La leçon nigérienne

Les résultats provisoires des élections couplées présidentielle et législatives nigériennes ont été proclamés le 2 janvier 2021 par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Pour la présidentielle, il y aura un second tour, le 21 février prochain, qui va opposer Mohamed Bazoum (39,33% des voix), candidat du Parti nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS-Tarayya) et Mahamane Ousmane (16,99%) du Rassemblement démocratique pour le Renouveau (RDR-Tchanji).

Si ce second tour n’est pas une surprise (depuis 1993 les présidents nigériens ont été élus au second round), il recèle des leçons à tirer. La tradition a été respectée une fois de plus à ce rendez-vous électoral en lieu et place du «coup Ko » que beaucoup pronostiquaient en faveur du candidat du parti au pouvoir, Mohamed Bazoum. Au-delà des imperfections qui ont émaillé le déroulement du double scrutin, ces résultats provisoires démontrent
à souhait que la commission électorale a relativement travaillé avec professionnalisme pour garantir sa transparence. Elle a pris le contre-pied d’une rumeur gonflante, qui stipulait des fraudes massives orchestrées par le PNDS en vue d’une victoire dès le premier tour, pour travailler en toute indépendance. Quand bien même des partis de l’opposition envisagent de déposer des recours en annulation, il y a lieu de saluer les efforts de consolidation du processus démocratique au Niger lors de ces élections.

Premier fait, le président sortant, Mahamadou Issoufou, arrivé au terme de ses deux mandats constitutionnels, a respecté sa parole en s’abstenant de toucher à la loi fondamentale de son pays, contrairement à ses pairs ivoirien Alassane Ouattara et guinéen Alpha Condé. En s’en tenant à ses deux quinquennats, le chef de l’Etat sortant vient de donner l’exemple qu’il y a une vie après le pouvoir. Il aura donné la leçon que la culture démocratique commence par le respect de la loi fondamentale. « Le Niger est un modèle de démocratie parce que nous sommes partis d’une ambition de moderniser et de détribaliser la politique. L’ambition de faire la politique autour des valeurs et non pas sur des bases identitaires. C’est une révolution que nous sommes en train d’opérer dans les mœurs non seulement nigériennes, mais aussi africaines », avait indiqué le président sortant, le 27 décembre 2020, jour des élections. Oui ! La politique doit être faite autour des valeurs qui rassemblent et fédèrent l’ensemble des énergies d’un pays pour son développement socioéconomique.

Deuxième fait, ces résultats, quoique provisoires, traduisent la vitalité de la démocratie nigérienne. Ils illustrent également la volonté des institutions chargées de l’organisation des élections d’œuvrer à asseoir un climat de confiance et de sérénité à travers un travail empreint d’équité. Il appartient à la classe politique nigérienne, toutes tendances confondues, de consolider ces acquis, en œuvrant à l’enracinement du processus démocratique dans leur pays à travers des débats constructifs. Au-delà des divergences, les leaders politiques doivent comprendre que le plus important, c’est l’intérêt supérieur de la nation nigérienne.

Les récentes attaques terroristes dans deux villages du département de Ouallam dans l’Ouest du pays, dans la zone des « trois frontières », proche du Mali et du Burkina Faso, viennent rappeler que l’ennemi commun des Nigériens, c’est bel et bien l’insécurité qui met à mal la quiétude des populations et plombe les initiatives de développement. D’où la nécessité pour la majorité et l’opposition de s’élever au-dessus de la compétition électorale pour ne pas verser dans la surenchère. Une élection est un moment dans la vie d’une nation et elle ne devrait pas être utilisée pour exacerber les haines et les différences. La leçon de démocratie que le Niger est en train de donner à travers cette parenthèse électorale mérite d’être approfondie par des idées novatrices qui mettent en avant l’unité et la concorde nationales. Vivement que la classe politique se garde de tomber dans une fébrilité belliqueuse pour le second tour pour que le Niger en sorte grandi.

Karim BADOLO

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