La marche irréversible de l’Eco 

Jusque-là considéré comme un serpent de mer, la monnaie unique de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) prend peu à peu forme en vue de voir le jour en 2020. Sur les rails depuis le début des années 1980, la création de cette monnaie unique, l’Eco, n’a jamais été aussi proche de la réalité, tant la volonté politique pour le faire est perceptible.

Déjà, les chefs d’Etat des 15 pays de la CEDEAO ont entériné une «approche graduée pour l’adoption en 2020 de la monnaie unique en commençant par les pays qui atteignent les critères de convergence». Les spécialistes du domaine évoquent de nombreux obstacles, notamment l’abandon du franc CFA et des monnaies nationales et les fameux critères de convergence comme la création de réserves de change couvrant au moins trois mois d’importations, un déficit budgétaire inférieur à 3 % du Produit intérieur brut (PIB), une inflation inférieure à 10 %, ou encore une dette inférieure à 70% du PIB.

Loin d’en rajouter aux débats passionnés sur la question, il convient d’applaudir, à tout rompre, le ferme engagement de nos dirigeants, à franchir un cap qui semblait infranchissable depuis 30 ans. De toute évidence, tous les Etats de l’espace CEDEAO ne pourront pas adopter cette nouvelle monnaie en 2020, mais l’essentiel est de commencer avec ceux qui sont prêts.

A l’image de l’Union européenne (UE), les chefs d’Etat ouest-africains pourraient s’inspirer de l’exemple de l’Euro pour appliquer progressivement le calendrier de «mise en service» de l’Eco. En effet, c’est en décembre 1995 que les 15 Etats membres de l’UE ont adopté le nom de la monnaie unique, l’Euro, avec à la clé, les conditions, le calendrier et les modalités de passage à cette monnaie unique.

Quatre ans après (le 1er janvier 1999), l’Euro est devenu la monnaie unique de 11 pays européens et les taux de change ont été fixés de manière irrévocable. Le 1er janvier 2002, les billets et pièces en euros ont été mis en circulation. Au total, sur les 15 pays, 11 ont entamé la marche de l’Euro pour le rendre totalement opérationnel, sept ans plus tard. Comptant aujourd’hui 27 membres plus la Grande Bretagne, l’UE a intégré au fur et à mesure les Etats qui remplissaient les conditions.

C’est dire donc qu’avec l’Eco, les quelques rares pays, qui répondent aux critères de convergence, peuvent «fonctionner» avec la monnaie unique, en attendant que les autres ne se conforment aux exigences. Certes, la France, partenaire incontournable de la plupart des pays de la CEDEAO, ne s’est pas officiellement prononcée sur le sujet pour des questions de souveraineté des Etats africains.

Mais, il serait naïf d’ignorer que depuis 1945, huit Etats africains de la CEDEAO utilisent le franc CFA, auparavant arrimé au franc français et maintenant à l’Euro. A cela, il faut ajouter que les devises des sept autres pays ne sont pas convertibles entre elles. Somme toute, la volonté politique est là et c’est l’essentiel. L’effectivité de l’Eco prendra le temps qu’il faut, mais elle a le mérite au moins d’avoir été mis en route.

Jean-Marie TOE

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