Etre en paix ou avoir la paix ?

Nous sommes entrés dans la nouvelle année mais nos cœurs peinent à se renouveler malgré les années qui passent. Nous y sommes entrés sans faire le ménage en nous et autour de nous. Nous avons fait irruption dans la nouvelle année le cœur en éruption. L’inimitié est un fardeau pour celui ou celle qui la nourrit mais combien sommes-nous à franchir le cap de l’année écoulée avec la haine du prochain en bandoulière ? Combien sommes-nous à la franchir avec la rancœur et la rancune ? Dans des familles de même sang, des frères et sœurs continuent de se détester à mort. Ils se jettent des sorts et chacun prie pour que le malheur s’abatte sur l’autre. Ils ont fait du pardon un totem et seule la vengeance peut apporter la paix dans la fratrie déchirée. Peut-on vraiment se faire la guerre pour avoir la paix, pour être en paix, avec qui ?

Il n’y a rien de pire que deux frères qui ne se serrent plus la main et ne se disent plus bonjour. Il n’y a rien de plus que l’enfer, quand des frères en viennent à s’éviter au point de ne pouvoir s’asseoir sur le même banc à l’église ou sur la même natte à la mosquée. Parfois jusqu’au lit d’hôpital, certains refusent de tendre la main à leur propre frère et préfèrent mourir avec l’ire coupable sans jamais céder à l’élan du cœur compatissant qui soupire. D’autres préviennent de leur vivant qu’ils ne veulent pas voir leur frère s’incliner sur leur dépouille ou assister à leurs obsèques. Ils ont su transmettre leur haine à leurs enfants qui se regardent en chiens de faïence. Et chacun célèbre l’échec de l’autre en remerciant le ciel d’avoir impitoyablement frappé l’autre du malheur tant souhaité. Jusqu’à quand allons-nous continuer à pleurer parce que l’autre sourit et rit de joie ? Pourquoi, le bonheur des uns fait-il mal aux autres et en quoi la douleur de certains peut-elle procurer du plaisir à d’autres ? Nous sommes entrés dans la nouvelle année avec la hargne d’en finir avec le frère ou le collègue gênant qui met les bâtons dans nos roues. S’il plait à Dieu, cette année, il ira six pieds sous terre et le service retrouvera sa quiétude d’antan. Et la famille vivra mieux sans le trouble-fête encombrant.

Le nom du malaimé est déjà sur la liste cabalistique des faiseurs de deuil et le mauvais œil est déjà à ses trousses. On ira au bout du monde chercher les potions les plus immondes pour le foudroyer. Entre la mort lente, violente ou brutale, certains choisiront celle lente pour prendre le temps de languir et de jouir du pire en voyant leur ennemi souffrir et finir à petit feu. D’autres préconiseront le coup brutal et fatal qui en découd avec éclat et fracas. Ils viendront verser des larmes de crocodile aux obsèques de leur victime et regarder leur bête noire raidie dans son cercueil pour s’assurer que c’est fait et bien fait. Il y a des gens dont la simple poignée de main est mortelle. Ils vous empoisonneront en mangeant dans le même plat que vous sans laisser la moindre trace de soupçon. Ce monde est abscond ! Mais on a beau avoir l’antidote de son poison, il est difficile de se procurer celui de sa propre mort. Nous sommes entrés dans la nouvelle année avec des vœux et des prières. Mais seuls les dupes croient aux vœux pieux et pensent qu’il suffit de formuler les plus belles phrases pour avoir les effets escomptés.

En vérité, nous aurons ce que nous demandons à la hauteur de nos volontés communes et de nos aspirations partagées. Si la paix était un mot magique, entre Israël et la Palestine, la fraternité et la volonté de vivre ensemble l’emporteraient sur l’escalade de la violence. Les canons ne se redresseraient pas contre les jeteurs de pierres. Mais comme l’avait dit un sage, Palestiniens et Israéliens se sont entendus pour ne pas s’entendre. Là-bas, on prie les armes à la main, comme si Dieu ne suffisait pas pour veiller sur ses créatures et ramener la paix entre les deux frères : l’élu et « l’intrus ». En Terre sainte se mène une guerre fratricide malsaine, mais Dieu a-t-il vraiment une main cachée derrière les hécatombes ? Au nom de quel Dieu peut-on verser le sang de l’autre pour préserver le sien, si tant est que Dieu lui-même est bon et miséricordieux ? C’est drôle de voir qu’on peut crier le nom de Dieu dans toute sa grandeur et sa miséricorde et tirer à bout portant sur son prochain et mériter le « paradis » et ses délices. On ne peut pas avoir la paix autour de soi sans être en paix avec soi.

Clément ZONGO clmentzongo@yahoo.fr

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