Guinée : Un délai controversé

Huit mois après son avènement au pouvoir, l’énigmatique colonel Mamady Doumbouya s’est enfin exprimé sur le délai de la Transition en Guinée. Dans une adresse à la Nation, le samedi 30 avril 2022, le chef de la junte guinéenne a annoncé un calendrier de 39 mois pour la durée de la Transition.

« Je ne décide pas seul, j’agis avec tout le monde. C’est pourquoi, il y a eu successivement les journées nationales de concertation, les assises nationales et maintenant le cadre de concertation et de dialogue, qui viennent de rendre leurs conclusions provisoires », a-t-il argué. Il appartient désormais au Conseil national de Transition qui fait office d’Assemblée nationale de se prononcer sur ce délai qui commence déjà à faire grincer des dents au sein de la classe politique guinéenne.

Même si le colonel Doumbouya affirme que cette décision est le fruit d’un long processus, il reste que le délai de 39 mois ne fait pas l’unanimité. Le président de la Transition devra affronter deux fronts après cette annonce. Premièrement, il faudra convaincre la classe politique et la société civile guinéennes qui évoquent la mise en place d’« un cadre de dialogue consensuel avec un représentant de la CEDEAO » pour convenir d’un autre délai. Deuxièmement, les autorités de la Transition guinéenne devront montrer à la CEDEAO les raisons qui justifient le calendrier de 39 mois.

Le délai tant attendu est connu, mais il reste à déployer les arguments adéquats afin qu’il rencontre l’assentiment de toutes les parties prenantes. Sans présager de la réaction de l’instance régionale, l’on peut supputer qu’elle va dans une certaine mesure rejeter les 39 mois, ou à tout le moins demander de le réduire. En tout, la junte voudrait passer 47 mois au pouvoir, ce qui serait inacceptable pour l’institution régionale. En clair, le colonel Mamady Doumbouya aura eu le mérite de proposer un calendrier afin de dissiper le climat de suspicion qui se faisait sentir quant à son indécision.

L’on peut soutenir que le plus dur commence maintenant pour la junte d’autant plus que la classe politique, dans son ensemble, a fustigé les concertations qu’elle qualifie de non-inclusives. Il faudra se résoudre à trouver le juste compromis qui permettra le bon déroulement de la Transition. Il y a lieu de se garder de faire fondre l’élan d’espoir qu’avait suscité l’avènement du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) un certain matin du 5 septembre 2021.

L’important est de rassembler tous les Guinéens autour d’un idéal pour que le pays puisse repartir sur de nouvelles bases porteuses d’un renouveau salvateur. Il n’est aucunement dans l’intérêt des autorités guinéennes actuelles de rester sourdes aux réactions des partis politiques. C’est dans une dynamique dénuée de tout calcul malsain que la Transition saura panser les plaies de la Nation guinéenne afin qu’elle puisse renouer avec une gouvernance vertueuse au service de tous. Le colonel Mamady Doumbouya et ses hommes ont la lourde responsabilité de faire preuve de dépassement de soi pour faire disparaitre les lézardes qui entravent l’unité nationale. Il suffit de faire preuve d’un sens d’écoute et de remise en cause.

Karim BADOLO

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