Insécurité dans la province du Loroum : Des déplacés internes désemparés

Les PDI squattent ces abris d’infortune …

Après l’accalmie de la situation sécuritaire retrouvée dans la province du Loroum, les populations recommencent à vivre un cauchemar. En effet, depuis quelques jours (la semaine du 14 au 21 juin), les habitants des villages de Hittlé, Noogo, Songtaba, Guilan, Toulfé, Mantaka et Bouna ont fui à cause de la reprise des attaques terroristes. Des Hommes armés non identifiés (HANI) sont de retour. Ils occupent désormais les lieux, ordonnant aux populations de quitter leurs villages sinon elles seront tuées. Conséquence, on assiste à un retour des Personnes déplacées internes. Constat à Titao, ce 22 juin 2021.

La ville de Titao, situé à 45 km de Ouahigouya dans la région du Nord, grouille de monde ce mardi 22 juin 2021. A la place de la nation, juste à proximité du grand marché, des chefs de famille sont assis sous des arbres qui leur servent de lieux de repos. En petits groupes, ils discutent de leur avenir. Comment subvenir aux besoins de leurs familles ? En effet, ce sont des vieilles Personnes déplacées internes (PDI) qui sont de retour dans la ville. Et pour cause, leurs différents villages ont été attaqués et incendiés par les Hommes armés non identifiés (HANI). Ils avaient regagné leurs villages respectifs, il y a de cela plusieurs semaines. Mais aujourd’hui, ils ont fui, laissant tout derrière eux pour sauver leur vie. Mamadou, est l’un d’entre eux, chef d’un village situé à une dizaine de kilomètres de Titao. Il avait retrouvé son « royaume » après une année d’exil. « C’est depuis l’hivernage passé que je suis rentré. Cela fait plaisir d’être chez soi mais ce rêve a été de courte durée », regrette-t-il. Depuis le 18 juin 2021 dernier, lui et ses « sujets » ont rebroussé chemin et élu domicile dans la cité du « phacochère ».

Les HANI ont repris les hostilités. A l’entendre, ils sont arrivés dans son village, leur ordonnant de quitter les lieux dans un délai de trois jours, sinon ils seront massacrés. « Imaginez-vous des hommes armés qui vous donnent un ultimatum. Que peux-tu faire si ce n’est fuir ? L’essentiel est d’avoir la vie sauve » ! Explique-t-il, l’air abattu. Son village s’est vidé de tous ses occupants. « Je suis revenu sans rien apporter », témoigne le chef du village. La seule question qu’il se pose aujourd’hui, est comment subvenir au besoin de sa famille avec ses 4 femmes. « On vit au jour le jour. Certes, on bénéficie par moment de la distribution de vivres mais cela est insuffisant », décrit-il, tout désespéré. Pour lui, le terrorisme relevait du passé dans son village. « Mais j’ai tort, nous sommes encore des déplacés à la merci des personnes de bonnes volonté », déplore Mamadou.

37 212 déplacées internes

… attendant de rentrer chez eux.

Harouna, âgé de 61 ans, est un natif d’un autre village, à une quinzaine de kilomètres de Titao. La semaine précédente, son village a été l’objet d’une attaque par les hommes armés. « Ils ont brûlé tous nos greniers, détruits nos semis dans les champs, sous prétexte qu’ils ne veulent plus nous voir. On était donc obligé de partir. Dans ce tohu-bohu, mon fils est mort. Pour venir chercher le corps pour l’enterrement, c’était compliqué. C’est grâce aux VDP qu’on a pu récupérer le cadavre en putréfaction, quelques jours après », se rappelle-t-il les larmes aux yeux. Sans un sous en poche et ne sachant comment nourrir sa famille, Harouna est de nouveau un déplacé dans la ville de Titao. « Je squatte avec toute ma famille dans une maison d’infortune de la zone non lotie qui m’a été offerte par charité. Chaque matin, mes épouses errent dans la ville à la recherche de quoi nourrir la famille. Qu’est-ce qu’on va devenir ? », s’interroge-t-il.

Sanata s’est également « refugiée » à Titao avec ses quatre belles filles et petits-fils. Habitante d’un village situé sur l’axe Titao-Djibo, elle confirme qu’elles ont été chassées des champs de culture. Le message reste le même : un ultimatum de quitter le village dans un délai de trois jours. « Pire, les HANI ont érigé un barrage dans le village pour empêcher les populations de revenir. Ce sont eux qui dictent leur loi. Vaut mieux respecter leur diktat que de leur tenir tête », renchérit-t-elle. Dame Sanata et sa famille vivent dans un habitat précaire de 10 tôles. « Je vis seule avec mes belles filles en l’absence de mon époux, en ‘’exil’’ à Bobo-Dioulasso depuis 2019 », indique-t-elle, l’air désemparé.
En plus de ces trois, ce sont 3 899 anciennes Personnes déplacées internes et 1 949 nouveaux venus qui ont trouvé refuge dans la commune de Titao pour cause d’insécurité. Les attaques ont repris de plus belle, reconnaît le haut-commissaire de la province du Loroum, Djibril Bassolé. A l’entendre, la situation va de mal en pis. « A la date du 23 juin 2021, on compte dans la commune, 37 212 déplacées internes », souligne-t-il.

Equiper les VDP

C’est ce qui reste du village de Toulfé aujourd’hui

Las de voir cette situation se détériorer davantage, les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) de la commune décident d’attaquer un quartier général des HANI, situé aux encablures du village de Tougouribouli, sans appui des Forces de défense et de sécurité (FDS), le lundi 21 juin 2021, à environ 20 km de la ville, nous fait comprendre le VDP, Say. « Nous sommes allés au front. Malheureusement, on a que des fusils de chasse avec un nombre inférieur à eux. On n’a pas pu tenir tête et le chef des VDP du quartier Salla est mort. Le reste a pris la poudre d’escampette, laissant près d’une soixantaine de motos sur place », confie-t-il. Pour lui, si les VDP étaient lourdement armés, la situation n’allait pas se dégrader ainsi. « On allait toujours faire des patrouilles, nous battre pour maintenir la sécurité dans les villages libérés. Mais on a l’impression que la province est délaissée. Sinon, on aurait au moins un détachement militaire ici. Comment lutter contre le terrorisme avec des fusils de chasse, sachant que l’adversaire est armé ? », se demande M. Say. A l’écouter, les VDP sont dans l’impasse et les jeunes qui ont rejoint la cause risquent d’abandonner la lutte à l’image de Salifou qui manifeste son désir de quitter la troupe.

« Quand j’ai appris l’appel au patriotisme, j’ai quitté la ville de Bobo-Dioulasso pour être membre des volontaires. Aujourd’hui, je regrette ma décision. A l’allure où vont les choses, je préfère aller faire fortune sur un site minier et prendre soin de ma famille. Non seulement, on n’est pas rémunéré mais notre vie est exposée chaque jour par manque d’équipements pour mener notre mission », confesse le jeune homme, déçu.
Face à la situation délétère, le Mouvement pour un Loroum libre et émergent est né. « Nous avons manifesté notre ras-le-bol, le 26 juin 2021 à la Place de la Nation parce qu’on sent que nous sommes abandonnés à nous-mêmes. Dans notre message, nous réclamons un détachement militaire, de l’équipement pour les VDP pour notre sécurité et des vivres pour les PDI », précise le président du Mouvement, Hamidou Yabao. Selon lui, la solution au terrorisme serait l’autonomisation et l’indépendance des VDP dans leurs actions. Il souhaite que ces auxiliaires de défense puissent agir librement sans se référer aux FDS.

Fleur BIRBA
fleurbirba@gmail.com

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