Journée nationale de l’arbre 2021 : sous le sceau de l’identité culturelle et de la cohésion sociale

Le Burkina Faso célèbre la fête de sa souveraineté chaque 11-Décembre de l’année. En prélude à cet évènement qui aura lieu, à Ziniaré, dans la région du Plateau central, la Journée nationale de l’arbre (JNA) 2021 figure en bonne facture dont le thème est : « Arbre, identité culturelle et cohésion sociale ».

La troisième édition de la Journée nationale de l’arbre (JNA) est prévue pour se célébrer le 7 août prochain, à Ziniaré, dans la région du Plateau central. Cette décision a été prise lors du Conseil des ministres, en sa séance du mercredi 9 juin 2021, de magnifier cette journée dans la capitale de la région abritant les festivités du 11-Décembre. Le thème de la JNA 2021 est : « Arbre, identité culturelle et cohésion sociale ». Cette thématique, portée par le ministère de l’Environnement, de l’Economie verte et du Changement climatique (MEEVCC) a été entérinée de commun accord par une commission.
Le Directeur général des eaux et forêts (DGEF), le Colonel-major des Eaux et forêts, Lamoussa Hébié, président de cette commission, situant le contexte de la JNA 2021, rappelle que le Burkina Faso est désertique. Il fait face, à cet effet, indique-t-il, aux pressions intenses en matière de gestion des ressources naturelles et au changement climatique.

Le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a planté symboliquement un arbre dans le cadre de la célébration de la JNA à Banfora …

« Il y a des efforts qui sont faits par les gouvernants pour essayer d’inverser la tendance de dégradation mais, malheureusement, les résultats sont mitigés », déplore le DGEF. Dans la quête permanente contre la désertification, avance-t-il, la JNA a été instituée pour « remobiliser les troupes » et donner de nouvelles approches pour améliorer le taux de réussite des plantations à savoir l’utilisation des sites sécurisés, la qualité des plants mis en terre, leur suivi et leur entretien. L’arbre, dans les coutumes en Afrique et plus particulièrement au Burkina Faso, est précieux, en atteste son statut de rassembleur dans les villages pour discuter des sujets « hautement » importants sur la vie de la société. Dans le domaine foncier au Burkina Faso, « L’arbre à palabres » qui rassemble les populations et les propriétaires terriens autour d’un consensus n’est rien d’autre que l’acte de cession amiable délivré par des collectivités aux particuliers pour témoigner qu’ils sont les possesseurs légitimes de la terre.

Un facteur d’identité culturelle

En outre, l’arbre, en plus d’être un facteur de cohésion sociale qui regroupe les communautés, est un élément d’identité culturelle. A titre d’exemple, à Banfora, dans la région des Cascades, communément appelé « la cité du Paysan noir », l’un des symboles forts est le rônier. Cet arbre fournit une boisson très prisée appelée « Bandji » non seulement par les autochtones, mais aussi par les « exotiques ». Dans les cabarets et autres lieux de rassemblement, elle unit des familles entières et apporte joie et réconfort à ceux qui en boivent.

A l’échelle mondiale, cette boisson identifie très rapidement le Burkinabè sur le plan culturel. C’est pourquoi des thématiques similaires résument toute l’importance de la JNA qui doit être un fleuve pérenne. Pour le DGEF, sur le plan culturel, beaucoup d’instruments musicaux des communautés au Burkina Faso tels que le « djembé », le « balafon », etc. utilisent l’arbre comme la matière première. L’arbre également selon lui, attribue son nom à des individus dans les communautés au « pays des Hommes intègres ». Ainsi, l’importance culturelle de la nature se retrouve dans les noms et les lieux. Kouka et Pousga sont des prénoms communs qui font référence au Khaya senegalensis et au Tamarindus indica. En termes de toponymie, Sabcé, Donsin et Pousguin, sont des noms de lieux qui font référence à Lannea microcarpa, Parkia biglobosa et Tamarindus indica. Aussi, les forêts jouent un rôle essentiel dans l’identité culturelle et la cohésion des communautés. A ce propos, l’arbre ou la forêt en Afrique assure des fonctions culturelles et symboliques dans l’identification d’un groupe social, un lignage, un ancêtre, un lieu spécifique, mais aussi marque une différence, une relation. L’arbre est ainsi un marqueur de l’espace, au sens plein du terme, à la fois élément des géosystèmes et signe paysager, apport fondamental de la nature et objet central de la culture. L’arbre revêt une importance culturelle. Il constitue un lieu de palabres dans nos villages où les sages se réunissent aussi pour les fêtes. En plus, les arbres constituent des lieux d’initiation rituelle chez certains peuples. Les plantes, arbres et forêts ont ainsi un rôle notable dans de nombreux aspects de la culture des populations rurales. Certaines plantes cultivées pour leur pouvoir tinctorial sont considérées comme des éléments d’identification culturelle. D’autres contribuent à la cohésion sociale lors des cérémonies et activités socioculturelles, par exemple les dons de céréales et de fruits (cola, datte).

L’arbre au Burkina Faso est un facteur de cohésion sociale.

En d’autres termes, la question de la cohésion nationale et la solidarité se pose avec acuité d’où le choix de cette thématique, foi du Colonel-major des Eaux et forêts. Par ailleurs, selon une note d’information sur la JNA 2021, il ressort que « l’arbre à palabres » est une pratique ancestrale des peuples de l’Afrique subsaharienne, utilisée pour débattre et régler des conflits au sein d’une communauté. C’est aussi un lieu traditionnel de rassemblement, à l’ombre duquel on s’exprime sur la vie en société, les problèmes du village, la politique et un lieu où les enfants viennent écouter les contes et les histoires relatées par les anciens du village. En Afrique, on prend place au pied de l’arbre à palabres pour discuter des décisions importantes à prendre pour l’avenir d’une communauté. Coutume de rencontre et de création ou de maintien de lien social, la palabre, semble être une véritable institution sociale à laquelle participe toute la population ou une partie de la communauté d’un village.  Si la coutume veut qu’on se réunisse sous le plus grand arbre du village, il apparaît que c’est très souvent sous le baobab, le fromager, le cailcedrat ou une espèce plantée comme le manguier, le neem. Le baobab est un arbre qui a beaucoup d’importance en Afrique sub-saharienne. Avec une durée de vie qui peut dépasser 1 000 ans, le Baobab possède une énorme valeur culturelle, sociale et symbolique.  C’est sous le Baobab que les griots s’installaient pour conter à l’ombre, mais également l’endroit idéal où se réunissent les anciens.

Le baobab, détecteur des mensonges

C’est pour ces raisons qu’on l’appelle d’ailleurs l’arbre à palabres et il fait office de « détecteur de mensonges » car il est le gardien de la vérité. Ainsi, des personnes peuvent jurer sous l’arbre quand on met en doute une de leurs affirmations. Selon les croyances, cet arbre reste un arbre très mystique et a inspiré plusieurs légendes africaines. Nelson Mandela, le premier Président noir d’Afrique du Sud, voyait lui-même dans la palabre africaine une « institution démocratique à part entière ». Dans son autobiographie, il met en avant le rôle déterminant des assemblées dans la vie politique, affirmant que « tous ceux qui voulaient parler le faisaient. C’était la démocratie sous sa forme la plus pure » Diangitukwa, F. (2014). Au Burkina Faso, l’arbre occupe une place importante dans le règlement des conflits. En effet, il sert d’abri pour les sages et les notables du village pour discuter et décider des questions essentielles qui touchent le village.
Les conciliations ainsi que les compromissions se passent sous « l’arbre à palabres » du village.

Les bois sacrés sont des îlots de végétation conservés et entretenus localement par les populations environnantes à des fins culturelles. Ils constituent avec les forêts sacrées la méthode traditionnelle de conservation de la biodiversité. En effet les facteurs socioculturels tels que les traditions, les coutumes, les croyances sont des éléments déterminants qui influencent les comportements des populations vis-à-vis de la préservation des bois sacrés. Qu’à cela ne tienne, il s’avère donc nécessaire de passer en revue, pour chaque édition, le bilan des précédentes pour montrer l’importance de célébrer cette journée qui semble être aux yeux des profanes, du folklore. S’il n’y a jamais deux sans trois, il faut avoir le courage de dire que la 3e JNA s’explique par le fait que les deux autres, loin de tout calcul politicien ou de tout verbiage, a convaincu qu’il faut aller de l’avant en l’organisant. En effet, en 2019, la ville- hôte du 11- Décembre de Tenkodogo, dans la région du Centre-Est, a abrité la 1re édition de la JNA, le 8 août 2019, sous le thème : « Arbre et éducation pour une économie verte ».

La 2e édition de la JNA a eu lieu, à Banfora, dans la région des Cascades, le 8 août 2020, sous le signe de l’Arbre, la santé et la résilience climatique. Le ministère en charge de l’environnement estime que le bilan des deux éditions a été satisfaisant. Il en veut pour preuve, plus de 200 000 plants, au total, à majorité d’espèces locales mis en terre sur plus de 120 hectares (ha) de terrains clôturés, sur le plan environnemental. Des animations de conférences publiques, l’organisation de foires d’exposition des produits et technologie de préservation de l’environnement, la célébration d’une « Nuit de l’arbre » à Tenkodogo ont, aussi, été concrétisées. Sur cette liste d’activités réussies, figurent en bonne facture, la plantation symbolique d’arbre par le président du Faso, des opérations de plantations sur des sites sécurisés dans les régions, des prix décernés aux meilleures réalisations forestières et à des journalistes dans le cadre de la Grande muraille verte, des décorations en guise de reconnaissance à des organisations et d’individus engagés dans la préservation des ressources naturelles.

Au compteur des JNA 2019 et 2020, à en croire les statistiques du ministère en charge de l’environnement, l’on enregistre plus de 3 000 visiteurs et 100 exposants aux foires des produits forestiers. En outre, plus de 20 millions F CFA ont été octroyés aux lauréats des concours et 30 récipiendaires des médailles du développement rural avec Agrafe Environnement. Mais, s’il faut se réjouir de l’engouement autour de la JNA, il est aussi impératif de se soucier de la dégradation des ressources naturelles et la désertification au Burkina Faso. Cette situation engendre des difficultés de satisfaction des besoins des populations fortement dépendantes des ressources naturelles, la baisse de la productivité et des productions agro-sylvo-pastorales, le changement climatique, etc. La JNA devrait farouchement répondre à la volonté et à l’engagement du chef de l’Etat d’inverser la tendance de la dégradation de l’environnement et d’assurer durablement la gestion des ressources naturelles et environnementales. Dans cette dynamique, chaque Burkinabè devrait planter et protéger les arbres dans l’optique de contribuer à la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, tout en renforçant la résilience des populations face aux effets du changement climatique.

Il convient de souligner que la région du Plateau central, qui est à l’honneur cette année, abrite trois forêts classées (Wayen, Bissiga et Ziga), une forêt régionale à Toéghin, une forêt communale à Méguet et un parc animalier à Ziniaré. La diversité biologique est caractérisée par des espèces végétales et fauniques. Les espèces locales les plus convoitées et exploitées à des fins d’extraction ou d’utilisation directe comme Produits forestiers non ligneux (PFNL) restent le karité (Vitellaria paradoxa), le néré (Parkia biglobosa), le baobab (Adansonia digitata) et le tamarinier (Tamarindus indica). De nombreux groupements de gestion forestière, des projets et programmes ainsi que des organisations de la société civile s’investissent pour la cause de l’environnement au niveau du Plateau central. La région regorge d’énormes troupes et ensembles artistiques faisant d’elle une région à fort potentiel culturel et touristique. La construction de l’aéroport international de Donsin et le symposium international de Sculpture sur granite de Laongo sont, entre autres, des opportunités pour le développement socio-économique et culturel de la région. Au finish, pour pérenniser cette initiative de célébrer l’arbre chaque année au Burkina Faso, il convient de s’interroger sur les enjeux et les défis environnementaux. Ce sont, entre autres, la pression de l’agrobusiness sur les ressources forestières occasionnant un accaparement des terres et une destruction importante d’espèces forestières, l’occupation illégale des forêts classées par des producteurs, la persistance des feux, l’occupation des berges, l’ensablement des cours d’eau et les aléas climatiques.

Boukary BONKOUNGOU

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