Guinée Conakry : des lendemains incertains

Le dimanche 18 octobre 2020, plusieurs milliers de citoyens de la Guinée Conakry se sont rendus dans les bureaux de vote pour choisir l’homme qui présidera aux destinées du pays, les prochaines années. Sur les douze prétendants au fauteuil présidentiel, deux à savoir le président sortant, Alpha Condé et le chef de file de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo, cristallisent les attentions.

Si quelques incidents ont eu lieu pendant la campagne électorale, l’élection présidentielle a pu se tenir dans une relative quiétude. Tout dépendra de ce que la suite des événements va montrer. Et aussi de la concordance entre les dires et les actes. « Mon souhait est que l’élection soit libre, démocratique, transparente et que tout se passe dans la paix et la tranquillité », avait déclaré le président-candidat, après avoir voté dans le quartier de Boulbinet de Conakry, la capitale. Les velléités du 3e mandat du président sortant ont été contestées au prix du sang depuis 2019 jusqu’à ce qu’une modification de la Constitution en mars 2020 lui permette de se représenter. Une candidature que d’autres ténors de la scène politique guinéenne comme Sidya Touré et Lansana Kouyaté ont continué de dénoncer, en refusant de participer à la présidentielle du 18 octobre dernier. Dans ce passage en force de l’opposant historique, il est évident que le respect du verdict des urnes sera un vœu pieux.

Si au mépris des règles du jeu démocratique et de la Constitution, Alpha Condé a pu imposer sa candidature au peuple guinéen, rien ne l’empêchera de crier sa victoire dans les urnes, quels que soient les résultats. Déjà, les nouvelles qui parviennent de la Guinée après le scrutin présidentiel sont des plus inquiétantes, puisqu’il est question d’un bourrage éhonté des urnes par le camp présidentiel. Au mépris du peuple qui vit le calvaire depuis des lustres et avec le zèle des flatteurs arrivistes, Condé, fervent défenseur des idéaux démocratiques du temps où il était opposant, va être déclaré vainqueur de la présidentielle. Depuis son arrivée au pouvoir en 2010 à l’issue d’un second tour qui ne lui était pas favorable, le président sortant a tout fait, sauf poser les jalons d’un renouveau démocratique dans son pays. L’homme qui se voit comme le « Mandela de l’Afrique de l’Ouest », a, à l’épreuve de l’exercice du pouvoir, éclaboussé des milliers d’espoirs qui croyaient en lui. Englué dans une jouissance autocratique du pouvoir, il en est convaincu qu’il est indispensable pour la Guinée.

Du haut de ses 82 printemps, il pense encore avoir l’énergie débordante pour sortir son pays de la misère. Inutile de lui parler d’alternance, puisque sa conception du pouvoir a longtemps évolué depuis qu’il en jouit. C’est pourquoi, l’espoir qu’a suscité la candidature de Cellou Dalein Diallo sera de courte durée, parce que la vérité des urnes sera celle qu’aura décidée Condé et ses partisans. Ils pousseront la mascarade jusqu’à l’extrême, comme cela a été le cas en 2015 pour le déclarer vainqueur dès le 1er tour du scrutin.

Oui ! Au mépris du peuple souverain, pour lequel les cordes vocales vibrent à se rompre dans les discours. Oui ! C’est le même triste et pathétique spectacle que bon nombre de pays africains auront à vivre, tant que les pseudos démocrates, irrespectueux des règles constitutionnelles, seront au pouvoir. Oui ! C’est à ce même jeu d’égo entre politiciens sans aucun idéal patriotique que les destins de peuples entiers arrimés pour des années. Oui ! C’est dans cet état de « défaite de la pensée » qu’on en vient à convaincre certains que leur misère est une malédiction et que le développement n’est qu’une simple vue de l’esprit. Ce qui est en train de se passer en Guinée est très déconcertant pour un pays qui dispose de tous les atouts humains et naturels pour son développement. Le drame est que des Africains travaillent à infantiliser l’Afrique. A quand l’Afrique des patriotes engagés au service des peuples ?

Karim BADOLO

Laisser un commentaire