Je suis Burkinabè, je suis méchant !

On parle de lutte contre la corruption tous les jours et il semble que cela participe de la bonne gouvernance. Mais il suffit de regarder le train de vie de certains Burkinabè pour se rendre compte que le phénomène a la peau dure. On se rabattra à bras raccourcis sur le policier qui se contente de quelques billets de mille pendant que le vrai voleur de la République amasse des millions sur fond de surfacturation et autres pots de vins à hauteur de 10%. Des dossiers sont en suspens et ne seront peut-être pas jugés parce que le voleur n’est pas n’importe qui. On peut l’envoyer en prison dans des cellules d’aisance mais trois mois après il sera libéré pour raison de santé ou libéré sous caution avec l’argent qu’il a volé pendant que le « voleur de poulet » s’agrippera aux barreaux jusqu’à son dernier souffle. Les rapports à scandale ne manquent pas ; ils encombrent les tiroirs en attendant que l’audacieux homme intègre ose les déballer.

Gare à ceux qui ont fait le serment de traquer le mal jusqu’à la racine. Ils prendront l’affaire à bras le corps mais ils y laisseront leur peau. Ils seront menacés de mort, accablés de sortilèges dans la ligne de mire du mauvais œil. La corruption n’est pas une pratique de pauvre ; c’est un phénomène entretenu par la richesse et le pouvoir. Il faut avoir de l’argent pour en faire un moyen d’influence et de manipulation. Même le droit tremble sous sa robe devant les tentations de la corruption. L’homme politique joue l’arbitre entre le chaud et le froid dans une arène où sa tête est mise à prix. On ne lutte pas contre la corruption qu’avec des textes et des lois mais plutôt et surtout avec de la volonté politique. De nos jours, il y a des Burkinabè qui détiennent des centaines de parcelles sur fond de prête-noms. Ils sont prêts à brandir leur seul terrain d’habitation, mais au fond, leur patrimoine foncier porte le nom de leurs amis, frères, cousin, tantes et autres garnitures familiales. Ils sont irréprochables devant la loi mais dans les faits, ce sont les mêmes qui ont tout acheté et entouré aux différentes sorties de nos villes. Il suffit d’informatiser le fichier du foncier et tamiser les détenteurs des différents titres fonciers pour se rendre compte que le roi est nu. Mais qui aura le culot de faire ce « sale boulot » ? Combien ont essayé et qu’en est-il de leur projet suicidaire ? Les plus forts ont tort mais ils restent les plus forts dans un pays où tout se « deal ».

Aujourd’hui, des sociétés immobilières officient partout sous la barbe de l’Etat, souvent avec l’aval de l’Etat, conformément aux dispositions légales en vigueur. Mais la force publique laisse faire les brebis galeuses jusqu’à ce que la chienlit s’installe. Et un beau matin, elle brandit et bande les muscles au nom des mêmes dispositions. Alors, elle menace de démolir au nom de la loi ce que le pauvre citoyen a mobilisé sur dix ou vingt ans et dans la sueur. Il paraît que nul n’est censé ignorer la loi mais qu’en est-il du garant du respect de la loi qui laisse faire pour ensuite chercher à défaire les nœuds? La question du foncier est une bombe à retardement et à fragmentation ! Dans un contexte d’insécurité déjà préoccupant, démolir des maisons, chasser des Burkinabè de leur propriété, c’est ouvrir un autre front d’hostilité dont la gestion incertaine ne fera qu’effilocher davantage le tissu social déjà en mal de quiétude. Aujourd’hui, les corrompus et les corrupteurs sont connus. Avant de brandir le délit d’apparence, il suffit de feuilleter juste quelques pages des différents rapports sur la question. Le mal est là et derrière le mal, il y a des noms et des prénoms, il y a même des preuves irréfutables. Mais les intéressés circulent sans scrupule et narguent le peuple. Des dossiers sont en justice mais pour une question de forme on s’en fout du fond ! Il paraît que la justice est indépendante mais pourquoi ces dossiers sont-ils toujours pendants pour ne pas oser dire pendus ?

Finalement ,il n’y a pas que ceux qui minent nos route et attaquent nos FDS et VDP à l’Est ou au Nord qui sont des terroristes ; il n’y a pas que ceux qui massacrent nos populations au Sahel ou dans la Boucle du Mouhoun qui sont des bandits et des mécréants. Le vrai terroriste, c’est cet homme ou cette femme qui nous tient des discours mirifiques sans pouvoir nous prouver son intégrité sur son tas de butin entre ses cantines de rapines remplies sur fond de combine. Le vrai terroriste, c’est ce « digne » riche Burkinabè qui vit des larmes de la veuve et prive même l’orphelin de la poussière de farine des moulins. Que celui qui n’a jamais volé un copeck de l’Etat nous jette la pierre. Ayons le courage de nous regarder dans la glace et de tirer à bout portant sur ce que nous voyons dans le miroir : nous-même !

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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