Exploitation des terres au Libéria : des Burkinabè, entre conflits et coups bas

L’ambassadeur du Burkina Faso au Libéria avec résidence à Abidjan, Mahamadou Zongo, a échangé, le mercredi 4 mai 2022 à Soubré, avec les compatriotes travaillant dans les plantations dans des comtés libériens de Grand Gedeh et Nimba.

Les conditions de vie des compatriotes exploitant des champs de cacao au Libéria, précisément dans les comtés de Grand Gedeh et de Nimba, n’ont plus de secret pour l’ambassadeur du Burkina auprès de ce pays, Mahamadou Zongo. Les planteurs, embarqués dans l’aventure libérienne, ont porté leurs préoccupations à sa connaissance, le mercredi 4 mai 2022, au cours d’une rencontre tenue au consulat général du Burkina à Soubré. La plupart d’entre eux viennent de ce département du Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, à partir duquel ils vont au Libéria. Le premier problème soulevé est relatif aux querelles de leadership et autour de la gestion des terres louées généralement auprès des autochtones libériens. Des Burkinabè installés à Grand Gedeh et à Nimba se déchirent, au point de corrompre des agents de l’immigration pour qu’ils maltraitent leurs compatriotes, les emprisonnent ou les dépossèdent de leurs plantations. Plusieurs témoignages pathétiques ont permis de cerner cette triste réalité.

L’ambassadeur du Burkina Faso, Mahamadou Zongo, a promis que l’Etat travaillera à faciliter les conditions de séjour des compatriotes au Libéria.

« J’ai acquis un terrain auprès des Libériens pour cultiver du cacao. Quand mon champ a commencé à produire, un frère, de mèche avec d’autres compatriotes et les autorités locales ont chassé mes employés pour occuper impunément une partie de mon périmètre », a raconté André Kaboré. Rodrigue Ouédraogo, un autre Burkinabè provenant de Guiglo, a aussi conté ses misères. « J’ai mené des démarches auprès des autorités libériennes, qui m’ont accordé 3 000 hectares pour une entreprise agricole. J’ai voulu associé d’autres compatriotes, mais j’ai été torpillé et trahi, de sorte que mon projet est tombé à l’eau », a-t-il confié. Il a renchéri en ces termes : « des compatriotes ont même comploté pour qu’on m’expulse de la maison où j’habite, en proposant le double de mon loyer à mon bailleur».

« C’est de la jalousie »

D’autres mésaventures ont été également rendues publiques, au grand dam du porte-parole de la communauté burkinabè au Libéria, Noufou Congo. « Il y a des Burkinabè qui sont solidaires, mais il y a d’autres qui dépensent leur argent pour faire du mal à d’autres Burkinabè », a regretté celui-ci. La plupart des auteurs des témoignages ont pointé du doigt le planteur, Simon Zongo, Burkinabè installé à Grand Gedeh, considéré comme la source de leurs malheurs. Avec la bénédiction des autorités locales, il se ferait passé pour le maitre des fôrets libériennes, décidant de qui peut disposer de terres ou pas, selon certains compatriotes. D’autres accusent Simon Zongo d’être mêlé à la mort de certains Burkinabè. Présent à la rencontre, l’intéressé a réagi aux « attaques » contre sa personne. « C’est de la jalousie.

Je suis arrivé au Libéria en 2017, après nombre de compatriotes. J’ai travaillé à acquérir des terrains que j’ai fait borner en dépensant plus de 47 millions F CFA et sur lesquels je cultive du cacao. C’est sur cette base, que j’ai commencé à céder des terres à d’autres Burkinabè. Seulement, certains veulent squatter mes terrains, ce que je n’admettrai jamais », a-t-il expliqué. M. Zongo, dont le nom est sur toutes les lèvres, ne s’est pas limité à là, dans sa défense. « Des compatriotes ont dit aux autorités locales, que je voulais instaurer une rébellion au Libéria, pour me créer des problèmes. D’autres m’ont accusé d’avoir tué des gens, détruit des champs, des maisons, etc. J’ai été enfermé pendant neuf mois à cause de ces accusations non fondées. J’ai dépensé plus de 9 millions F CFA pour être libéré », a poursuivi le planteur.

Il dit employer plus de 2000 personnes et disposer de plus de 100 000 hectares de terres au Libéria. « Je n’ai jamais souhaité du mal d’un Burkinabè. On m’en veut pour rien», a clamé Simon Zongo, qui semble être la risée de la communauté burkinabè au Libéria. Entouré entre autres du ministre conseiller, Roger Konombo et du consul général de Soubré, Honoré Bazié, l’ambassadeur du Burkina au Libéria a déploré les « règlements de compte » entre compatriotes. « Il y a beaucoup de désaccords entre les Burkinabè. Nous ne sommes pas là pour donner raison à qui que ce soit. Nous devons travailler à éviter les bagarres inutiles. Il faut cultiver la paix et l’entente », a réagi le diplomate. « Nous allons voir comment faire, pour que chaque Burkinabè installé au Libéria, travaille dans sa plantation dans la tranquillité», a-t-il ajouté. L’ambassadeur a été aussi interpellé sur la location des terres au Libéria, qui ne met pas les Burkinabè à l’abri de brouilles avec leurs tuteurs, les documents établis n’étant pas reconnus par les autorités locales.

De la question des terres

« Il n y a pas une loi qui détermine la durée de l’exploitation des champs au Libéria. Les documents signés avec les tuteurs ne sont pas valables. Nous allons discuter avec les autorités libériennes pour voir, s’il est possible de disposer de papiers pour la location des champs », a répondu l’ambassadeur Zongo. Pour lui, tout comme le consul général de Soubré, ce qui importe est que la plupart des Burkinabè en partance pour le Libéria aient leurs documents d’identité. « Certains Burkinabè qui vont au Libéria ne disposent pas de CNIB, ni de passeport burkinabè, ni de carnet CEDEAO. Cela engendre des problèmes avec les autorités libériennes, qui ne sont pas opposées à leur présence. Elles y voient plutôt une opportunité pour développer l’agriculture locale. Seulement, vous devez attester de votre identité aves des documents. Vous devez aussi vous signaler aux autorités libériennes à votre arrivée », a signifié l’ambassadeur à ses interlocuteurs. A l’écouter, le Libéria respecte le protocole de la libre circulation des biens et des personnes de la CEDEAO. « Ce sont nos compatriotes non en règle du point de vue des documents d’identité, qui connaissent des tracasseries. Ils sont obligés de payer 150 000 F CFA pour avoir un permis de séjour et de travail .

Certains entrent sur le territoire libérien avec la carte consulaire, établie en Côte d’Ivoire où elle est uniquement valable», a soutenu le diplomate. Il a par ailleurs mis en garde les compatriotes, qui se font racketter par des policiers ivoiriens, en voulant transporter des semences de cacao de la Côte d’Ivoire vers le Libéria. « Cette pratique est interdite, tout comme le racket. On ne doit pas aller d’un pays à un autre avec des semences, sans qu’il y ait des accords. On peut aller en prison pour cela », a commenté l’ambassadeur Zongo. Il a indiqué que les compatriotes installés ou désirant s’installer au Libéria doivent se conformer aux lois et coutumes de ce pays, au-delà des papiers d’identité nécessaires. « Nous allons travailler avec les autorités libériennes pour que votre installation sur leur terre se fasse dans les règles de l’art. Ce qui vous évitera des soucis », a promis le diplomate aux Burkinabè présents au Libéria ou qui aspirent à y poser leurs valises.

Kader Patrick KARANTAO

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