolidation de leurs structures de l’économie sociale et solidaire, dans leur éventuel changement d’échelle, dans le développement de leur gouvernance ainsi que la formalisation de l’innovation sociale dont elle est le porteur.

Ensuite, il faut pouvoir les accompagner auprès des structures et des plateformes capables de les financer. Le recours au financement participatif serait une alternative crédible dans ce cas-là. Il faut aussi des hommes levains qui soulèvent la pâte sociale. C’est ce que le Dr Ra-Sablga Ouédraogo a appelé « les minorités historiques ». Ces minorités historiques doivent opérer des alliances stratégiques entre elles.

Nous avons dans nos pays tous les éléments de développement, encore faut-il que nous ayons une claire conscience de notre responsabilité dans le changement qualitatif de nos économies afin que ces changements profitent au plus grand nombre. L’entrepreneuriat social est la mise en œuvre d’une vision, d’une innovation sociale, d’un génie dans la transformation de nos problématiques de développement en opportunités business. La clé du succès, c’est la vision d’abord.

La plénitude de la vision, c’est sa réalisation complète. On ne peut pas avoir la plénitude si on n’a pas une révolte intérieure. Cette révolte intérieure est très visible aujourd’hui dans nos sociétés. Si on est satisfait du monde présent, on ne peut pas avoir une vision. Sans vision, les peuples se meurent. Une vision est donc portée par une personne révolutionnaire. La meilleure révolution dans nos sociétés d’aujourd’hui est d’opérer un développement par le bas qui sortirait la grande masse de la misère d’où le recours à une innovation sociale.

L’indignation est donc le motivateur à l’entrepreneuriat social. Dès lors nous ne sommes pas plus que les hommes politiques qui voulons avoir un aspect concret. Il faut donc être indigné par la façon dont fonctionne la finance. Aujourd’hui, moins de 10% des transactions financières dans le monde financent l’économie réelle. L’argent ne finance que des secteurs controversés et c’est un milieu très opaque.

Ce qui peut déclencher le désir des jeunes à s’engager pourrait être la résultante de la combinaison de différents éléments : avoir la fibre sociale, la conviction qu’il y a une expertise, un modèle économique, qu’on est en face d’un besoin, qu’on va pouvoir construire quelque chose qui va avoir une viabilité économique, la conviction qu’il y a une nécessité fondamentale de changer le comportement de la finance. Le couple entrepreneuriat social et financement participatif serait la clé.

S : Au niveau des décideurs, y a-t-il une réelle prise de conscience par rapport à l’enjeu lié à la promotion de l’entrepreneuriat social dans nos pays ?

A.S.T. : L’enjeu est de pouvoir créer un cadre règlementaire et un environnement juridique adapté à ces nouveaux acteurs. Car, il s’agit bien d’accompagner de nouveaux acteurs de l’économie sociale et solidaire, dont l’objectif est de conjuguer efficacement soutenabilité financière avec activités génératrices de revenus et de bien-être social. Point de jonction entre le monde associatif et celui des entreprises privées, l’entrepreneuriat social doit avoir une visibilité adaptée pour mettre en évidence son impact positif sur la société.

Avec le concours de l’Agence universitaire de la Francophonie, l’Université Thomas-Sankara a mis en place son Master professionnel (M1 & M2) en économie et gestion des entreprises d’économie sociale et solidaire. C’est une formation ouverte à distance au grand public. Cela est déjà un pas très important. Cela prouve que le besoin est réel et que les décideurs ont pris réellement conscience de l’enjeu à promouvoir ce type d’entreprises qui agissent vraiment sur l’économie réelle, sociale et solidaire qui est plus inclusive.

Ce qu’il nous faut en Afrique, ce sont des ruptures structurelles, comme le souligne le docteur Ra-Sablga Ouédraogo, « un peuple voit son destin changer en bien ou en mal par une partie de l’élite. Ce sont des minorités qui changent le destin d’un peuple. C’est quelques acteurs clés qui se mettent en alliance stratégique pour changer le destin de leur pays » ; c’est ce qu’il a appelé « les minorités historiques ».

C’est à nous d’approcher les décideurs avec des propositions concrètes pour la mise en place d’un cadre d’intervention bien encadré. Si nous attendons tout des décideurs, les priorités sont si nombreuses que nous allons nous complaire dans des revendications et des critiques sans jamais agir. Je viens de dire tantôt que nous ne sommes pas plus que des hommes politiques qui voulons avoir un aspect concret. Tous les ingrédients sont disponibles pour passer à l’action. Personne ne nous en voudra de mettre notre vertu et notre honnêteté au service de notre société.

Quand nous prenons le PNDES II au Burkina Faso par exemple

– et je crois que les axes qui y sont développés peuvent se transposer dans tous nos pays aujourd’hui dans un contexte de crises sanitaire et sécuritaire à quelques variantes près

– il y a toutes les ouvertures possibles pour susciter « une minorité historique » qui peut prendre les devants et changer les choses. Il faut savoir lire entre les lignes dans nos plans de développement afin d’agir ensemble à travers des stratégies intégrées. Pour peu que nos décideurs nous prêtent une oreille attentive, nous ferons des merveilles qui changeront radicalement notre devenir pour nous établir dans un ordre social désirable.

Ces minorités historiques doivent susciter un nouvel esprit qui va produire le changement dans notre société. Nous nous plaignons toujours que nous sommes fatigués de notre condition, de vivre les mêmes déceptions, les mêmes frustrations. Nous devons accepter le changement qui va faire naître une meilleure expression de nous-mêmes, qui fera en sorte que nous construisions la société que nous voulons édifier.

Devenir ce que nous voulons, c’est engager la bataille dans notre esprit. Notre esprit est l’arme la plus puissante qui soit. Changer, c’est difficile. C’est un processus lent et long mais le progrès est lent et long. La patience et la constance doivent nous animer dans notre marche. La configuration et les contraintes qui s’imposent à notre société aujourd’hui et à nos économies sont une opportunité inouïe pour ce changement.

Réclamons à nous-mêmes une nouvelle attitude, une nouvelle perspective, une nouvelle vision de notre société, une nouvelle manière de voir notre vie. Ne gâchons pas cette opportunité dans des discours statiques et fallacieux en rejetant la faute sur nos décideurs. Si nous faisons confiance à notre instinct, à notre esprit et agissons en conséquence, les décideurs suivront car ils sont conscients que le mandat qu’ils détiennent viennent de nous, de la société. Puisse Dieu susciter ces « minorités historiques ».

Interview réalisée par Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

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