Fête de la nativité : «C’est le moment d’extirper la haine de notre cœur», abbé Paul Da

Le chargé de la communication de la conférence épiscopale Burkina-Niger, l’abbé Paul Da : «Noël, c’est l’incarnation de Dieu».

Le chargé de la communication de la conférence épiscopale Burkina-Niger, abbé Paul Da, revient dans cet entretien sur le sens de Noël.

Sidwaya (S) : Demain, les chrétiens du monde entier célèbrent Noël. Quel est le sens de cette fête?

Abbé Paul Da(A.P.D.) : Noël est une fête populaire connue de tous, mais c’est plus que la naissance de Jésus Christ que nous célébrons chaque année. Noël, signifie essentiellement ‘’Dieu est amour’’. Et pour nous chrétiens, c’est le Christ et lui seul qui se révèle pleinement par son être, ses paroles, ses gestes. Il incarne cet amour de Dieu. Dans la première lettre de Saint Jean au chapitre quatre, verset huit à seize (1Jean4, 8-16) on voit cette réalité incarnée. Et Noël c’est l’incarnation de Dieu dans le visage humain pour dire que l’essentiel de l’être, c’est d’incarner à son tour cet amour et c’est ce qui le relie à Dieu et aux autres. C’est ça qui nous impose de célébrer Noël chaque année et non pas un anniversaire que nous fêtons.

S. : Comment le chrétien doit-il célébrer cette fête, surtout dans un contexte d’insécurité ?

A. P. D. : Si l’on dit Noël veut dire ‘’Dieu est amour’’ cela veut dire que j’entre dans la fête par mes actes de charité. Et actuellement au Burkina Faso, nous avons des gens qui ne savent pas où dormir, un peu comme Jésus d’ailleurs à sa naissance. Si je rentre en relation avec celui-là, ça veut dire que moi qui ait un toit, je dois lui apporter un peu de joie, de paix, de réconfort, un peu de tout ce qui peut lui permettre de retrouver cette dignité d’enfant de Dieu. Et la situation d’insécurité dont vous parlez conduit beaucoup de personnes dans la précarité. Donc, célébrer Noël, ce serait ça et je verrai bien que quelqu’un, au lieu d’acheter un bel arbre de Noël qui n’a, à mon sens, aucune signification particulière dans notre contexte ici, que je prenne cet argent pour aider un déplacé. Le déplacé est autant enfant de Dieu que le Pape qui est à Rome. Quand on regarde l’histoire humaine à travers les siècles, c’est une histoire de fraternité brisée, et c’est ce que Jésus est venu réparer. Pour nous qui vivons ces blessures et meurtrissures actuellement, il peut y avoir la grande tentation de désespérer et même de se résigner, mais Jésus vient nous rappeler qu’un peuple qui vit dans la haine se détruit. Noël c’est le moment d’extirper de notre cœur, tout ce qui est haine, et amertume.

S : On remarque, effectivement, que des fidèles mettent l’accent sur les artifices : arbre de Noël, crèches, vêtements,…plutôt que de vivre la fête comme vous l’avez souligné. Que leur dites-vous ?

A. P. D. : Il faudrait comprendre le sens de cet arbre de Noël. En fait, en Occident dans l’hémisphère Nord, cette période coïncide avec une période morte, de ténèbres où les nuits sont plus longues. Mais à partir du 21 décembre qui est le solstice d’hiver, la lumière reprend progressivement le dessus. Et pour nous chrétiens, le vrai soleil, la vraie lumière dans nos ténèbres, c’est Jésus Christ. Et comme la nature est morte, seul le sapin avait encore ses feuilles et donnait vie, et comme c’est la vie qu’on célèbre, les gens allaient couper la branche du sapin pour symboliser cette espérance de la vie. Nous, nous n’avons pas besoin de ça. Et vous le constatez, ce qu’on vend, c’est du sapin artificiel et ainsi nous laissons l’artifice prendre le dessus sur la réalité. Notre cœur, s’il est préparé, suffit à Dieu et pour vivre cette relation d’amour avec Lui et les autres, de paix avec les autres, d’entente avec le voisin, de communion, en un mot, cela suffit. Le sapin n’a pas une particularité dans la relation avec Dieu.

S : Aujourd’hui, même des non-chrétiens sont dans la tendance de cette fête. Comment expliquez-vous cela ?

A. P. D. : Cela va de la signification de cette fête. Le péché a brisé la fraternité humaine et cela à travers Caïn et Abel, deux frères dans la Bible. La nature elle-même a été blessée et brisée, et Noël vient restaurer cette fraternité universelle. Cette fraternité n’est pas une question de religion. L’on n’a pas besoin de savoir qu’une telle ou un tel est de cette religion pour vivre la vraie fraternité avec elle ou lui. Et c’est dans ces liens de fraternité que nous vivons Noël.

S : A quoi devrait ressembler le chrétien à la sortie de la fête de la nativité ?

A. P. D. : Le chrétien n’a pas à se faire reconnaitre dans un après ou avant mais la fête doit lui donner d’être encore beaucoup plus rechargé comme la batterie du portable, de cette charité du Christ. C’est à travers cette vie qu’on reconnaît le chrétien. Sinon même s’il fait de grandes choses sans cette charité, ce n’est pas un chrétien. A l’opposé, une petite chose, faite avec charité prend une valeur d’éternité et l’inscrit dans la fête perpétuelle de Noël.

S : Depuis le début des attaques terroristes, l’Eglise a demandé l’engagement des chrétiens à travers la prière. Y a-t-il un message particulier pour cette fête de Noël ?

A. P. D. : Le message de l’Eglise de tout temps et qui est valable dans ce temps de Noël c’est le message de paix. Cette paix, Dieu nous la donne et il faut que nous puissions l’accueillir. Vous ne pouvez pas donner ce que vous n’avez pas. Et l’histoire de notre peuple n’est pas différente de l’histoire de l’humanité qui est marquée par cette fraternité blessée et brisée. Donc, le chrétien catholique est emmené à être un artisan de cette paix auprès de ceux qui sont blessés, ceux dont les liens de fraternité ont pris un coup à la suite de cette histoire triste que nous vivons actuellement. Et comme je l’ai dit, la tentation peut être grande de désespérer ou de se résigner mais Noël vient nous rappeler qu’un peuple ou une personne qui vit dans la haine se détruit. Mais sans cette haine, la réconciliation est déjà en marche, et c’est ça le pas que le chrétien catholique doit faire encore aujourd’hui. Il n’y a pas un message plus que ça, être un artisan de paix.

Interview réalisée par

Tielmè Innocent KAMBIRE

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