Ethiopie : la paix est encore possible

Le conflit entre le gouvernement fédéral de l’Ethiopie et les rebelles du Tigré (une des 9 régions du pays) a connu un regain de tension cette semaine. De violents combats ont opposé, lundi dernier, l’armée nationale aux forces rebelles du Front de libération du peuple du Tigré. Pendant que les troupes séparatistes soutiennent avoir pris le contrôle de Dressie et Kombolcha, deux villes stratégiques dans le Nord de la région Amhara, le gouvernement éthiopien balaie d’un revers de la main cette « percée ». Au-delà de la guerre des ondes à laquelle se livrent les deux parties, une chose est sûre.

La nuit du dimanche 31 octobre au 1er novembre 2021 n’a pas été du tout celle de la tranquillité dans la ville de Kombolcha. Plusieurs habitants de la localité ont témoigné avoir entendu des coups de feu sans interruption jusqu’au petit matin. Certains affirmant avoir entendu une frappe aérienne. Le hic est qu’il s’avère impossible de lever le voile sur l’issue de cette bataille pour la conquête des axes stratégiques. Les lignes de télécommunication dans la zone ont été coupées du reste du pays, rendant ainsi difficile la vérification des faits.

Si cette victoire d’étape venait à être confirmée, cela pourrait constituer une menace sérieuse pour l’armée fédérale, déjà en difficulté. Les forces tigréennes du TPLF auraient de leur côté un véritable boulevard pour lancer l’assaut sur la capitale Addis-Abeba située à 400 km. Au regard de la persistance de la crise qui dure maintenant plus d’un an, les populations des localités concernées sont en droit de se poser des questions sur les mobiles réels du conflit. Celui-ci n’a pas débuté en 2020. La question qui oppose les deux parties remonte, en réalité, dans les années 1940.

Pour avoir réclamé en vain l’indépendance après la guerre civile d’Ethiopie, une solution palliative avait été trouvée et a consisté à ériger le Tigré en région et gouvernée par le TPLF. Mais force est de constater que ce remède n’a été qu’une goutte d’eau dans la mer. La région du Tigré est toujours à la queue en matière de développement. Ce retard est imputé en partie, selon certaines langues, aux restrictions budgétaires au niveau central, à un réajustement structurel et à une bureaucratie centrale largement dominée par les Amhara, qui ont utilisé leur pouvoir pour empêcher les fonds autorisés par le gouvernement d’atteindre le Tigré.

Et la conséquence est que l’idée d’une scission devient de plus en plus grandissante au sein des populations de la localité. Elles qui souffrent le martyr ne demandent que la paix et le développement. Les douze mois de conflit, ont poussé, selon l’ONU, plus de 400 000 personnes au bord de la famine au Tigré. La propagation des combats en Afar et Amhara a déplacé des centaines de milliers de personnes et étendu encore la détresse humanitaire. En septembre, les autorités d’Amhara estimaient qu’au moins 233 000 civils fuyant l’avancée rebelle avaient trouvé refuge à Dessie et Kombolcha.

Cette situation pourrait se dégrader davantage si la guerre perdure. Et pourtant un accord de paix est encore possible selon certains spécialistes. Pourquoi ne pas alors l’explorer pour soulager les populations qui endurent des peines depuis plusieurs décennies. Les autorités éthiopiennes et les responsables du Tigré doivent donc enterrer la hache de guerre et aller à la table de négociation. A ce propos, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, pourrait au moins donner l’exemple. Ne l’a-t-il pas déjà osé pendant le conflit entre son pays et l’Erythrée voisine ? Toute chose qui lui a valu le prix Nobel de la paix 2019 pour l’accord de paix conclu avec son voisin et pour ses réformes démocratiques.

Abdoulaye BALBONE

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