La rançon d’une libération

Le jeudi 8 octobre dernier, les autorités maliennes ont obtenu la libération de quatre otages des mains des groupes terroristes. Il s’agit de l’opposant malien, Soumaïla Cissé, de la Française Sophie Pétronin et des deux Italiens, Nicola Chiacchio et le père Pier Luigi Maccalli. Ces libérations, qui interviennent à l’issue de longues négociations, ont été diversement appréciées par l’opinion publique malienne et aussi internationale au regard de l’intérêt de la question. La contrepartie de ces remises en liberté est jugée très salée en ce sens qu’elle fait la part belle à l’ennemi. En effet, plus d’une centaine de terroristes ont été libérés par les autorités maliennes. Et comme si cela ne suffisait pas, une rançon aurait été payée, pour « amadouer » les chefs terroristes qui menaçaient de rompre le processus de négociation.

S’il faut a priori saluer la libération des otages en ce sens que le droit à la vie humaine n’a pas de prix, il n’en demeure pas moins que les conditions de libération des otages suscitent moult interrogations. Alors que les Maliens pensaient que ce compromis viendrait leur donner un temps de répit, quelle n’a pas été leur surprise de constater le degré de nuisance des forces du mal. Depuis bientôt une semaine, les populations du village de Farabougou, dans le centre du Mali sont sous un embargo digne d’un film hollywoodien. Dans ce village, personne n’entre, ni n’en sort, exceptés les seigneurs de guerre qui dictent leur loi. Pour montrer leur intransigeance, le blocus a été doublé d’une attaque qui a fait au moins six morts et 22 blessés.

Et comme si cela ne suffisait pas, les forces du mal ont tenu en respect une position de l’armée malienne à Sokoura, dans le cercle de Bankass dans la nuit du lundi 12 octobre 2020. Cette attaque qui intervient à moins d’une semaine de la libération de la cohorte de combattants terroristes a coûté la vie à neuf soldats de l’armée malienne et fait des blessés dans ses rangs, selon une source militaire. Le renfort dépêché sur les lieux est aussi tombé, hier mardi matin, dans une embuscade et a fait trois morts, dix blessés et des disparus. Ces démonstrations de force montrent à souhait que ces groupes terroristes n’ont pas du tout perdu leurs capacités de nuisance.

Mieux, ils tentent de montrer à la face du monde leur suprématie sur l’adversaire. Et pour atteindre leur but, ils démontrent à qui veut l’entendre qu’ils peuvent jouer sur plusieurs leviers pour faire mal. Ce message doit être bien analysé par les pays du G5 Sahel en proie à la menace terroriste. Doivent-ils continuer à verser des rançons à l’ennemi ou à libérer de redoutables prisonniers qui menacent la paix ?

Continuer dans ce sens reviendrait à faire le jeu de l’adversaire et s’engager dans un labyrinthe sans issue car l’ennemi aura la latitude de se reconstruire tant sur le plan de ressources humaines qu’au niveau de l’arsenal de guerre. La réponse à cette crise ne peut se faire sans le démantèlement des sources de financement, l’augmentation de la puissance de feu et la lutte contre la pauvreté dans les zones où les populations sont exposées à l’enrôlement des groupes terroristes.

Abdoulaye BALBONE

 

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