Fonds minier de développement local :La nécessaire prise en compte du genre

Institué par le code minier de 2015 et opérationnalisé depuis 2017, les premières années de mise en œuvre du Fonds minier de développement local (FMDL) semblent révéler une faible prise en compte du genre. Des spécialistes de la question et défenseurs des droits de la femme appellent à des mesures correctives à travers la relecture des textes régissant le FMDL, en vue d’une meilleure intégration du genre aussi bien dans les instances de gestion du fonds que dans l’affectation des ressources financières.

« En ce qui concerne la prise en compte de la femme dans le Fonds minier de développement local, il n’y a pas matière à faire bilan ». Telle est la position de l’Association des femmes du secteur minier du Burkina Faso (AFEMIB). Selon sa présidente, Lucie Kabré, pour qu’une telle évaluation puisse se faire, il aurait fallu que la loi ait prévu ce qui, dans ce fonds, devrait revenir aux femmes. En d’autres termes, le Fonds minier de développement local (FMDL) souffre d’un déficit d’intégration du genre à deux niveaux : dans les organes de gestion du FMDL et le financement des activités éligibles.

La structuration des comités locaux de gestion du fonds, marquée par la forte représentativité des autorités administratives et locales, fait que les femmes, toujours absentes ou sous-représentées au niveau des postes de responsabilités, des instances décisionnelles électives et nominatives, ne peuvent pas y être, fait remarquer l’experte en genre et développement, Dr Nestorine Sangaré, par ailleurs ancienne ministre de la promotion de la femme et du genre.

A ce niveau d’exclusion de la femme, se greffe un autre, lié à l’accès des femmes aux ressources du fonds minier. « Cette insuffisance est due à l’orientation du fonds, centrée sur les investissements. Et quand on parle investissements, on ne pense pas à ceux qui profitent aux femmes. Par exemple, lorsqu’on réalise des infrastructures telles que les stades, les marchés de bétail, etc. on sait d’office quelle composante sociale en sera prioritairement bénéficiaire », argumente Mme Sangaré. Le financement des actions inscrites dans les plans communaux de développement (PCD) par le FMDL ne résout pas le problème de l’exclusion de la femme, car la plupart de ces PCD ne sont pas genre sensibles, ajoute-t-elle.

L’absence d’une ligne dédiée à la prise en compte des besoins spécifiques des femmes, parmi lesquels le financement de leurs activités génératrices de revenus, pose problème. Car si la priorité accordée à la réalisation des infrastructures sanitaires, éducatives, etc. est à saluer, la fréquentation de ces services sociaux de base restera limitée si le pouvoir économique des femmes n’est pas amélioré, ajoute la présidente de l’AFEMIB.

Créer une dynamique entrepreneuriale

« Ce sont autant de raisons qui font que l’on se retrouve avec un Fond minier de développement qui est une belle promesse, un formidable instrument permettant aux communes d’avoir d’importantes ressources mais on n’a pas mis un dispositif favorisant l’accès équitable de toutes les composantes sociales à ces ressources », déplore Dr Sangaré. Pour preuve, pendant que des communes peinent à absorber les ressources du FMDL, au même moment, femmes et jeunes cherchent désespérément des financements pour leurs projets. C’est pourquoi, il faudrait, dans le cadre de la relecture des textes régissant le Fonds minier, instituer un quota genre, aussi bien dans les instances locales et nationales de gestion du Fonds minier que pour le financement des besoins spécifiques des femmes, comme cela se fait dans certains pays miniers comme la Guinée. « Depuis 2018, nous menons le plaidoyer pour que 30% des ressources financières du Fonds minier de développement local soient consacrés aux activités portées par les femmes », confie Mme Kabré.

Pour adresser la question de manière structurelle, il importe, selon Nestorine Sangaré, de revisiter les plans communaux de développement, d’instituer des budgets locaux sensibles au genre. « Il faut repartir au niveau de ces plans, refaire un diagnostic sérieux et participatif pour voir quelles sont les préoccupations des femmes, des hommes, des jeunes filles, des jeunes garçons et même des enfants ; faire donc une analyse assez poussée pour dégager les priorités de chaque catégorie sociale, en fonction de son domaine d’activités, selon qu’elle soit dans le commerce, l’élevage, l’agriculture, etc. de sorte que les plans de développement soient le reflet des besoins réels des populations », insiste-elle.

Les ressources minières étant passagères, le FMDL devrait servir à créer une dynamique entrepreneuriale à même de soutenir l’économie locale. A partir de ce fonds, un mécanisme d’accompagnement des entreprises des femmes et des hommes à répondre aux besoins de consommation des biens et services miniers devrait être institué, soutiennent les deux défenseuses des droits des femmes.

Mais au-delà de l’aspect purement économique, la question de la réhabilitation sociale, longtemps oubliée, doit être prise en compte, suggère Mme Sangaré. Cette réhabilitation sociale consiste en la préservation des valeurs de solidarité, de vivre-ensemble, en la prévention de la dépravation des mœurs tout au long de la vie de la mine.

La sensibilisation des femmes à une participation politique active au niveau local afin de mieux défendre leurs intérêts stratégiques dans les conseils municipaux constituent également un gros défi à relever, selon Lucie Kabré.

En tout état de cause, il est urgent d’avoir une réflexion stratégique et prospective pour prendre en compte les besoins des générations présentes et futures. Car une commune qui reçoit, des milliards, année après année, risque fort de vite dépasser ses besoins actuels en investissements. Ce système de péréquation, tout comme l’intégration du genre, est tributaire de la volonté politique, qu’elle soit nationale ou locale.

Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

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