La justice, l’autre arme

Un présumé chef terroriste et son complice ont été éliminés, le samedi 7 août 2021 par les Forces spéciales burkinabè dans la Boucle du Mouhoun, dans un échange de tirs. L’information a été confirmée de sources sécuritaires qui précisent que les opérations se poursuivent. Le pays fait face, tant bien que mal, mais avec détermination, à la plus grave crise sécuritaire de son histoire avec ces quelques éclaircis. On a encore fraîchement en mémoire, la perte d’une trentaine de personnes composées de militaires, de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et de civils dans une attaque dans l’Oudalan, à la frontière avec le Niger, comme l’a indiqué un communiqué du ministère de la Défense nationale et des Anciens combattants.

Parallèlement à la réponse militaire en cours, celle judiciaire a pris progressivement corps avec l’adoption en 2017 de la loi portant création, organisation et fonctionnement d’un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme. Elle a atteint une phase opérationnelle, avec l’ouverture du procès des présumés terroristes à partir de ce lundi, devant le tribunal de grande instance Ouaga II. « La Chambre correctionnelle spécialisée du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme tiendra sa première session de jugement du 9 au 13 août 2021 dans la salle d’audience n°1 du tribunal », informe le Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance Ouaga-II. Cela, à contre-courant de certains rapports qui font passer nos boys pour « des exécutants sommaires » au cours des missions de sécurisation du pays.

Un millier de présumés terroristes attendent d’être jugés par une justice, qui avait besoin de quelques réglages et rodages avant de connaître cette matière « nouvelle » dans l’arsenal juridique et répressif. En effet, malgré la furia d’assaillants sans foi ni loi, le Burkina a, avec manifestement des Forces de défense et de sécurité averties et respectueuses du droit international humanitaire, donné l’occasion à des « présumés innocents » de répondre de leurs actes devant la justice, avec toutes les garanties d’un procès équitable. Depuis les attaques de Samorogouan à l’Ouest, celles qui ont visé la capitale Ouagadougou (Splendide hôtel, Capuccino, les attaques coordonnées de l’état-major général des armées et de l’ambassade de France, de Café Istanbul et de Rayongo), plusieurs centaines de présumés terroristes et leurs complices attendent, dans les geôles de la prison de haute sécurité, d’être jugés pour des faits de terrorisme, de financement du terrorisme ou de complicité de ces infractions.

En offrant une autre alternative qu’une mort certaine aux éléments des Groupes armés terroristes (GAT) appréhendés, le Burkina Faso apporte, au-delà de la réponse militaire, une réponse judiciaire équitable, capable de générer une dynamique de fond en faveur d’une démobilisation « des appelés » du terrorisme et leur réinsertion (pourquoi pas) dans la société. Il ne suffit pas de combattre sur le terrain les GAT, il faut aussi et surtout stopper les nouvelles vocations que la mort qu’on leur a souvent opposée et qui, on le voit, ne les a jamais impressionnés. Parmi eux, on compte de nombreux Burkinabè et autant de fils et filles égarés qui, pour des raisons diverses, ont cédé aux sirènes des GAT. Pour ceux-là et pour l’opinion, ce procès est une occasion, non seulement de s’amender, mais aussi de lever un coin de voile sur les motifs d’affiliation à une cause, une organisation ou un projet. Comme le souligne le victimologue français, Jean Claude Salomon, « on ne naît pas terroriste, on le devient ».

Par Mahamadi TIEGNA

mahamaditiegna@yahoo.fr

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